Ducati Hyperstrada – Hypermotard en goguette

Essais Motos Philippe Borguet
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Vous adorez plonger d’un virage à l’autre mais vous privilégiez votre confort et vous ne partez jamais sans biscuits ni combi pluie. Avec l’Hyperstrada, Ducati a pensé à vous!

A priori une machine de type supermotard est construite pour aller virevolter sur les routes sinueuses à l’occasion de l’une ou l’autre sortie entre copains allumés. Un jouet en somme. Chez Ducati, on n’est pas à une contrariété près et l’on propose aujourd’hui une Hypermotard capable aussi de voyager plus loin que la vallée de la Molignée avec madame et bagages. L’importateur de la marque pour le Benelux a eu la bonne idée de se greffer sur la présentation proposée en ce début avril par son homologue français. C’est ainsi qu’un beau matin, j’ai pris la route de la Corse pour découvrir la nouvelle Hyperstrada, mais aussi les autres modèles Hypermotard de la marque et la fameuse Diavel également déclinée en Strada (voir pages suivantes). Ciel bleu, température idéale, routes sèches, tous les feux étaient au vert pour découvrir une machine visant une niche toute particulière de motards.

Moteur à eau

Comme découvert lors des salons, les Hypermotard de Bologne disposent désormais d’un twin à refroidissement liquide, le Testastretta 11°de 821cc. On y trouve toujours la distribution desmodromique propre à la marque avec un calage identique à la Multistrada, mais également le système de dépollution apparu sur la Panigale. Ce système injecte de l’air permettant de délayer les gaz non brûlés mais surtout de diminuer la chaleur au niveau des soupapes d’échappement. Ici ce n’est pas la puissance qui a été recherchée, mais plutôt un couple maximal grâce à un travail sur l’échappement et la boîte à air. Ainsi, ce moteur propose 89Nm à 5.550tr/min pour une puissance de 110ch à 9.250tr/min. Dans la foulée, le moulin dispose d’un embrayage à bain d’huile à glissement limité diminuant (enfin) le bruit de vieilles  casseroles de l’ancien. Autre intérêt : des intervalles de révision prolongés. Ducati annonce 15.000km pour l’entretien classique et 30.000 bornes avant le remplacement des courroies et l’ajustage du jeu aux soupapes.

Modes et tutti quanti

Il n’y avait aucune raison que cette nouvelle Hyperstrada ne soit pas dotée des habituelles aides à la conduite. La commande de gaz est confiée à un système ride-by-wire qui se révélera très précis à l’emploi. Tout en roulant et en laissant les gaz fermés, trois modes de réactions du moteur, Sport, Touring et Urban peuvent être sélectionnés aisément. Le choix aura une influence directe sur les autres aides à savoir la traction control et l’ABS. Si vous optez pour le mode Sport, soit le maximum de puissance, l’ABS sera réglé sur 1 et le TC sur 3. En rythme Touring, on conserve les 110ch, mais ils passeront plus calmement à la roue arrière alors que le TC se fixera à 4 et l’ABS à 2. La troisième possibilité, l’Urban, a une forte influence sur la puissance puisque celle-ci redescend à 75ch engendrant donc une pleine douceur des réactions. L’ABS reste bloqué sur sa deuxième position, tandis que le TC grimpe à six.

Naturellement, il vous est loisible de modifier les paramètres du TC (8 possibilités) et de l’ABS (2), mais il vous faudra alors vous arrêter en bord de route et piocher (assez facilement) dans les menus avant de mémoriser vos choix ou déconnecter le tout.

Ce qui change…

Si vous optez pour une Hyperstrada, voyons maintenant ce que vous aurez en plus que sur le modèle de base. Tout d’abord un pare-brise (fixe malheureusement, mais possibilité d’une bulle touring plus haute en option), des garde-boues plus enveloppants, un sabot moteur cache-misère, un guidon placé 20mm plus haut, une selle plus confortable et culminant à 850mm, soit 20 de moins que sur la basique, une béquille centrale (bien pratique pour le graissage de la chaîne), des valises, une double prise 12V sous la selle, des pneus Pirelli Scorpion Trail, un amortisseur Sachs réglable par mollette en précontrainte mais aussi en détente, alors que votre passager bénéficiera de poignées plus pratiques. Le tout monté dans le nouveau châssis qui associe l’habituel treillis cher à la marque à un arrière-cadre mariant aluminium et polymère.

Freinage et suspension

Côté frein, c’est naturellement vers Brembo que Bologne s’est tourné. Des étriers radiaux pour le double disque de 320mm, mais associé à un maître-cylindre classique, donnent une efficacité largement suffisante même s’il vous faudra vous habituer à une attaque assez franche. Plus haut, j’ai déjà évoqué l’amortisseur arrière relié à un beau monobras en aluminium, pour l’avant une Kayaba inversée de 43mm effectue bien son boulot même si elle ne comporte aucune possibilité de réglages personnalisés. Fidèles à leur réputation, les Corses ne comptent pas les trajets en kilomètres, mais en heures! Notre programme prévoyait un itinéraire aux mille virages entre Ajaccio et Porto Vecchio et un retour via des courbes moins prononcées. De quoi se faire une bonne idée de l’Hyperstrada.

Même si la selle est un peu plus basse que celle de l’Hypermotard, il faut mesurer au moins 1,75m pour bien poser les pieds au sol (des selles plus basses sont disponibles en option). Par contre, l’assise est moelleuse et comporte un appui pour l’arrière-train du pilote.

Ce qui frappe surtout c’est la position du buste, très en avant avec une impression d’avoir le guidon juste en dessous de la poitrine. Pas autant que sur une Hypermotard, mais plus que sur la Multistrada. Heureusement, la rehausse du guidon par des pontets pas très esthétiques mais montés sur silentblocs, vous permet de bien contrôler la machine et d’avoir, finalement, une position de conduite inhabituelle sans doute mais confortable. On s’habitue d’ailleurs très vite d’être planté si fort sur l’avant et il suffit de quelques virages pour trouver le bon mode d’emploi. On comprend tout aussi rapidement que la bulle n’est qu’un simple saute-vent à la protection toute aléatoire.

Couple et puissance

Le moteur s’ébroue facilement dans un claquement agréable et caractéristique à ce Twin à 90°. La commande d’embrayage mécanique est douce et précise et le passage des six rapports, bien étagés, se fait sans problème, même avec un sélecteur plié, reliquat d’un journaliste français au pilotage particulier!

Le moteur est agréable à l’emploi avec du couple et de la puissance. Il donnera le meilleur de lui-même entre 5.000 et 8.000tr/min. C’est entre ces deux limites qu’il est le plus rond et le plus sympa ce qui ne l’empêche pas de reprendre dès les 2.000tr/min mais alors avec plus ou moins d’apathie suivant le mode sélectionné.

Vu la configuration du châssis, c’est surtout dans les virolos serrés que l’Hyperstrada se sent le plus à l’aise. Sa légèreté (200kg en ordre de marche) permet de modifier les trajectoires comme on l’entend  et il faut vraiment attaquer fort, très fort, pour que la moto et/ou la garde au sol soient prises en défaut, la béquille centrale étant, comme souvent, la première à trinquer.

Pas de commentaires pour les suspensions et le freinage qui accomplissent bien leur boulot. Encore qu’il faudra, surtout côté amortissement, revoir éventuellement ce jugement en duo avec quelques bagages en prime. A voir également la consommation, le galop fait en Corse n’ayant pas permis d’effectuer le moindre relevé. Dans les longues courbes, la précision est un peu moindre, mais l’Hyperstrada reste saine, sans surprise et permet de se faire plaisir. Les aides à la conduite se font oublier, la preuve qu’elles sont bien définies d’origine et efficaces.

Tourisme de caractère

Disponible dès à présent pour 12.690€, voici une moto, belle, à la ligne toute particulière, reprenant notamment le garde-boue avant bec de canard de la famille Hypemotard et Multistrada. Une machine à la finition soignée, même si certains éléments font défaut (jauge à essence par exemple) et d’autres (les sacoches) qui auront du mal à résister au temps. L’Hyperstrada plaira à ceux qui veulent une mécanique de caractère, sortant de l’ordinaire. Elle associe le plaisir du pilotage fun, un certain confort et un petit côté pratique intéressant. Elle propose aussi toutes les aides au pilotage actuel tout en conservant une étiquette de «moto plaisir» évidente.   

Un essai signé Philippe Borguet et publié dans le Moto 80 n°750.