Gamme KTM LC4 – Plaisir « single »

Essais Motos Laurent Cortvrindt
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On refuse rarement une invitation à déguster un bon repas trois services, surtout s’il a été composé autour d’un thème alléchant. Au menu: du circuit pour commencer, de la route pour continuer et de la forêt pour conclure en beauté. Miam miam…

D’habitude, les invitations pour des présentations à la presse qui «tombent» à la rédaction concernent, la plupart du temps, un nouveau modèle ou, plus rarement, un essai gamme. Cette fois, l’invitation de KTM était spéciale. Elle concernait un sorte d’essai gamme mais avec un point commun plutôt particulier: le monocylindre LC4 de la marque, ce «mono» qui équipe la 690 Duke (R), la 690 Enduro R et la 690 SMC R. Nous lisions bien, KTM nous proposait un alléchant triathlon afin de découvrir le LC4 et ces trois machines sur leur terrain de jeu respectif. Impossible de refuser… Avant d’embarquer pour Barcelone version «multifacette», nous fûmes confrontés à un problème logistique de taille. Comment embarquer deux tenues complètes, deux casques, deux paires de gants, des bottes et quelques vêtements de rechange? Simple: grâce au sac Predator d’Acerbis que vous retrouverez en essai produit dans ce même numéro! Mais c’est une autre histoire, penchons-nous sans tarder sur ce LC4 dont KTM semble si fier… Techniquement parlant, LC4 signifie «liquid-cooled four valve». Pratiquement, il s’agit d’un moteur qui se distingue par son couple, son efficience et un poids très léger. Le LC4 est un beau succès commercial pour KTM. Depuis 1994, 69.000 unités (objectif pour 2014: 10.000 exemplaires) ont en effet été produites. Continuellement développé, le bloc 2014 annonce un gain de 8% à 10% en termes de consommation par rapport à la précédente version. Et avec ses émissions réduites, il satisfait à la norme Euro 4. Désormais, le voici aussi équipé d’un full ride-by-wire délivrant la puissance plus doucement et autorisant un meilleur contrôle.

Ça glisse

9h. Nous quittons l’hôtel, une petite heure de liaison par autoroute nous attend. L’occasion de tester la 690 SMC R sur un terrain moins adéquat. Première constatation, la hauteur de selle est importante. Heureusement, la machine est légère et très maniable en ville. Sauf pour braquer «court». Une fois sur l’autoroute, c’est la grosse surprise. Nous venions essayer un moteur, eh bien, on dirait qu’il va nous en mettre plein la vue. Malgré «seulement» 70ch, il pousse comme un malade, sans discontinuer. Résultat, la barre des 180km/h tombe aisément et les reprises sur les derniers rapports, même en 6e, sont généreuses. Impressionnant pour un mono! Bon, bien entendu on repassera pour la protection au vent et les vibrations sont quand même bien présentes un peu partout. Mais la maniabilité générale se révèle vraiment de bonne facture. 10h. La brume du matin tarde à quitter le ciel de la banlieue barcelonaise. Nos SMC R sont prêtes à en découdre sur le circuit de kart que nous avons rejoint. Exercice particulier où il convient de trouver de bons repères, l’environnement étant «miniature». Ici, plus possible d’exploiter l’allonge du LC4. Par contre, on va pouvoir tester ses reprises et ses 70Nm. Deuxième belle surprise de la matinée. Même un rapport trop haut, ça repart sans chipoter. Inutile donc de jouer sans cesse du sélecteur. Difficile également de prendre en défaut le freinage de la SMC R. L’ABS Bosch 9M+ propose, en plus, un mode qui autorise le blocage de la roue arrière et peut, en outre, être désactivé… si le dongle ad hoc a été préalablement installé. En fait, seule la température du revêtement nous rappelle à l’ordre. La piste n’a pas encore suffisamment chauffé et les roues se dérobent de temps en temps. Allons-y mollo, un marathon se joue sur la distance…

Pleins gaz

13h. Après une légère collation, nous changeons de monture. Des 690 Duke nous attendent pour une balade menée tambour battant. C’est le plat de résistance! Si le moteur se révèle quasi identique (voir fiche technique), il ne faut pas être fin connaisseur pour se rendre compte que voilà une autre monture… La selle est déjà beaucoup plus basse et, en fait, c’est la position de conduite toute entière qui diffère. Le réservoir bien entre les jambes, le buste légèrement penché vers l’avant, on «rentre» dans la Duke. Idéal pour attaquer les virolos. Parmi les innovations 2014, soulignons le ride-by-wire réellement amélioré. Les petits à-coups décelés lors de notre dernier essai semblent avoir été gommés et le plaisir de conduite et la fluidité s’en voient immédiatement améliorés. Par contre, les vibrations au niveau de la selle n’ont pas (encore?) été éliminées. Tout comme cette tendance à se désunir légèrement lors des longues courbes rapides, la Duke 690 fait un peu la danse de Saint-Guy et manque de stabilité. Dommage, car sur une route sinueuse son extrême agilité fait merveille. En passant brièvement sur la R, on découvre encore un nouvel environnement. Selle sport et repose-pieds rehaussés, la Duke invite à pencher encore plus. Revers de la médaille, la position de conduite perd toutefois en naturel et nous lui préférons celle de la Duke «normale», moins cassante pour les genous. Par contre, sur la R, la stabilité semble meilleure à haute vitesse et le freinage à quatre pistons Brembo M50 est de toute première facture.

Changement d’avis

16h. Voici l’heure du dessert. Ou du goûter, c’est un peu pareil… Et celui-ci se présente sous la forme d’une 690 Enduro R et, surtout, d’une piste d’une bonne vingtaine de kilomètres qui s’enfonce dans la campagne boisée. Mes compagnons jubilent. Je suis nettement moins excité. Je vous parle franchement, l’enduro, très peu pour moi. Je fais partie de ces «intégristes» qui estiment que, pression démographique oblige, les forêts belges doivent rester un refuge pour la faune et les promeneurs souhaitant fuir le bruit incessant de notre civilisation speedée. Et comme je n’ai jamais eu l’occasion de m’essayer à cette discipline sur terrain privé ou lors d’une manifestation organisée, cette petite promenade constitue mon baptême du feu. Gloups… Les gars de KTM m’ont pourtant rassuré: «On va y aller cool». Mon œil, je vous connais les mecs… Le résultat est à la «hauteur» de mes espérances. Après 30 secondes, sans trop savoir comment, j’évite la première gamelle. Quand on regarde là où il ne faut pas aller… on y va forcément! Bon, on se calme, on respire et on va maitriser cette Enduro R. Mes camarades sont déjà loin, j’y vais donc à mon rythme. Oublions fissa «l’aller» où j’ai surtout veillé (et réussi) à survivre sans billet de parterre. La session photo et quelques plaisanteries font retomber un peu la pression. Deux autres journalistes, plus pressés, se sont envoyés dans le décor, eux. Finalement, je ne suis pas si ridicule.

Déclic

C’est donc gonflé à bloc que j’attaque le retour. Et là, miracle. D’un coup, d’un seul, le déclic. J’ai la moto en main. Pourtant, je ne la connais que depuis 20min. Pierres, branches, lits de cours d’eau à sec, «bankings»… je joue un peu de l’embrayage même si ce n’est pas toujours très conseillé et je m’amuse avec les embûches et les rapports de transmission courts. Mon rythme s’accélère, plus vite, encore plus vite, c’est le jour et la nuit. Quel pied! Bien debout sur les repose-pieds, j’apprécie la maniabilité et la légèreté de cette Enduro R. La puissance, délivrée docilement me permet de ne pas être surpris par un coup de pied au cul. Je peux me concentrer totalement sur ma trajectoire et le relief du terrain. Les suspensions, dont la nouvelle fourche WP, encaissent mes erreurs de trajectoire (comprenez les trous que je n’arrive pas à éviter) sans me briser la colonne et j’apprécie l’ABS Bosch 9M+ (deux modes et déconnectable) quand je suis en perdition dans une descente raide parsemée de cailloux qui se dérobent les uns après les autres. Déjà, la clairière apparait. L’embrayage a tenu bon et moi aussi. J’ai l’impression que le retour a été 5 fois plus court. Peut-être parce que je me suis amusé 5 fois plus? C’est clair, seuls les imbéciles ne changent pas (totalement) d’avis. L’enduro, avec une telle «allrounder» (désormais dotée de Metzeler Enduro 3 Sahara pour la route) et dans ces conditions, c’est génial!

Un essai gamme signé Laurent Cortvrindt publié dans le Moto 80 n°765 d'août 2014.