Suzuki GSX-S100: une nouvelle canaille!

Essais Motos Thierry Dricot
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Alors que la concurrence frappe fort dans le segment des hypersportives, Suzuki, pourtant précurseur avec sa GSX-R, revient avec un pur roadster. Avec un lien indéniable vers le passé et des performances bien actuelles, la GSX-S1000 est une des bonnes surprises de ce début de saison.

Les racines de la série GSX sont apparues en 1976 avec la GS750. Ce fut la première Suzuki sportive motorisée par un 4 cylindres en ligne. En 1980, le moteur GS évolua vers une conception à 16 soupapes, avec l’arrivée de la GSX750E. Ce fut l’origine de la glorieuse lignée GSX, suivie par la radicale GSX1100S KATANA, en 1981, et la légendaire et novatrice GSX-R750, en 1985. La sportive GSX-R a marqué les esprits et des générations de motards. Cette machine fut le déclencheur d’une nouvelle ère: celle des hypersportives. Depuis, les autres constructeurs se sont engouffrés dans le secteurs pour que, finalement, les élèves finissent par dépasser le maître. Pourtant, il fallait bien qu’une nouvelle machine profite de l’expérience GSX-R. L’objectif était simple: produire un roadster conservant les performances moteur et la signature de son aïeule, l’adapter à de nouvelles conditions routières, soigner sa sonorité et modifier les technologies actuelles sans toutefois en inonder la machine.

Pas de débauche

On connait les qualités du quatre cylindres sportif de Suzuki. Léger, robuste et très joueur, c’est autour de lui que s’est construite cette nouvelle moto. Avec 145,6 chevaux à 10.000tr/min et un couple de 106Nm à 9.500tr/min, le ton est donné. Une partie-cycle rigide épaulée par un bras oscillant tout droit dérivé des GSX-R, un habillage minimaliste, de gros freins et nous voilà face à une machine accusant 207kg sur la balance avec les pleins! Un beau travail des ingénieurs qui donne à cette GSX-S1000 un rapport poids/puissance alléchant. Posée sur des Dunlop Sportmax D214 de 190 à l’arrière et de 120 à l’avant, la Suzuki veut directement aller jouer dans la cour des BMW S1000R, Triumph Speed Triple, Kawasaki Z1000, Yamaha FZ1, KTM 1290 Super Duke et autres Ducati Monster 1200.

Dans cette niche de roadster pas sages, la «Suz» ne fait pas dans la débauche d’aides à la conduite. Un ABS, bien sûr, et un système de «traction control» réglable sur trois niveaux. Du 1er en mode sport jusqu’au 3e pour la pluie et les conditions froides, en passant par le mode 2 pour la ville et la conduite normale, 5 senseurs analysent les vitesses de rotations des roues 250 fois par seconde… On verra plus tard l’efficacité du système. Pas de poignée «Ride by wire», pas d’embrayage hydraulique, pas de shifter pour le passage des rapports… On est plutôt dans la simplicité et l’efficacité. La cible visée par la marque est orientée vers des conducteurs expérimentés, venant en général du segment hypersport. Des consommateurs qui recherchent des machines avant tout légères, agiles avec d’excellentes accélérations. Ensuite, viennent les critères du style et de la finition. La vitesse maximale est moins importante par les temps qui courent, surtout sur des machine dépourvues de protections.

Âme présente

Bien assise sur ses suspensions KYB entièrement réglables en détente et en compression, assez basse de selle, la prise en main de la GSX-S1000 se fait naturellement. La position de conduite, un rien sur l’avant aidée par le guidon Renthal Fatbar d’origine, permet de bien s’installer à bord. Les commandes reculées sont idéalement placées pour bénéficier d’un bon appui et les jambes ne s’avèrent pas trop repliées. Contact, une légère pression sur le démarreur et le 4 cylindres s’ébroue instantanément grâce au système EasyStart qui ne réclame pas de débrayer… facile! Le moteur émet un bruit feutré sur le ralenti mais celui-ci change radicalement dès le moindre coup de gaz. L’âme de la GSX-R est bien présente. Cela s’annonce bien! D’entrée de jeu, la moto semble bien équilibrée. Les commandes répondent parfaitement, si ce n’est ce côté un peu on/off de la poignée de gaz. Un phénomène principalement sensible sur les deux premiers rapports et à vitesse réduite.

Les routes sinueuses du sud de l’Espagne mettent directement en avant les qualités dynamiques de la machines. Après une «brève» prise en main, le rythme de l’essai s’élève naturellement tant la Suzuki met en confiance. Toujours est-il que cet essai s’est transformé en «arsouille» d’environ 200 kilomètres pendant lesquels, personnellement, je n’ai pas réussi à prendre cette GSX-S en défaut. Le moteur est vraiment la pièce maîtresse de cet ensemble. Reprenant dès 2.000tr/min en sixième, il est capable de pousser sans s’arrêter jusqu’à… 264km/h, après il a fallu couper… Freinages sur l’angle, gros gaz en sortie de courbe, virages avalés à allures très rapides, accélérations et montées en régime impressionnantes, freinages de trappeur… toute la panoplie de l’utilisateur d’un gros roadster y est passée.

Pas à l’étroit

Toutes ces qualités sont transmises à la route par les excellents Dunlop Sportmax D214 qui mettent très vite en confiance sur le train avant et font remonter les informations nécessaires au pilotage. L’aérodynamisme de la partie avant protège étonnamment bien et le flux d’air vient gentiment vous pousser sur le torse alors que vous dépassez déjà largement les vitesses autorisées sur autoroutes. Un bon point pour ceux qui veulent voyager un peu! Maintenant, le retour vers l’hôtel nous fait passer dans une zone urbaine où, bien évidemment, le rythme s’adoucit fortement. L’occasion de profiter de ce moteur à la docilité et à la souplesse magnifiques pour se dire que cette GSX-S1000 ne se sentira pas à l’étroit dans les villes. Sa position de conduite et le guidon finalement assez large permettent un bon contrôle de la moto et se faufiler entre les files de «caisses» ne devrait pas poser trop de problème. De la souplesse, de la pêche secondée par une boite de vitesses sans faille, ce roadster est une vraie machine à plaisir. Même à cette allure, la moto reste confortable pour une «naked». Ce n’est que le lendemain matin que les essayeurs avaient mal aux cuisses. 200 kilomètres de déhanchement, ça fait travailler les muscles… Les pistards comprendront! Soulignons encore que le freinage, même s’il demande un certain effort sur la poignée, se révèle digne des performances générales de la moto. Il diffère simplement de la brutalité «d’attaque» par rapport à certains systèmes des marques concurrentes.

Conclusion

Cette Suzuki GSX-S1000 pourrait être la bonne surprise de cette année 2015. En effet, il y a un certain temps que l’on attendait une réelle nouveauté chez le constructeur d’Hamamatsu. Et bien des nostalgiques pourraient y trouver leur compte de rouler à nouveau en «Suz». On redécouvre en effet avec plaisir l’âme sportive de la marque ainsi qu’un réel savoir-faire. Comme déjà évoqué, la concurrence est rude dans ce segment. Sur le papier, la Suzuki pourrait paraître moins alléchante. Moins bardée d’électronique que ses rivales, elle se pose néanmoins comme un véritable outsider. Ses lignes un peu moins «manga» séduiront certainement une autre frange de motards. À 12.290€ (13.090€ pour la F avec bulle), voilà une nouvelle canaille dans le monde des gros méchants roadsters. Les comparatifs s’annoncent passionnants!

Un essai signé Thierry Dricot publié dans le Moto 80 n°774 de mai 2015.