Moto Guzzi V7, une V7 taillée sur mesure

Essais Motos Bruno Wouters
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Il a pris du galon, le best-seller de la vénérable marque italienne, au point que le voilà baptisé Moto Guzzi V7 II depuis Intermot, à l’automne dernier. Nous en avons customisé un exemplaire pour partir à la découverte des rives du lac de Côme.

Au premier regard, rien (ou pas grand-chose!) ne semble avoir changé lorsqu'on détaille la petite Guzzi, et c'est tant mieux, tant celle-ci reflète l'image que s'est forgé Guzzi dans l'inconscient collectif du motard. Gracile, équilibrée, la V7 séduit autant le motard averti que le novice ou la gent féminine. Une qualité qui fait son succès depuis 2008. Cette seconde génération justifie pourtant son «II» par de nombreuses évolutions techniques et ergonomiques. La V7 avait déjà connu son lot de (petites) évolutions en 2012 avec des réactions moteur plus franches et une déclinaison de la gamme en trois modèles distincts: la Stone d'entrée de gamme, la Classic jouant la carte de la nostalgie et enfin le café-racer.

La «Due»

Pour la «II», les gars de Mandello ont remis le couvert avec encore de nombreuses modifications. La première d'entre elles, la plus importante sans doute, se niche dans les carters: une nouvelle boîte de vitesses fait son apparition, et personne ne s'en plaindra. La boîte cinq précédente faisait en effet pitié: lente, imprécise, avec un effrayant débattement du levier qui occasionnait régulièrement de faux points morts. La V7 n'était pas gâtée! Elle a laissé place à une boîte six bien plus précise et mieux étagée, nous le constaterons à l'usage, et commandée par un embrayage retouché. Le reste des efforts a porté sur l'ergonomie. Le moteur, placé 10mm plus bas et incliné vers l'avant de 4°, abaisse le centre de gravité et libère de la place pour les jambes. La selle descend maintenant à 790 mm du sol (15mm de gagnés) et les repose-pieds sont fixés 25mm plus bas. Le nouveau millésime hérite dans la foulée de l'ABS et du contrôle de traction. Mais plus important, bien plus important, car ceci témoigne d'une réflexion de fond sur l'évolution de la moto et de sa pratique, Moto Guzzi propose, avec sa V7 II plus d'une centaine d'accessoires, histoire de rendre chaque V7 unique. Une centaine d'accessoires pensés et dessinés par Moto Guzzi, tous réalisés en Italie, et interchangeables avec les pièces d'origine de toutes les générations de V7!

Prêt-à-porter

Rien de nouveau sous le soleil, sans doute puisque Harley-Davidson pratique cette méthode depuis des années. Oui, sauf qu'ici, chaque pièce est homologuée et donc «street legal», la production locale rajoutant une touche d'authenticité bienvenue sur une machine qui n'en manque justement pas, d'authenticité! Nous voici donc entre les murs bientôt centenaires de l'usine Guzzi, en plein village de Mandello del Lario, à un jet de pierre des rives du lac de Côme. C'est au sein d'un des ateliers de cette usine qui a vu naître toutes les Guzzi depuis 1921 que nous découvrons quatre V7, quatre univers, quatre propositions de style, mais qui ne restent que quatre propositions parmi toutes celles possibles en piochant les éléments de son choix. Ce quatuor, abondamment illustré sur le site www.garagemotoguzzi.com, pourra servir d'inspiration à l'apprenti customisateur qui ne risque plus, au pire, de se retrouver les bras ballants devant une moto irrémédiablement désossée, au mieux, au guidon d'un machin inconduisible qui fera les choux gras de la maréchaussée au premier contrôle venu.

Giallo Denso

Nous décidons de nous la jouer sobre et pratique en jetant notre dévolu sur une V7 Stone «Giallo Denso» que nous allons personnaliser à notre sauce en sélectionnant quelques éléments dans l'épais catalogue proposé. Exit, les sinistres garde-boues en plastique noir, remplacés par de splendides éléments en aluminium poli, avec le support de plaque idoine. Le noir sera privilégié pour les flancs latéraux et le saute-vent en aluminium. Nous choisissons encore la selle rembourrée avec son «Moto Guzzi» délicieusement brodé en jaune, les sacoches latérales en cuir noir sur leurs supports spécifiques et, enfin, le porte-paquet et sa sacoche à outils en cuir noir, elle aussi. De quoi partir à la découverte des rives du lac de Côme en toute quiétude! Le temps de sortir des ateliers, un signe au gardien de l'entrée, et nous écoutons le vaillant petit twin résonner, comme tant d'autres avant lui, dans les ruelles de Mandello. Direction Lecco en longeant la rive du lac, nous franchissons le premier pont qui surplombe le bras reliant le Lago di Garlate, pour remonter dans le triangle Larien qui sépare les deux bras inférieurs d'un lac qui, par ses formes, rappelle irrésistiblement la fusée de Tintin. Paysage absolument magique que nous parcourons sans doute avec une des motos les plus adaptées pour ce genre d'exercice. Le gabarit mesuré de la V7, sa géométrie classique bien éloignée des standards actuels, le petit moteur, vivant et alerte dans les mi-régimes, tout concourt à rendre l'expérience inoubliable.

Triangle Larien

Bien vite pourtant, nous quittons la rive pour monter vers Valbrona, Asso, Sormano et, enfin, marquer la pause au sommet du mur de Sormano qui culmine à 1.124 mètres, un haut lieu du cyclisme, une étape redoutée du Giro d'Italia. Nous abandonnons presqu'à regret notre V7 sur le parking du ristorante bar La Colma, tant elle s'est montrée plaisante dans les enchaînements de virages qui nous ont menés jusqu'ici. Sans esbroufe, le twin longitudinal fait preuve d'un tempérament marqué, donnant le meilleur de lui-même de 2.000 à 5.000tr/min. Pour obtenir un peu plus de punch, mais est-ce le but, il ne faudra pas hésiter à monter plus haut dans les tours (enfin, pas trop: la puissance maxi culmine à 6.200tr/min). Une solide assiette de pizzocheri nous attend. Ces larges pâtes, taillées comme des tagliatelles, sont principalement composées de farine de sarrasin et sont accompagnées d'oignons, de légumes, d'ail et de parmesan. Ce plat typiquement montagnard ne sort guère de la Valteline, dans les Alpes italiennes. Comme si nous risquions de manquer de force, la patronne revient à la charge avec des tagliolini al ragu de selvaggina, des pâtes fraîches agrémentées de viande de gibier finement coupée. Nul doute qu'un cycliste, éreinté par une montée de col de 25%, retrouvera assez de force (et de lest!) pour dévaler vers Nesso, de l'autre côté du triangle formé par les deux bras inférieurs du lac. L'antipatinage monté de série sur la V7 II ne fait guère preuve de son utilité en cette belle journée, l'ABS rassurera sans doute, mais le freinage, suffisamment puissant et facile à doser, ne le requiert pas souvent. Nous nous régalons de la taille de guêpe de cette petite machine, si facile à mener et si attachante.

Sono un Italiano

Il ne nous reste plus qu'à parcourir les berges en nous régalant des paysages somptueux et des villages hors du temps que nous traversons: Lezzeno, Bellagio qui semble couper le lac en deux, Limonta, Oliveto Lario, Onno, avant de redescendre sur Lecco, pour enfin remonter à Mandello del Lario. Avant de rendre notre petite V7 élégamment équipée de ses sacoches en cuir invitant à la randonnée, nous ne résistons pas au plaisir d'encore flâner quelques instants et de jeter un dernier regard sur ce lac envoûtant, maudissant le sort de ne pas être né sur ses rives…