Essai Ducati Panigale V4 R: simplement bestiale!

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Depuis la première course de ce championnat, à Donington Park en 1988, Ducati et le World Superbike sont indissociables. Après bien des succès, et des titres, le V-twin italien cède aujourd’hui la place au V4. Avec une superbike extrême, la Panigale V4 R. Son objectif? Gagner.

Jerez. Appuyé sur le muret des stands, j’ai la chair de poule. Et la lèvre supérieure qui tremble. S’agit-il d’une légitime excitation? Ou des premiers signaux d’une nervosité bien naturelle? Alessandro Valia, le pilote d’essai de Ducati, passe devant nous dans un vacarme assourdissant.

Sa V4 R est équipée d’un Akra racing. Dans le stand trônent plusieurs V4 R qui n’attendent qu’une chose, prendre à leur tour la piste. Traditionnellement, c’est le moment où je commence à m’impatienter. Et où les minutes paraissent interminables. Mais cette fois, je ne suis pas vraiment pressé. Il faut dire que c’est quand même une sacrée machine, cette V4 R.

Pour ses dernières versions «R», Ducati était resté relativement conservateur. L’objectif consistait simplement à proposer un modèle en vue de l’homologation de la version de course. Mais cette fois, la marque italienne s’est franchement lâchée. Comme si Ducati s’était lassé de ne plus parvenir à remporter le titre mondial en Superbike. Cette nouvelle Panigale regorge de titane et de fibre de carbone: la V4 R se veut radicale.  

À l’attaque!

Après un pit-stop dans le petit coin du stand n°4, où on faisait la file, c’est l’heure du briefing. Avec d’abord un petit mot sur les ambitions sportives de la marque en Superbike. Et très vite, on comprend que ces objectifs sont élevés. Pour faire briller cette nouvelle Panigale en World Superbike, Chaz Davies sera rejoint en 2019 par Álvaro Bautista, en provenance directe du MotoGP. La division Corse de Ducati a soif de victoires. La marque aussi d’ailleurs. Même si la première saison sera une année pour apprendre, l’objectif du Team Aruba sera évidemment le titre avec la V4. Le premier depuis celui remporté en 2011 par Checa sur une 1098R.

Depuis, Ducati est au régime sec en World Superbike. Un régime bien trop long au goût des responsables de la marque. Mais pour mener cette offensive en compétition, il fallait évidemment que l’usine de Bologne développe un «modèle d’homologation», que vous pouvez acheter. Enfin, si vous en avez les moyens… Cette Panigale coûte la bagatelle de 39.900€. Si la V4 Stradale et ses 221ch devaient vous sembler un peu trop modestes, vous pouvez faire passer sa puissance à 234ch en lui offrant une ligne Akrapovic en titane. Coût? 4.000€ de plus.

Sans compter la main-d’œuvre pour la journée nécessaire à son installation. Mais il faut le reconnaître: avec ce genre de produit de niche hyperexclusif, l’argent n’est pas vraiment un facteur déterminant. Il faut aussi avouer que Ducati n’a pas hésité au niveau des matériaux utilisés ou des heures de développement. Et ça, évidemment, ça se paye.

Impressionnant

Intéressons-nous un peu à la technique qui se cache sous cette V4 R. La première chose que l’on remarque, surtout par rapport à la Panigale V4 S, c’est que la version R est réellement taillée pour la course. Et c’est en grande partie à mettre à l’actif de son «Aero Pack» développé en soufflerie par Ducati Corse. La bulle est plus haute et le carénage supérieur plus large (+15mm), tout comme le reste du carénage, qui a gagné 38mm de chaque côté pour offrir une meilleure protection au pilote.

Dommage que ce genre de traitement soit réservé aux seules motos de course. En plus de mieux protéger le pilote, c’est aussi plus élégant… Les éléments les plus spectaculaires sont évidemment les fameuses winglets. Ces ailettes en carbone génèrent un appui renforcé qui contribue à maintenir la roue avant au sol à l’accélération mais aussi à optimiser son adhérence au freinage. L’objectif consiste à obtenir une moto au comportement plus neutre, capable d’offrir une confiance renforcée. Et grâce à son grip mécanique supérieur, de retarder l’intervention de l’électronique.

Et puis, ces appendices offrent à la V4 R des airs de MotoGP. Les petits ailerons de requin garnissant le carénage latéral permettent d’augmenter de 16% la quantité d’air s’écoulant le long du bloc pour refroidir au mieux le V4.

Comme le veut le règlement technique du World Superbike, le quatre cylindres en V de la V4 Stradale a vu sa cylindrée réduite à 998cc. Si l’alésage est demeuré identique, la course a été ramenée à 48,4mm. But visé: augmenter la puissance. Aussi, Ducati a rehaussé le régime maximal en développant des bielles en titane. Chacune permet de gagner 100g par rapport au bloc de série.

Le vilebrequin contrarotatif lubrifié a vu également son poids se réduire de pas moins de 1,1kg. Extrêmement compacts, les pistons se contentent d’un seul segment de compression et d’un seul segment de lubrification. La masse des composants mobiles étant limitée au minimum, le régime a pu être sensiblement augmenté.

Ce V4 de 998cc est ainsi capable d’atteindre les 16.000tr/min! Impressionnant. Et grâce aussi aux modifications apportées au niveau de l’admission et de l’échappement, avec entre autres un filtre à air racing, des papillons dont le diamètre a augmenté de 4mm et une levée de soupape renforcée, cette R développe la bagatelle de 221ch à 15.500tr/min…

Lâcher le fauve

L’heure est venue de voir ce que donne cette cavalerie en piste. Sur la selle, si vous avez déjà roulé en Panigale, la position est familière. Le carénage est un peu plus large et la vision sur l’écran TFT de 5 pouces se révèle parfaite. Même si Ducati a entièrement recalibré l’électronique, la mise en route est identique à la version Stradale mais la bande-son diffère de celle du bloc de 1.103cc de la V4 S.

Sur la R, Ducati a ajouté une nouvelle option: le pit-limiter, actif entre 40km/h et 80km/h. À Jerez, Ducati a décidé de la caler sur 60. Boîte inversée oblige, une petite traction sur le sélecteur et je me dirige vers le bout de l’allée de stands dans un fracas sonore. Une pression sur le bouton pour couper le pit-limiter et… c’est parti!

La poussée est franche et directe. Immédiatement, on sent que cette V4 R possède encore plus de caractère que la V4 S «de série» qui, pourtant, n’en manque vraiment pas… Lors des premiers tours, menés à un rythme plutôt modéré, je ressens tout de suite que la R se pilote moins sur le couple que la S. À son guidon, on n’a qu’une envie: monter dans les tours. Difficile même d’imaginer pour le commun des mortels qu’à 8.000tr/min, quand la R commence à montrer ses biceps, elle n’en est qu’à la moitié de sa courbe de régime…

Ce n’est pas pour autant que cette V4 R essaye à tout prix de désarçonner son pilote. Finalement, la puissance du V4 se voit même transmise avec un certain feeling au pneu arrière de 200mm de large. Les tours s’enchaînant, la confiance augmente. Comme l’envie de titiller les 15.000tr/min sur le compte-tours digital.

Pour oser exploiter tout le potentiel de la V4 R, il faut franchir une certaine barrière mentale. Et oser ouvrir la boîte de Pandore. Ce déferlement de puissance est hors catégorie. Pour éviter le surrégime, il faut jouer du sélecteur sans arrêt. Même si les ailettes s’avèrent efficaces, on se rend vite compte en mode Sport que l’électronique a vraiment du travail pour dompter la machine.

Finalement, c’est le mode Race qui s’avère le plus amusant. Moins intrusif, il offre l’équilibre parfait entre l’envie d’intervenir et celle de laisser un maximum de liberté au pilote, que ce soit au niveau de l’antipatinage (position 3) ou de l’anticabrage (position 2). Un régal!

Au mental

Si je trouve la V4 S finalement encore un peu plus impressionnante sur l’ensemble de la plage de régimes, la R a toutes les qualités d’une vraie moto de course, avec une allonge incroyable et une puissance impressionnante tout en haut. Le genre de moteur qu’adorent les assidus de la piste et qui sonne à leurs oreilles comme une symphonie. Et dans le cas de la V4 R, on peut même prendre l’expression au pied de la lettre grâce à l’usine à décibels en provenance de Slovénie.

En plus d’offrir quelques chevaux en plus, la ligne d’échappement en titane signée Akrapovic permet de gagner 5,5kg. De quoi offrir à cette V4 R un rapport poids/puissance assez extrême de 1,25ch/kg. Et pour remettre les choses dans leur contexte, c’était précisément la valeur dont disposait, en 2003, un certain Loris Capirossi sur sa Desmosedici en MotoGP. Ça parle, non?

Maintenant, il faut évidemment que cette cavalerie puisse être canalisée par une partie-cycle efficace. Sinon, à quoi bon? Sur ce plan, vous pouvez être rassurés: la V4 R s’en tire parfaitement. La célèbre courbe Sito Pons du tracé de Jerez, un «droite» en aveugle, se négocie en 3e. C’est la courbe parfaite pour jauger l’équilibre d’une moto. Si l’avant ne suit pas, on se fait directement emporter vers l’extérieur. Avec la R, pas de souci. Avec sa fourche «analogique» Öhlins NPX 25/30, la V4 R va chercher avec une précision extrême le point de corde aux trois-quarts de la courbe.

Ce suffixe 25/30 fait référence au diamètre du piston de compression (tube gauche, 25mm) et à celui du piston de détente (tube droit, 30mm). Une technologie identique à celle utilisée par Ducati sur la GP18 de Dovi. L’ensemble est 600g plus léger que la fourche semi-active de la S. Le genre de détail que l’on ressent au guidon. La façon dont la R se comporte dans les virages très serrés, comme la Curva Dry Sack, cette épingle qui se négocie en 2e au bout de la ligne droite, a quelque chose d’irréel tant elle est légère et directe.

La faible valeur des masses en mouvement, le vilebrequin essentiellement, joue évidemment un rôle dans ce domaine. La R n’a quasiment pas tendance à vouloir s’écarter du point de corde. On peut garder aussi sans souci deux doigts sur le levier de frein puisque même en mode Race, l’ABS Bosch actif en virage reste vigilant.

C’est d’ailleurs sur le plan du freinage que j’ai atteint en premier mes propres limites. Bien aidés aussi par le poids réduit de la moto et l’appui offert par les appendices aérodynamiques, les étriers Stylema Brembo sont tellement puissants que mes bras étaient parfois sur le point de lâcher. Pour enchaîner les tours rapides avec la V4 R, il faut une sacrée volonté. Et de l’expérience, évidemment.

Conclusion

Soyons francs: 40.000€ pour une moto, c’est une sacrée somme. Avec l’indispensable ligne Akrapovic, on arrive même quasiment à 45.000€. Contre cette facture, vous recevrez une moto… extrême. Avec la Panigale V4 R, le commun des mortels peut se retrouver au guidon de ce qui se fait de plus proche d’une véritable superbike de course alors que cette R est une «simple» moto de série.

Le caractère démoniaque du V4, la précision diabolique du châssis, le raffinement de l’électronique… on approche vraiment de très près la machine disputant le WSBK. Comme les RC30, OW-01 et autres 888 SP. Vu sous cet angle, on appréhende beaucoup mieux la personnalité de cette Ducati. Autant dire que la V4 R ne s’adresse pas aux débutants, surtout s’ils sont très enthousiastes.

Les up

– Puissance et régime du V4

– Précision en entrée de courbe

– Une vraie machine de WSBK

Les down

– Expérience indispensable

– Le physique est mis à l’épreuve

– Aïe pour le compte en banque…

 

Disponibilité: immédiate

Prix de base: 39.900€

Consommation: non mesurée