BMW R nineT Scrambler: l’art et la manière

Essais Motos Laurent Cortvrindt
Partager

Quatre ans après l’apparition de la R nineT, BMW poursuit l’élargissement de sa gamme avec l’arrivée d’une version Scrambler de son roadster moderne au style vintage. Présenté à Milan fin 2015, il nous tardait de pouvoir essayer ce symbole de la liberté «en vrai». C’est désormais chose faite. 

Un essai publié dans le Moto 80 n°789 d'août 2016.

Certains s’écorchent sur la véritable définition du Scrambler. Ne fâchons personne et faisons simple: un Scrambler est une moto de route au look rétro et qui, grâce à quelques modifications, évoque la liberté, invite à prendre le large, également en tout-terrain. D’où la présence, généralement acquise, d’un twin, de pneus à tétines, d’un grand guidon et d’échappements latéraux surélevés. Les premiers Scramblers ont été conçus par la jeunesse américaine dans les années 60, des machines simples capables de les emmener dans le désert ou sur les chemins forestiers. Un Scrambler, c’est donc la polyvalence mais aussi la «coolitude». La mode repassant sans cesse les plats, c’est là que les marketeers ont embrayé: que vous soyez barbu ou pas, tatoué ou non, il vous faut un Scrambler dans le garage! Aux plus âgés, cela rappellera les belles épopées des années 60 et 70 tandis que les plus jeunes auront le bonheur de posséder le dernier truc branché. Le Scrambler a donc effectué, depuis quelques années, un retour fracassant dans les concessions. Le succès insolent de celui de Ducati a montré la voie aux autres constructeurs et, à son tour, BMW entre dans la danse. À sa façon, naturellement, soit en se basant sur sa moderne R nineT, un roadster à l’inspiration vintage, afin d’inaugurer le nouvel univers BMW Motorrad Heritage.

Le Scrambler fait donc appel au classique bloc bicylindre boxer qui satisfait désormais à la norme antipollution Euro 4 grâce à une nouvelle cartographie et à un système d’alimentation en carburant à charbon actif. Le cadre treillis en tubes d’acier spécialement développé est constitué d’une partie avant avec tête de direction intégrée et d’une partie arrière comprenant le logement du bras oscillant. Le cadre passager, amovible, permet en outre de choisir entre une utilisation de la R nineT Scrambler à deux ou en solo. Conformément au tempérament actif de la machine, la géométrie de sa partie-cycle est avant tout conçue pour assurer une bonne maniabilité et un comportement neutre en virage. Une fourche télescopique à soufflets en caoutchouc assure le guidage de la roue avant tandis que celui de la roue arrière se voit repris par le monobras oscillant du type Paralever, tel qu’on le trouve sur les autres modèles boxer. Quant à la suspension et l’amortissement, ils sont assurés par un combiné ressort/amortisseur central. Niveau look, un des objectifs importants des designers consistait à réduire résolument les carénages au profit d’une allure puriste. Ce faisant, ils ont mélangé des éléments de la construction de motos de style classique et de style moderne, ce qui donne sa spécificité au Scrambler de BMW: phare rond, compteur de vitesse à affichage analogique, réservoir en tôle d’acier peinte et d’une capacité de 17 litres pour une meilleure autonomie, pièces raffinées en aluminium, selle cintrée et surpiquée…

Style scrambler

Outre une bonne maniabilité, une position décontractée au guidon est l’un des traits essentiels de tout scrambler. C’est pourquoi le triangle ergonomique, formé par le guidon, l’assise de la selle et les repose-pieds, a été redéfini avec, comme objectif, une position nettement plus droite au guidon. Par rapport à la R nineT, ce dernier a donc été relevé et rapproché du pilote, grâce à un té de fourche redessiné avec des patins de serrage positionnés plus haut, alors que le rembourrage de l’assise s’est vu légèrement réduit. En même temps, les repose-pieds du pilote ont été abaissés et reculés. La grande roue avant de 19 pouces chaussée d’un pneu de 120/70-19 s’inscrit également dans le style scrambler. À l’arrière, la roue «taille» 17 pouces et se voit chaussée d’un pneu de 170 mm. Enfin, agréable surprise, la ligne d’échappement haute est proposée de série et comprend deux silencieux arrière superposés en acier inoxydable grenaillé. Serrée au plus près du corps de la R nineT Scrambler, elle met en relief l’allure élancée et nerveuse, une conception caractérisant déjà le scrambler typique il y a plus de 50 ans. Quant à la sonorité boxer particulièrement rauque, elle reste bien conforme au nouveau règlement européen relatif aux émissions sonores grâce à un volet acoustique commandé par un servomoteur électrique ainsi qu’à des câbles d’ouverture et de fermeture. Un pot catalytique de dimensions accrues assure, en outre, une dépollution plus efficace des gaz d’échappement.

Glou glou

Chez BMW, on aime cultiver la fierté patriotique. Et donc, de temps en temps, organiser une présentation internationale «à domicile» apparait comme une évidence. Une bonne idée en soi car, à 1h de Munich à peine, on peut enrouler du câble dans de superbes décors montagneux que les amateurs de belles randonnées connaissent peut-être déjà. Nous avions donc rendez-vous à Garmisch-Partenkirchen, cité notamment célèbre pour accueillir l’une des manches de la fameuse tournée des «Quatre tremplins» – le «Grand Chelem» du saut à ski – pour plus de 320 kilomètres de road-book répartis sur deux journées. Alléchant programme! Hélas, c’était sans compter sur ce début d’été absolument infâme qui a frappé une bonne partie de l’Europe. En Belgique, c’était déjà sympa mais en Allemagne… De mémoire de journaliste, jamais nous n’avons été «saucés» à ce point tout au long d’une présentation. La météo nous joue régulièrement des tours, c’est inévitable mais cette fois, les robinets célestes ont ouvert «en grand» et quand le déluge ne s’abattait pas sur nos combis-pluie, qui n’ont d’ailleurs pas tenu le coup, nous roulions sur des routes détrempées. Tout au plus avons-nous pu profiter d’une trentaine de bornes sur le sec. La guigne pour un premier essai et difficile, dans ces conditions, de se forger un avis particulièrement tranché. Les Metzeler Tourance Next s’en sont, en tout cas, tirés avec les honneurs dans ces conditions périlleuses au niveau de la tenue de route. Pour ce qui touche aux distances de freinage, par contre, difficile «d’appuyer» la manœuvre sur route ouverte afin de proposer un avis argumenté… Autre constatation immédiate: l’épidémie de disparition du garde-boue arrière sur les nouvelles machines semble poursuivre sa propagation. C’est peut-être plus esthétique mais à moins d’habiter Ibiza, on repassera pour l’efficacité. Notre dos (et ne parlons même pas de toute la boucle arrière) fut donc copieusement repeint.

Pour le reste, la R nineT Scrambler rencontre bien la philosophie de ses ainées, et c’est là le principal! Nous avons découvert une machine agréable à emmener, tant par sa maniabilité que le plaisir de conduite que procure son twin à la fois coupleux et élastique. Que la route propose un enchainement de virages rapides ou des lacets plus serrés, on peut se la jouer «avare du changement de rapport» et enrouler tranquillement, sans craindre les à-coups des bas régimes. Si l’on monte dans les tours, les 110ch et 116Nm à 7.750 tours suffisent largement à dépasser n’importe quelle voiture sans avoir à craindre le coup de ruade d’un monstre de puissance. Sur les chaussées humides, le freinage, à l’avant comme à l’arrière, nous a mis en confiance, avec une belle progressivité. Malgré des genoux toutefois un peu relevés et une position un peu crispée, trempé après des heures à rouler sous la pluie, le confort de conduite se révèle tout à fait satisfaisant pour une moto dépourvue de carénage et de bulle. Pas d’appui prononcé sur les poignets, pas de courbature non plus dans le dos mais une selle un poil dure. Rayon suspensions, l’avant nous a paru fort dur par rapport à une suspension arrière très souple, privilégiant clairement le confort à la rigueur pure. Résultat: sur revêtement hasardeux, la moto sautille légèrement. Mais rien de bien méchant, on conserve aisément sa ligne et un Scrambler n’est pas destiné à gratter les repose-pieds. On regrettera néanmoins une instrumentation assez chiche pour une mécanique moderne: pas de compte-tours ni de jauge à essence, d’indicateur de consommation ou de témoin de rapport engagé… Simplement deux trips, l’horloge, la température moteur et l’indicateur de vitesse, naturellement. Assez surprenant, un compte-tours classique à affichage analogique est disponible en option. Reste à vérifier l’harmonie d’un tel assemblage.

Conclusion

Ça, c’est pour la R nineT Scrambler «de base». Car comme de coutume chez BMW, les options au départ de l’usine vont vous faire de l’œil. À commencer par le réservoir à essence en alu, beaucoup plus distingué. Comptez 970€ avec soudure visible et 1.080€ avec soudure polie. Ajoutez éventuellement les poignées chauffantes à 225€, les clignoteurs LED à 110€, le système d’alarme à 240€, l’Automatic Stability Control à 345€ ou encore les superbes jantes à rayon croisés à 430€ et ça vous fait le Scrambler à 15.500€ (si vous vous arrêtez là car les possibilités de personnalisation sont encore nombreuses). Mais pour ce prix, BMW propose une machine valorisante, au design très réussi et à la finition de haute facture. Le très bel Akrapovic est, par contre, monté de série et pour les amateurs, l’option «pneus tout-terrain» est gratuite. Cette machine, fort proche du pur Scrambler dans l’esprit moins au niveau du portefeuille, ravira ceux qui, après avoir parcouru toutes les toundras du monde et «tapé» le 300 sur les Autobahn, ont soif de plaisir à moto. Le plaisir de rouler, à son rythme, en appréciant les paysages et la vie, tout simplement. Signalons encore qu’en Belgique, homologation oblige, la R nineT Scrambler sera livrée avec une selle duo. Enfin, faute de jauge à essence et d’indicateur de consommation, impossible lors de ce premier essai d’estimer l’appétit du bicylindre à plat. BMW annonce de son côté 5,3l/100km.