Voxan: «Sur le projet Voxan Wattman, seule la vitesse de pointe compte»

Actualités Motos Laurent Cortvrindt
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Vingt ans après sa reprise par Gildo Pastor, le groupe Venturi, pionnier dans les véhicules électriques de haute performance, se lance un nouveau défi: battre un record du monde de vitesse pour une moto électrique. Avec un certain Max Biaggi au guidon…

Après avoir conçu la Wattman en 2010, la première moto électrique développée à Monaco, Voxan, le constructeur monégasque, s’est attaqué depuis octobre 2018 à une version «extrême» de sa machine. Cet engin d’exception, dont la production est attendue sur le Rocher pour le début 2020, a été développé avec un objectif bien précis: battre le record du monde du départ lancé dans la catégorie «moto électrique partiellement fuselée et propulsée par l’action d’une roue en contact avec le sol», catégorie moins de 300kg.

Du 4 au 8 juillet 2020 (date à confirmer en fonction des conditions météorologiques), la Voxan Wattman tentera donc de battre ce record en atteignant la barre des 330km/h sur le Salar d’Uyuni, la plus grande étendue de sel du monde, en Bolivie. Avec, excusez du peu, un sextuple champion du monde à son guidon: Max Biaggi. Pour repère, jusqu’ici, dans cette catégorie, la meilleure vitesse moyenne enregistrée sur une distance d’un mile aller et d’un mile retour est la propriété de Ryuji Tsuruta, avec ses 329km/h sur une Mobitec EV-02A.

Spécialistes de la vitesse

Les équipes de recherche et développement de Venturi savent de quoi elles parlent quand il s’agit de développer des véhicules capables d’abattre les performances les plus extrêmes. Après avoir conçu le streamliner VBB-3 (en partenariat avec l’université d’Ohio State, aujourd’hui encore le véhicule électrique le plus rapide du monde avec ses 549km/h), les hommes et les femmes de Venturi concentrent toute leur expertise sur la Voxan Wattman.

Chaque détail a été scrupuleusement calculé pour atteindre des vitesses spectaculaires dans un environnement géographique et climatique particulier: résistance, adhérence, traction, vitesse ou encore position du pilote, rien n’a été laissé au hasard. Après une étude minutieuse de l’aérodynamique, tenant compte des restrictions techniques imposées par la Fédération Internationale de Motocyclisme, le défi majeur pour les ingénieurs fut d’intégrer avec succès l’ensemble des batteries et le moteur dans un étroit châssis de moto.

Le système de transmission et les roues se révèlent, eux aussi, particulièrement innovants. Ils ont été conçus avec Michelin, dans l’optique d’un partenariat à long terme: en 2020, la moto devrait être équipée de série de pneus Michelin hypersport de 17 pouces. Et dans un futur un peu moins proche, Michelin pourrait concevoir un pneu spécifique, développé en collaboration étroite avec Voxan.

Tous motards

Sur le stand Michelin du Salon Eicma, nous avons pu rencontrer l’équipe Venturi, des hommes plus passionnés les uns que les autres et tous véritablement portés par la quête de l’excellence et l’envie de faire tomber les barrières. À leur tête: le charismatique monégasque Gildo Pastor qui nous avouera être de retour pour porter à nouveau le projet Voxan Wattman après de très sérieux ennuis de santé.

Et c’est précisément pour marquer les esprits que le président du groupe Venturi souhaite frapper un grand coup en s’attaquant à ce record de vitesse. «Depuis 20 ans, ma vie tourne autour des motorisations électriques. Aujourd’hui, c’est sur 2 roues. Tous mes ingénieurs sont motards. Ils ont donc facilement sauté le pas. Et avec Max Biaggi, que je connais depuis un moment étant donné que nous sommes voisins, j’ai trouvé un pilote immédiatement séduit par le projet. Il est très important de réussir dès notre premier essai, c’est pourquoi notre implication est totale. L’électromobilité vit au cœur des débats actuellement. Même si je trouve leur Livewire trop sage par rapport à l’image de la marque, je salue l’initiative de Harley-Davidson. Zero Motorcycles fait aussi bouger les choses. C’est bien, je vois que les forces se mobilisent.»

Inhabituel et effrayant

Pour espérer franchir la barre des 330km/h au guidon d’une moto sur une étendue salée, il convient de trouver une paire de gros bras. Un mec qui n’a pas froid aux yeux quand il s’agit d’ouvrir en grand… ou de faire un wheeling à la verticale. «Hahaha, oui, c’était un moment vraiment effrayant. Mais cette fois, c’est encore plus effrayant, car tout à fait inhabituel pour moi», explique Max Biaggi, pilote de la Voxan Wattman.

«Je suis vraiment très curieux de voir comment ça va se passer. Ce projet m’intéresse au plus haut point. Je connais la passion qui anime Gildo: les véhicules électriques, c’est toute sa vie. Il est indispensable d’avoir quelqu’un comme lui à la tête de ce genre de projet. Il a donc attiré mon attention et je suis ravi de découvrir quelque chose de nouveau même s’il y a 25 ans, je me souviens avoir roulé à 200km/h sur l’anneau de Nardo au guidon d’une moto électrique conçue par un ingénieur. Pour l’époque, il s’agissait également d’un record.»

Sur ce projet, Max Biaggi intervient pour tout ce qui touche à l’ergonomie, à la position du pilote ou encore à la pénétration dans l’air. «J’ai participé au développement de nombreuses motos mais ce travail se révèle très différent. En compétition, tout est toujours ramené au temps. À chaque étape, on vérifie si l’on a gagné quelques dixièmes. Et si c’est le cas, la direction suivie se voit validée et l’on poursuit le travail. Sur le projet Voxan, seule la vitesse de pointe compte. Nous réalisons également beaucoup moins de tests. La soufflerie nous en apprendra déjà beaucoup sur la stabilité de la machine, sur la pénétration dans l’air, etc. Je n’en suis pas encore certain mais le premier test réel devrait se dérouler sur un aéroport. Et ensuite nous prendrons directement la direction de la Bolivie. J’ai pu essayer les MotoE du Championnat du Monde mais je n’ai pas vraiment pu transférer d’informations valables pour notre tentative. Ces machines sont si lourdes…»

Sur le Salar d’Uyuni, l’ennemi principal du pilote italien devrait être le vent. «Et dans cette zone de la Bolivie, visiblement, il souffle latéralement. Mais la couche de sel s’avère plus épaisse que sur les autres pistes propices à ces exploits, comme Salt Lake City par exemple. Je m’attends donc à des conditions meilleures et plus sécurisantes. Même si ce ne sera pas une partie de plaisir…»

Envoyer du lourd

La Voxan Wattman concourra dans la catégorie semi-streamliner, c’est-à-dire que la moto sera carénée mais le pilote devra rester visible de côté, seuls ses avant-bras étant cachés. Beaucoup d’efforts sont donc consentis sur la carrosserie et l’aérodynamique. «Il s’agit d’une phase critique car la stabilité de la machine à haute vitesse, la résistance à l’avancement ou le niveau de puissance nécessaire pour atteindre la vitesse désirée en découleront directement», explique Louis-Marie Blondel, responsable du développement. «Si notre aérodynamique ne s’avère pas aussi bonne qu’espérée, nous aurons évidemment besoin de plus de puissance. C’est pourquoi nous avons scanné Max en 3D et construit la moto autour de lui.»

Une moto très longue, à la limite des 2,7m autorisés par le règlement, et avec un empattement long. «Nous avons, en effet, misé sur une moto longue et basse. Notre machine ne doit pas se montrer aussi agile qu’une moto de route, vu que nous roulons uniquement en ligne droite. Par contre, nous l’avons pensée très étroite pour favoriser la pénétration dans l’air. Un plus indéniable en aérodynamique et pour la stabilité. Plus la machine est étroite, plus la résistance à l’avancement sera faible. Ensuite, il conviendra de déterminer où apporter les appuis nécessaires».

Le besoin de puissance se révèlera, quant à lui, considérable. Ce qui impliquera la présence d’une grosse batterie. «Mais il ne faut pas tomber dans l’effet inverse. Une puissance trop importante ne passera pas convenablement au sol, avec ce coefficient d’adhérence assez bas sur une étendue salée. Certaines pièces du puzzle sont plus grosses que d’autres. Mais tout doit s’imbriquer.»

Le poids, par contre, ne jouera guère pour ce record de vitesse pure. «Il s’agit d’un départ lancé. Nous bénéficions de 5km avant de déclencher la cellule de chronométrage. Nous n’avons donc nullement besoin d’une machine qui accélère fort. Au contraire, une moto plus lourde passera mieux sa puissance au sol.»

Si l’équipe de Venturi s’aventure en terres inconnues, elle prend le défi très au sérieux. «Nous n’y allons pas pour rigoler. Nous concevons une machine potentiellement capable d’atteindre des vitesses assez élevées. Ce sera au pilote de nous dire s’il peut y aller ou pas en fonction de l’environnement extérieur. Il sera le seul juge. D’où l’importance de travailler avec quelqu’un d’aussi expérimenté que Max Biaggi. Nous allons certainement beaucoup apprendre de notre première tentative. Forts du débriefing du pilote, nous corrigerons certainement certains points pour revenir en 2021 et envoyer du très lourd.»

La Voxan Wattman, en quelques chiffres

Poids: <300kg

Dimensions: L, 2,69m ; l, 0,7m ; h, 1,03m

Puissance: 270kW (367ch)

Objectif: >330km/h