Sur les routes du Luxembourg – In vino veritas

Balades à moto Tourisme P.Bonamis J.Berghmans
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Dix-sept! Quelques 17 kilomètres séparent Arlon de Martelange… Alors pourquoi en faire 199? A l’aube du printemps, la vigne et ses divins breuvages sont à l’honneur. Terre de grande tradition viticole, le Grand-Duché nous ouvre ses routes de Bacchus, pour user nos pneus par la tranche, et rapporter quelques bouteilles dans les valises! 

Rendez-vous, place Léopold à Arlon! On y accède depuis la E411 ou la N4 en suivant les panneaux «centre-ville». Rien de bien compliqué! La taverne «Les Arcades», face à l’hôtel de ville, ouverte tôt matin, permet d’attendre les amis motards. Nous zérotons à côté du M10. Ce blindé américain «chasseur de char» n’est pas au mieux de sa forme. Graffitis et rouille ont détérioré ce survivant de la Seconde Guerre mondiale. Arlon est inséparable du Maitrank, mot qui signifie «boisson de mai» dans le parler local. Quelques centaines de mètres après le départ, vous pourrez déjà commencer vos emplettes à la maison Manigart! (voir WP3) A la sortie de la ville, la forêt ardennaise nous tend ses branches. La fraîcheur de la terre et l’odeur des pins chatouillent les narines d'un agréable parfum. La journée s'annonce belle! Cinq kilomètres nous séparent de la frontière grand-ducale. A peine celle-ci franchie, le bitume prend des allures de billard! – «Allô, le MET?» – «Le numéro que vous avez composé n'est pas attribué, le numéro que vous avez composé…»

Courbes et charmes bourgeois

En direction de Saeul, les paysages varient: ici des forêts touffues et là des pâturages. C’est dans ce village que des fortifications celtes ont été mises. A la sortie de Saeul, les courbes se font plus franches, avec une superbe épingle à cheveux gauche, un régal! La route est facile à suivre jusque Kopstal. Nous arrivons dans la grande banlieue de Letzebuerg, pardon, Luxembourg-ville. Ces quartiers respirent l’aisance et le confort avec leurs habitations cossues et bourgeoises. L’architecture est un mélange des genres. On retrouve les maisons en crépi «à la française», quelques demeures en briques «à la belge» et des façades peintes ou à colombages «à l’allemande». Quelques kilomètres de transition à l’est de la capitale et nous arrivons à Moutfort. Les routes au Grand-Duché sont gérées par l’Etat pour les CR (Chemins Repris) et les N (nationales). Les autres voiries sont sous la responsabilité des communes. A Moutfort, nous bifurquons sur la N2 qui nous mènera sur les hauteurs de Remich. Cette grosse nationale est agréable, mais gaffe aux radars! Avant de plonger vers le cœur de la vallée, nous tournons à droite vers Mondorf. Nous y découvrons nos premiers ceps alignés au cordeau! A quelques centaines de mètres, la «Marque Nationale» œuvre aux contrôles de qualité des vins de Moselle. Cet organisme d’Etat attribue des labels de qualité comme les Appelations Contrôlées, les Premiers Crus et les Grands Premiers Crus. Depuis 1935, la Marque Nationale défend les particularités des vins luxembourgeois en contrôlant les exploitations (raisins uniquement d’origine luxembourgeoise) mais aussi les vins eux-mêmes par une série de tests «à l’aveugle».

Au rythme du raisin

Nous poursuivons sur les coteaux de la rive gauche. La vue est dépaysante. L’œil découvre en contrebas un fleuve vivant, bordé de vignes et partagé entre tourisme et transport industriel. Notre descente vers les bords de l’eau sera source de plaisir! Le CR151 tournicote sans arrêt entre les vignes. Nous traversons le petit village de Wellenstein pour arriver sur les rives de la Moselle. La célèbre N10 qui longe le cours d’eau sur près de 40 kilomètres sera notre fil d'Ariane. On entame notre découverte du domaine viticole luxembourgeois par Remich. Il se dégage de la ville une ambiance de vacances permanentes. Pourtant Remich est le carrefour de l’industrie du vin grand-ducal. La cité administre la preuve que dynamisme économique et qualité urbanistique ne sont pas incompatibles. En sortant de la ville, l’arrêt aux Caves Saint-Martin est à recommander. Le vin n’est pas une boisson comme les autres. Si la culture de la vigne tient des techniques agricoles, l’élevage du vin relève de l’alchimie. Fondé en 1919 par 7 esprits visionnaires, l’immense roc calcaire qui domine la vallée accueille les rituels de la vinification et de la champagnisation dans le respect des traditions. Après la visite, la dégustation est possible. Nous la déconseillons fortement à moto. Fiez-vous aux conseils des exploitants pour rapporter quelques bouteilles chez vous!

Entre vallée et plateau

La Moselle est une rivière envoûtante: comme si dame Nature était motarde et l’avait dessinée pour nous! On traverse Stadtbredimus et, quelques centaines de mètres plus loin, on pique à gauche vers Greiveldange. A l’entrée du village, sur votre gauche, la coopérative vous permettra de découvrir d’autres saveurs. Les producteurs n’hésitent pas à s’associer pour élever le vin et le vendre. De Greiveldange, nous nous dirigeons vers Canach. Le plateau qui domine la Moselle est planté de nombreux pieds de vigne. Tout est ici question d'équilibre entre qualité des sols et ensoleillement. Orientés est-sud-est, les vignobles sont baignés de lumière depuis le lever du soleil jusque tard dans l’après-midi. Le plateau que nous traversons offre de jolis reliefs, et nous surfons sur une série de gibbosités étonnantes. Nous redescendons ensuite vers la Moselle, par une nouvelle série de longues courbes puis deux belles épingles à cheveux à l’entrée de Wormeldange. Au cœur de l’une d’elles, notre attention est attirée par le buste du Dr. Thurm (1899-1947) qui était un scientifique de haut vol, médecin attentionné et directeur du Ministère de la Santé. L'homme a aussi été résistant durant la Seconde Guerre mondiale. Annexé à cette époque par le IIIe Reich, le Grand-Duché n'en pas moins toujours été viscéralement anti-nazi.

De la Moselle à la Sûre

Outre les péniches de fort tonnage, de nombreux bateaux de plaisance glissent sur l’onde. On repart à la découverte de «l’arrière-pays». Les routes sont faites pour nous. Un revêtement de qualité, des paysages tantôt intimes, tantôt dégagés sur la vallée au loin, constituent autant de mets de choix. Il semble que le temps s’est arrêté dans les villages que nous traversons. Une dernière descente vers la Moselle que nous ne quitterons plus jusqu’à la confluence avec la Sûre. A Grevenmacher, nous passons devant les célèbres caves Bernard Massart. Nous délaissons l’imposant bâtiment face à la Moselle pour préférer les petits propriétaires du terroir qui ne peuvent exporter. Nous arrivons à Wasserbilig. Déjà l’ambiance est tout autre. Les cubes des centres commerciaux et des bâtiments industriels ont pris place de part et d’autre de la route. Nous bifurquons à gauche pour suivre la Sûre. La route est connue, mais toujours plaisante. La vallée en cet endroit peut se comparer à l'Ourthe, tant les méandres sont nombreux. Au détour d’un virage, on découvre les installations de l’eau minérale Rosport à… Rosport! C’est ici que l’eau est soutirée, conditionnée et embouteillée avant de partir vers les cafés, restaurants, hôtels et magasins de la région. Frémissante, cette eau est légère et agréable au palais. Si les bouteilles de vin devront attendre votre retour au logis, vous pouvez boire la Rosport à volonté au cours de cette balade. C’est au village suivant que l’on se restaurera, à Steinhem. Le restaurant Gubler nous permettra de nous sustenter. La terrasse, particulièrement agréable par beau temps, est des plus recommandables…

Courbes, lacets et carburant

Nous évitons le centre d’Echternach et empruntons le CR118. Un vrai bonheur pour motard: à travers bois, longeant le Müllerthal, une longue série de courbes de près de 16 kilomètres nous mène à Larochette. Nous béquillons à l’ombre du «Burg». Larochette semble être entièrement consacrée au tourisme. Si elle y perd un peu son âme, elle conserve encore le charme d’une petite cité moyenâgeuse. Nous continuons tout en virolos vers Schroonweiler. On retrouve des paysages dégagés au sommet de chaque colline. A partir de Bissel, on emprunte la N22 pour continuer à angler le long d’une rivière rieuse: l’Attert. Nous quitterons ce petit cours d’eau pour repartir vers le Nord-Ouest. Il nous reste 19 petits kilomètres pour arriver à Martelange, deux routes splendides pour finir en beauté sur le parking de la «Maison Rouge». Et, bien sûr, faire le plein une dernière fois à meilleur compte! Bonne route, prudence et à la vôtre!

Arrêts gourmands

– Arlon: la brasserie Les Arcades vous accueillera tôt matin dans un cadre chaleureux. Les Arcades, 5 place Léopold, 6700 Arlon. Tél.: 063/22.29.29.

– Steinheim: une truite savoureuse et un tartare de bœuf nous ont régalés!  Pour les desserts, les sorbets sont à se damner. Une bonne adresse qui n'est pas «premier prix», mais où la qualité n'est pas un vain mot. Restaurant Gruber, 36 route d’Echternach, L-6585 Steinheim. www.hotelgruber.com

– Martelange: la Maison Rouge est dotée d’un parking privé qui accueillera votre moto, pendant que vous boirez le dernier verre. La Maison Rouge, 5 route d'Arlon, 6630 Martelange. Tél.: 00/352/23.640.006.