Charleroi, entre ville et campagne

Balades à moto Tourisme P.Bonamis J.Berghmans
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Une BBB à Charleroi?! Il leur manque une case à Moto 80! Laissez dire, laissez ricaner et apprêtez-vous à suivre nos traces à la découverte d’une ville passionnante et contrastée, capitale du «Pays Noir», mais dont les environs immédiats sont étonnamment verts.

Commençons par le commencement et expliquons comment est née l’idée de cette BBB pas comme les autres. Au dernier Salon de la Moto de Bruxelles, nous tombons nez à nez avec Marcel Leroy, un ancien journaliste du Soir et du Soir Magazine, que nous avons connu à l’époque glorieuse (?) des «Routes du Soir», le défunt supplément «auto et mobilité» du quotidien bruxellois et vespéral… S’ensuit une conversation animée où il est bien sûr question de moto – Marcel a une prédilection pour les anglaises – mais aussi de voyages et, surtout, de Charleroi. Oui, de Charleroi! Marcel a beau meubler sa retraite (active) par des voyages aux quatre coins du monde, en Inde notamment, il se fait carrément lyrique lorsqu’il est question de la cité carolorégienne. «Quand tu as fini de lire un papier de Marcel sur Charleroi, tu te dis que c’est là que tu iras passer tes prochaines vacances», nous disait un confrère, récemment encore… La formule est un peu caricaturale, mais le fait est que l’homme nous a fait découvrir des endroits où nous n’aurions jamais pensé aller poser nos pneus… Qu’il en soit remercié!

Plongée dans la ville

A Fleurus, point de départ que nous avons choisi pour la bonne et simple raison que nous devions y récupérer la Mash 125 (une machine idéale pour «reconnaître» un itinéraire comme celui-ci…), on plonge d’emblée dans le vif du sujet. On s’enquille la bien nommée chaussée de Charleroi pour descendre sur Gilly… Si on n’est pas familier des lieux, on ne peut manquer d’être surpris par le nombre de patronymes transalpins. Garages, restaurants, commerces en tous genres, l’Italie est ici omniprésente. Juste après la Deuxième Guerre mondiale et dans les années 50, les Italiens sont venus faire la fortune de la sidérurgie et des charbonnages wallons. Nous en reparlerons.
Prudence sur ces premiers kilomètres: il y a des radars partout et de nombreuses «zones 30». Une bifurcation à gauche, une autre vers la droite et voilà que nous découvrons, planté le long de la route de la Basse-Sambre, un Airbus A310. Que fait-il là? Mystère! «Il a un temps abrité une discothèque, puis un restaurant et est à présent à vendre», nous explique Marcel. «Je trouve qu’il illustre bien la diversité de cette ville qui n’a pas vraiment d’unité mais s’est construite en s’adaptant sans cesse à des situations nouvelles.» Sur ces considérations, on repart, direction Marcinelle et plus précisément le numéro 52 de la rue Jules Destrée, à Marcinelle. Cette adresse vous dit quelque chose? Mais oui, c’est le siège des éditions Dupuis. Les bâtiments sont aux couleurs du plus célèbre groom de la planète, normal! On s’arrête devant ce haut-lieu de la BD, par lequel sont passés les Franquin, Jijé, Morris, Peyo et autres Roba, bref tous ceux qui, associés au Journal «Spirou» ont été regroupés sous le nom d’école de Marcinelle… «A la grande époque, l’imprimerie se trouvait juste en face, à l’emplacement actuel du Delhaize», nous raconte Marcel…
Nous mettons à présent le cap vers le sud et le Bois du Cazier, charbonnage rendu tristement célèbre par la catastrophe dont il fut le théâtre le 8 août 1956: 262 mineurs, de 12 nationalités différentes, y ont laissé la vie. Aujourd’hui encore, les causes du drame ne sont pas clairement établies. C’est sans doute aussi pour cela, au-delà du nombre élevé de victimes, que cet accident terrible demeure aussi ancré dans la mémoire collective. Le Bois du Cazier abrite aujourd’hui un Musée de l’Industrie, qui retrace bien sûr l’histoire des charbonnages, mais aussi de la sidérurgie et des constructions mécaniques au pays de Charleroi. Une visite passionnante…

Du noir au vert…

Ceux qui sont pressés de quitter la ville vont maintenant pouvoir respirer. Dès la sortie de Marcinelle, la banlieue grise se teinte de vert. On passe devant la défunte Cité de l’Enfance, un lieu qui abritait jadis un orphelinat et est aujourd’hui classé en raison du haut intérêt patrimonial de cette cité-jardin conçue en 1938 par l’architecte Leborgne. Notre itinéraire enquille dans la foulée le fameux «M» de Bomerée, sur la route nationale Charleroi-Beaumont. L’endroit est connu pour sa course de côte auto et c’est vrai que l’espace de quelques virolos, on se croirait presque en montagne. Quoique le trafic très dense et le triste état du revêtement se chargeront vite de tempérer vos ardeurs. Le rythme augmente cependant…  
à Montigny-le-Tilleul, on plonge vers la vallée de la Sambre, agréablement verdoyante, pour rejoindre Landelies par une route tout en courbes et en parfait état, l’eussiez-vous cru? «C’est dans ce coin de la vallée de la Sambre que nombre de bateliers venaient jadis passer leurs vacances», commente Marcel. Nous sommes à quelques coups de gaz à peine de l’abbaye d’Aulne, ou plutôt de ce qu’il en reste. Les terrasses vous accueilleront volontiers au moindre rayon de soleil, pour vous permettre de déguster une ADA, bière d’abbaye brassée au cœur même du site par la Brasserie du Val de Sambre. Mais sans doute est-il plus sage d’acheter quelques bouteilles de cet excellent produit pour le ramener chez soi?
Plus loin sur le parcours, la ville de Thuin mérite elle aussi une halte: pour son centre historique (beffroi) et son Musée du Tramway vicinal, mais aussi pour ses fameux «jardins suspendus», un magnifique ensemble de jardins en terrasse rénové en 2001, qui ne se visite qu’à pied mais que le road-book vous permettra d’admirer sur votre gauche, en sortant de la ville, en direction de Ragnies (classé parmi les plus beaux villages de Wallonie).

Chez Aldino

Après la pause déjeuner à Thuillies (voir «arrêts gourmands»), nous avons envie d’encore flemmarder quelque peu. Les aimables petites routes du côté de Marbaix et Ham-sur-Heure nous permettent de respirer à pleins poumons et de rouler à notre rythme. Ce n’est pas la Route Napoléon, mais c’est bien sympa quand même! Après cette échappée verte, il est temps de revenir en ville par Jamioulx (connu pour sa prison…) et Montigny-le-Tilleul. A Mont-sur-Marchienne, ne manquez surtout pas l’extraordinaire Musée de la Mine créée par Aldino Soloperto, qui vous expliquera comme aucun autre ce qu’était la vie «à l’fosse». Une existence rude et dangereuse qu’il est de bon ton de noircir aujourd’hui (sans mauvais jeu de mots…) mais qu’Aldino ne regrette pas. «La Wallonie m’a tout donné, elle a fait de moi un homme responsable», nous a-t-il répété à plusieurs reprises, avec l’élégance et la bonne humeur qui le caractérisent…
Les kilomètres qui suivent constituent une plongée au cœur de l’industrie lourde carolo ou de ce qu’il en reste. On passe par Marchienne-au-Pont et Monceau-sur-Sambre. Par ici, l’industrie a façonné le paysage: anciens bâtiments industriels à perte de vue, chemin de fer, terrils aujourd’hui recouverts de végétation.… Du côté de Dampremy, nous avons même prévu une petite halte au pied de l’un d’entre eux. N’hésitez pas à grimper au sommet, pour bénéficier d’une extraordinaire vue panoramique sur cette cité de vieille industrie. Ensuite, la nature va reprendre ses droits: une agréable petite route qui longe le canal vous conduira du côté de Roux. Le retour vous imposera de traverser Gosselies avant de vous offrir encore une bonne tranche de plaisir moto dans les courbes reliant Mellet à Fleurus. La boucle sera bouclée et votre compteur affichera une bonne centaine de bornes de plus qu’au début de la journée… Bonne route!

Arrêts gourmands

– Pour prendre l’apéro, nous avons jeté notre dévolu un peu par hasard, sur le bistro-resto «Le Cazier», juste à l’entrée du site du Bois du Cazier. Le hasard a bien fait les choses: excellent accueil du patron et de la patronne (tout le soleil de l’Italie) qui ont plein de choses à raconter, prix démocratiques, aménagement sympathique qui fait évidemment une large part au souvenir des «houyeux»… Que  demander de plus?
Le Cazier, 48 rue du Cazier, 6001 Marcinelle. Tél.: 0472/93.10.58

– A l’heure du fricot, l’ami Marcel, qui sait que bien manger est le début du bonheur, avait prévu une halte à La Petite Gayole, sur la place de Thuillies. On n’a qu’une hâte: y retourner! Voilà un restau comme on les aime. C’est chaleureux en diable, et la carte n’est pas avare en spécialités «canailles». Nous avons jeté notre dévolu sur un cassoulet maison tout ce qu’il y a de recommandable et sur une saucisse de Morteau accompagnée de lentilles vertes du Puy qui ne méritaient que des éloges. Cerise sur le gâteau, vous aurez droit au sourire d’Audrey qui vous conseillera et vous servira avec autant de gentillesse que d’efficacité. Et pour ne rien gâter, les prix pratiqués restent raisonnables, au vu de la qualité proposée.
La Petite Gayole, 12 place de Thuillies, 6536 Thuillies. 
Tél.: 071/95.46.43. www.lapetitegayole.com Ouvert du jeudi au dimanche, midi et soir, sauf le samedi midi. Réservation vivement conseillée.