BBB: 150km de Waterloo à Hestrud, sur les traces de Napoléon en Wallonie

Balades à moto Tourisme Philippe Bonamis
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Le 200e anniversaire de la bataille de Waterloo, l'un des moments-clés du XIXe siècle, a été célébré le 18 juin 2015. Si le sort des armes avait été différent dans la morne plaine la plus célèbre du monde, que serait-il advenu du destin de l'Europe? Nous vous proposons une balade sur les pas de l'Empereur en 1815, entre Waterloo et Hestrud, à la frontière française.

 

La Région wallonne a balisé un itinéraire touristique baptisé «sur les traces de Napoléon en Wallonie» qui permet de refaire le chemin suivi par les troupes impériales et Napoléon 1er dans les jours qui ont précédé les batailles de Ligny et de Waterloo. C'est-à dire au cours des fameux «Cent Jours» qui le virent retrouver son trône ; l'un de ces revirements totalement imprévisibles dont l'histoire a le secret. Mais venons-en à notre balade…

Ce parcours, nous l'avons retravaillé d'une part pour l'effectuer en sens inverse, au départ de Waterloo – ceci pour de simples raisons de commodité – et d'autre part pour le rendre agréable à parcourir à moto, sur des routes aussi sinueuses que possible. Nous avons notamment fait l'impasse sur la traversée de la ville de Charleroi.

Le hameau du Lion

Le point de départ de la Belle Balade Belge que nous vous proposons en ce mois de mars est donc le Lion de Waterloo qui, comme chacun sait, se situe sur le territoire de la commune de Braine-l'Alleud. Si l'histoire a retenu le nom de Waterloo, c'est parce que le duc de Wellington a rédigé son bulletin de victoire à l'auberge Bodenghien, située au cœur du village de Waterloo, alors que la majeure partie des combats ont eu lieu du côté de Mont-Saint-Jean et de Plancenoit, plus au sud.

On dénombre de nos jours quelque 124 Waterloo à travers le monde. Ces localités ont pour la plupart été créées par des vétérans britanniques auxquels on avait offert des lopins de terre dans les colonies. Quant à la Butte du Lion, ses origines remontent à 1826. À l'origine, il s'agissait du «Monument aux Hollandais». Elle est haute de 40m et il faut gravir 226 marches pour en atteindre le sommet, où trône un lion en fonte, symbole de la victoire des alliés.

Lequel lion regarde, menaçant, vers la France. Nous avons tous appris ça à l'école! Le site du Lion était en travaux lors de notre visite. Un Mémorial flambant neuf a été inauguré pour le bicentenaire de la bataille, au mois de juin 2015. Le fameux Panorama de la Bataille, but traditionnel d'innombrables voyages scolaires, a également été restauré. The place to be, pour le dire dans la langue de Wellington!

Lors de notre reconnaissance, le site n'avait en tout cas rien d'attirant. Aussi nous sommes-nous empressés de déguerpir et de mettre le cap au sud. Après être passé devant le Monument prussien – amusez-vous à déchiffrer les inscriptions en caractères gothiques! – et l'Aigle Blessé, monument qui rend hommage au derniers combattants de la Grande Armée, le «dernier carré» des troupes françaises, notre itinéraire marque la pause à la Ferme du Caillou, à Vieux-Genappe, qui abrite un petit musée à la gloire de l'Empereur. On peut notamment y voir un de ses lits de campagne. C'est ici que Napoléon et son état-major ont passé la nuit du 17 juin 1815, veille de la bataille (ouvert tous les jours de 10h à 17h, plus d'infos sur www.drnier-qg-napoleon.be).

Le parcours de la BBB prend ensuite quelques libertés avec l'itinéraire officiel de la «Route Napoléon en Wallonie». Pour le simple plaisir de rouler, nous rejoignons Glabais, dévalons vers Maransart dans la vallée de la Lasne. Ça tournicote de manière bien agréable avant la remontée sur Sauvagemont, puis le paisible village de Céroux, connu pour sa belle place arborée d'où s'envolent régulièrement des montgolfières à la belle saison. Cette incursion sur les petites routes du Roman Païs de Brabant se poursuit du côté de Court-Saint-Etienne et Villers-la-Ville. Est-il encore besoin de présenter l'abbaye dont les ruines, majestueuses, sont un des plus beaux sites architecturaux d'Europe?

La dernière victoire de Napoléon

On rejoint ensuite la N5, très radarisée (à bon entendeur), avant de l'abandonner à hauteur du carrefour des «Quatre-Bras», à Baisy-Thy. Des combats eurent lieu ici le 16 juin 1815, en même temps que ceux qui opposèrent Français et Prussiens à Ligny. Ligny, nous y arrivons, justement… Ligny, c'est la dernière victoire de l'Empereur, et le nom de ce petit village du Namurois figure en bonne place sur l'Arc de Triomphe à Paris. Ligny fut tout sauf une petite bataille. Les effectifs engagés étaient du même ordre que ceux alignés à Austerlitz, c'est dire.

Ce fut aussi un tournant militaire parce que si l'armée prussienne a été particulièrement mise à mal en son centre, elle a réussi à sauver ses ailes qui se sont repliées en bon ordre vers Wavre. Napoléon devra lancer à ses trousses les 30.000 hommes du maréchal Grouchy, effectifs qui lui feront douloureusement défaut le 18 juin sur le champ de bataille de Waterloo… On arrive ensuite à Fleurus et sa maison communale (ex-château de la Paix) où Napoléon passa la nuit. On devrait pouvoir y visiter bientôt une reconstitution de la chambre où dormit l'Empereur… Il faut savoir que Fleurus a été le cadre de trois victoires françaises, à des époques différentes: celle de 1690, remportée par les troupes du maréchal de Luxembourg sur une coalition rassemblant presque toute l'Europe, celle du 26 juin 1794 où les révolutionnaires français taillèrent en pièces les Hollando-Autrichiens et, enfin, celle du 16 juin 1815, deux jours avant Waterloo.

L'échappée verte

La route Napoléon en Wallonie passe par Charleroi. Mais du Charleroi traversé par les troupes napoléoniennes, il ne reste plus grand-chose puisque leur passage est antérieur à la révolution industrielle qui fit de la ville l'un des grands centres économiques de ce qui n'était pas encore la Belgique. Cet essor, Napoléon n'y est du reste pas étranger puisque c'est son décret impérial du 21 avril 1810 qui a facilité l'exploitation du charbon à grande échelle. Nous avons choisi de contourner l'agglomération carolorégienne par l'est, via Wanfercée-Baulet que nous traversons avant de rejoindre la route dite «de la Basse-Sambre». Un purgatoire long de près de 12km où il faut rouler à 90km/h, voire moins, désolés! Ici encore, attention aux contrôles de vitesse, très fréquents.

La portion que nous attaquons ensuite, par Vitrival, Le Roux et Presles, se révèle des plus réjouissantes et beaucoup plus verte. La chlorophylle, c'est bon pour la santé, comme pour le moral! À Gerpinnes, nous béquillons les bécanes pour aller casser la croûte au «Sambre-et-Meuse», un incontournable de la localité, où le souvenir de l'époque napoléonienne est bien présent.

La bistro attenant, la Brasserie de l'Hôtel de Ville, est en effet le siège du peloton des Zouaves de la Compagnie de Gerpinnes, une association de marcheurs qui participe chaque année à la Marche de Sainte-Rolende, l'une des ces fameuses marches de l'Entre-Sambre-et Meuse, auxquelles la population locale est si attachée. «Ces marches sont souvent qualifiées, à tort, de marches napoléoniennes», nous explique une sommité gerpinnoise, elle-même joueur de fifre dans un peloton de marcheurs. «S'il est exact que les costumes des marcheurs datent de l'époque napoléonienne, ces marches n'ont aucun caractère militaire et donc rien à voir avec le passage de Napoléon dans la région.» Dont acte.

Il est à présent temps pour nous de rallier Jamioulx (aujourd'hui surtout connu pour sa prison), où nous retrouvons le souvenir du passage de Napoléon. Ce dernier avait été reconnu par le curé de l'époque, l'Abbé Jénicot qui lui aurait offert un verre de Chambertin, son vin préféré. Impressionné par la conversation de l'ecclésiastique, l'Empereur lui aurait promis d'en faire le prochain évêque de Tournai. La défaite de Waterloo sonna le glas de ce dessein…

La mandarine… Napoléon

Le passage par Thuin et ses jardins suspendus (rien à voir toutefois avec ceux de Babylone…) constitue toujours un plaisir. C'est en tout cas le détour le plus agréable, sur un plan motocycliste s'entend, pour rejoindre Ragnies, délicieux village champêtre, fier de son appartenance aux «Plus Beaux Villages de Wallonie». Ragnies, c'est là que se trouve la Distillerie de Biercée, installée dans une superbe construction en carré, la Ferme de la Cour, qui mérite plus que le coup d'œil (www.distilleriedebiercee.com).

Seule distillerie wallonne d'eaux de vie et de fruits, l'entreprise est surtout connue pour son excellente Eau de Villée, une liqueur de citron d'une finesse remarquable. Depuis peu, la distillerie assure également la fabrication de la fameuse Mandarine Napoléon, créée en 1892 par un chimiste belge, en forme d'hommage à l'Empereur qui appréciait, paraît-il, de mélanger du jus de mandarine à son cognac…

Notre prochaine halte sera Leers-et-Fosteau. Dominant les prés environnants, le château du Fosteau est une imposante maison forte dont les origines remontent au XIVe siècle. Dans cette très belle demeure, entourée de jardins à la française organisés en terrasses, que ses propriétaires ont à cœur de faire découvrir avec beaucoup de gentillesse et moult précisions historiques, le général Reille, chef du 2e corps d'armée de Napoléon, installa son quartier-général le 15 juin 1815. Encore une halte qui s'inscrit dans le droit fil du thème de cette balade… À noter aussi le petit Musée de la Pharmacie hébergé ici.

Beaumont n'est plus très loin. C'est ici que Napoléon et ses troupes installèrent leur premier bivouac, le 14 juin 1815, au pied de la Tour Salamandre, haute de 34m, qui faisait partie des anciennes fortifications de la cité. Hestrud, par où Napoléon pénétra en Belgique, n'est plus qu'à 8km. Blotti dans la vallée de la Thure, ce petit village, sur la frontière franco-belge, abrite un intéressant musée de la Douane, installé dans l'ancien poste-frontière, dont la barrière a été conservée… mais est aujourd'hui toujours levée. Les derniers kilomètres de cette BBB vous feront découvrir la vallée de la Thure qui vous gratifiera de quelques beaux virolos sur du bon bitume français, histoire de terminer en beauté. Bonne route, bonnes découvertes et prudence, toujours!

Arrêts gourmands

– À Gerpinnes, le Sambre-et-Meuse est un incontournable que nous vous avions déjà recommandé par le passé. Nous faisons de même aujourd'hui. Située à côté de l'église, cette taverne-restaurant propose une cuisine de brasserie bien agréable et des pizzas recommandables. Ouvert tous les jours, sauf le mardi.

Infos: www.lesambreetmeuse.be

–  À Hestrud, sur la frontière franco-belge, le sympathique café-restaurant  du Musée, installé dans les locaux du non moins sympathique (et intéressant) Musée de la Douane, c'est le bistro-restau de la France profonde où l'on vient boire l'apéro et manger une cuisine simple et sans prétention aucune (oui, il y a de l'andouillette!) mais à prix très, très serré (menu du midi à 11€ en semaine). Infos: www.cafemuseedeladouane.fr

– Au terme de cette balade, «Le Canari», au hameau de Reugnies (Cousolre) est l'endroit idéal pour reprendre des forces en fin de journée. Cuisine simple et bonne, cadre sympa, ambiance conviviale, accueil sans chichi, grand parking pour les motos.… Encore un p'tit restau hexagonal comme on les aime. Goûtez la Martiflette (tartiflette au Maroilles) et l'escavèche anorienne, entre autres. Et l'andouillette, bien sûr (nous on est des fans!). Seul bémol, ce n'est ouvert que du jeudi au dimanche. Vérifiez les jours et heures d'ouverture avant de partir.

Infos: www.le canari.fr