200KM sur les traces des Poilus. Il y a 100 ans, l’enfer de Verdun.

Balades à moto Tourisme P.Bonamis J.Berghmans
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Les combats de l'année 1916, synonymes de pertes humaines énormes dans les deux camps, se sont concentrés autour de Verdun. À l'heure d’écrire ces lignes, les commémorations battent leur plein. Nous avons voulu, à notre manière, honorer la mémoire des combattants de Verdun, en leur dédiant cette BBB, activité ô combien pacifique…

Lorsque nous reconnaissons le tracé d'une BBB, la pause restau du midi est souvent l'occasion de faire des projets. Une réflexion de l'un fait surgir une idée qui s'ennuyait toute seule dans le cerveau de l'autre et, de fil en aiguille, on en vient à jeter les bases d'une prochaine virée. Vous vous rappellerez que, pour notre BBB champenoise du mois dernier, nous avions, un peu en catastrophe il faut bien le dire, jeté notre dévolu sur un établissement d'une grande chaîne hôtelière bien connue. Correct sans plus. Et le repas du soir, pris chez Courtepaille (surnommé «Andouille-hutte» par Luc Paquier que nous saluons au passage…) ne nous avait pas non plus laissé un souvenir impérissable: pas mauvais mais trop lisse, trop standardisé, quoi… La conversation roulant sur les bonnes tables, nous en sommes venus à évoquer l'Hôtel du Saumon à Buzancy, découvert dans le cadre des BBB à l'été 2014, pour nous souvenir que, comme son nom l'indique, on peut aussi y dormir après un bon repas! Bon sang, mais c'est bien sûr, voilà le «camp de base» idéal pour la BBB que nous voulions consacrer au pays de Verdun et à la forêt d'Argonne, aux confins des départements des Ardennes et de la Meuse. Quelques jours plus tard, coup de fil à Damien et Julie, les patrons de l'hôtel et l'affaire est faite: le garage n'attend plus que nos bécanes pendant que nous dormirons à l'étage, après un dîner de derrière les fagots que, cette fois, nous pourrons arroser d'une bonne bouteille! Elle est pas belle, la vie?

 

Dépaysement à Buzancy

La Belgique ne possède plus guère de vraies campagnes. Alors forcément, quand on débarque au fin fond du 08 (le département des Ardennes pour ceux qui l'ignoreraient…), on est un peu dépaysé. Depuis Namur, deux heures et des faflotes nous ont suffi pour gagner Buzancy, par Achêne (où nous quittons l'E411: l'autoroute à moto n'a jamais été notre tasse de thé…), Beauraing, Gedinne, Bièvre, Menuchenet et Sedan. Ensuite, cap au sud, direction Le Chesne/Vouziers par la réjouissante D977 et ses vastes horizons. Pas grand monde, on peut y aller! Mais pensez à couper dans les villages, les flics veillent… À l'arrivée, après avoir mis la Super Ténéré au dodo, on découvre, sur l'invitation de Damien, la Charmoy, une superbière locale. Et notre hôte de nous inviter à nous rendre à la brasserie, puisque l'itinéraire de la BBB passe par Mouzay! Les échanges, le contact humain, il n'y a que ça de vrai, en fin de compte. Le lendemain, pas de risque de se gourer: la direction de Grandpré est indiquée par un panneau on ne peut plus explicite, précisément devant l'hôtel. Il fait beau mais encore un peu frais. L'air sent bon: mélange d'odeurs de prairie humide de rosée et de bois fraichement coupé – il y a des scieries dans le coin – et l'on musarde gentiment le temps de chauffer les mécaniques.

 

Arrivés à Grandpré, le Relais du Vert d'Eau – voir Moto 80 n° 764 – est toujours là mais cette fois nous bifurquons vers le sud-est par Chevières, Marcq et Saint-Juvin. Quelle tranquillité! Un peu l'impression d'être seuls au monde… La suite se révèle un peu plus rectiligne jusqu'à Varennes-en-Argonne où les distraits qui ont oublié de «tanker» à Sedan pourront faire le plein. La petite ville – un gros bourg, en fait – est passée à la postérité lorsque Louis XVI et Marie-Antoinette y ont été arrêtés le 21 juin 1791 alors qu'ils fuyaient Paris et la Révolution… Mais l'Argonne, c'est aussi un massif forestier superbe, étroit dans sa largeur (pas plus de 12km) et beaucoup plus étendu dans l'axe nord-sud puisqu'il va presque jusqu'à Saint-Dizier. Le plaisir de rouler sous les vertes frondaisons est bien là, quoique les traces de la Grande Guerre soient encore omniprésentes, le sol de ces forêts, au relief «cahotique» a été marqué à jamais des duels d'artillerie du premier conflit mondial. Nous vous proposons de découvrir la grandiose route forestière de la Haute Chevauchée – quel nom évocateur… – qui conduit au petit cimetière français de Lachalade. Un coin paumé, ignoré des touristes. Profitez-en pour respirer à fond!

 

Petit morceau d'Amérique

Après Neuvilly, la célèbre butte de Vauquois est toute proche. Son sommet est parsemé d'entonnoirs énormes, stigmates de la «guerre des mines» qui opposa ici Français et Allemands, enterrés dans des galeries sous la colline… Heureusement que les routes sont agréablement revêtues et correctement sinueuses: de quoi bien s'amuser jusqu'au cimetière militaire US de Romagne-sous-Montfaucon, grandiose et entretenu «à l'américaine» par des armées de jardiniers. Particularité du site: il est traversé par la D123 qu'emprunte le trafic local. Lors de notre séance photos, nous devrons même bouger la Yam pour laisser passer un… semi-remorque! Le site est tellement grand qu'il faut le visiter à moto, en restant sur les allées macadamisées, cela va sans dire. Tout cela est bien beau mais les kilomètres défilent et l'heure avance. Pour éviter d'être pris de court, nous ne trainons pas pour rallier Doulcon et l'Auberge du Lac où nous avons prévu de casser la croûte. Bonne idée: on ne peut manger que jusqu'à 13h15… Normal, après tout, pour un restau fréquenté essentiellement  par des gens qui bossent l'après-midi. L'estomac lesté par le plaisant menu du jour (pâté campagnard et taboulé suivis d'une brochette accompagnée de frites), servi avec le sourire qui plus est, il ne nous reste plus qu'à suivre la vallée de la Meuse en remontant le fleuve. Halte rapide au cimetière militaire allemand de Consenvoye – où Merkel et Hollande se sont rendus quelques jours après nous ! – et nous grimpons par une route sinueuse et rapide, bordée tantôt de bois, tantôt de prairies, en direction de Damvillers, avant de redescendre vers le village fantôme de Beaumont-en Verdunois qui, fait partie des 9 villages «morts pour la France». La visite des lieux laisse une impression curieuse: c'est désert mais on sent que les lieux ont été habités pendant des siècles… Si ces localités, classées en «zone rouge» n'ont pas été reconstruites après la guerre, c'est parce qu'une loi sur les dommages de guerre imposait à l'État français de racheter à leurs propriétaires les biens immobiliers dont la remise en état coûtait plus cher que la valeur estimée du bien reconstitué.

 

Verdun: la guerre mais pas seulement

Verdun, c'est bien sûr de nombreux monuments et cimetières militaires mais c'est aussi une ville agréable où il fait bon s'attabler à une terrasse en bord de Meuse, après avoir jeté un œil à la cathédrale gothique et acheté des dragées, spécialité locale. Cette confiserie à base d'amande, de sucre et de miel a été inventée ici au XVIIIe siècle par un pharmacien mais certains affirment que ses origines sont bien plus anciennes. Allez, on vous donne même une adresse, celle de la maison Braquier (rue du Fort de Vaux, 5 à 55100 Verdun, www.dragees-braquier.com). Pour notre part, histoire de rester fidèles au thème de cette balade, nous avons choisi de passer par quelques-uns des sites 14-18 les plus connus: la Tranchée des Baïonnettes et l'Ossuaire de Douaumont, notamment. Détail non négligeable, la départementale qui grimpe à travers bois pour vous y conduire a presque des allures de route de montagne! Si l'Ossuaire est, à nos yeux du moins, un édifice d'une indicible tristesse, la vue sur le grand cimetière national est aussi grandiose qu'émouvante. Nous quittons Douaumont et mettons le cap au nord par des routes quasi désertes pour rejoindre Damvillers. La direction générale s'infléchit ensuite vers le nord-ouest et notre itinéraire effectue moult tours et détours, juste pour le plaisir de dégotter de belles routes sinueuses, ou personne ne viendra vous emm… Nous longerons la grande forêt de Woevre et passerons par le hameau de Charmois où est brassée l'excellente bière artisanale du même nom (mais avec un «y» à la fin!). Notre itinéraire prend fin à Stenay, au Musée de la Bière, qu'il faut vraiment honorer d'une visite se terminant naturellement à la taverne. Soyez responsables… On ne vous en dit pas plus: le «politiquement correct» a presque tout envahi mais pas encore les pages des BBB! Bonne route et prudence, toujours!

 

 

Carnet de route

– Varennes-en-Argonne: C'est ici que fut arrêté Louis XVI, roi de France, en juin 1791, lors du fameux épisode dit de la «fuite à Varennes». C'est très précisément au pied de la Tour de l'Horloge, toujours visible aujourd'hui, que la voiture royale a été stoppée, après que le roi a été reconnu sous son déguisement par un nommé Drouet. Un petit musée à Varennes permet de comprendre cet événement historique capital. Plus d'infos sur ce Musée d'Argonne en surfant sur www.argonne.fr.

– La Haute Chevauchée: Le site de la Haute-Chevauchée, en forêt d’Argonne, fut, durant la guerre 14-18, un lieu stratégique pour les deux belligérants. Les Allemands, en particulier, avaient intérêt à s’approcher de la voie ferrée qui constituait la grande ligne de communication entre Châlons et Verdun afin de la paralyser ou la couper mais aussi de se donner possibilité de s’ouvrir, par Sainte-Ménehould, la route de Paris, en isolant, à l’est, le camp retranché de Verdun. Après avoir, en vain, pendant toute l’année 1915 tenté de rompre le front pour atteindre leurs objectifs, les Allemands, contenus par les troupes françaises, se sont installés défensivement. Commence alors la guerre des mines, particulièrement meurtrière: les combats d’Argonne conservent la mémoire de 350.000 morts ou disparus. Aujourd'hui, la route forestière de la Haute Chevauchée (D38C) est une départementale paisible, parsemée de monuments, vestiges et lieux de mémoire (cimetière de la Forestière, sur la commune de Lachalade et Ravin du Génie, entre autres) qui perpétuent le souvenir de cette époque troublée.

– La Butte de Vauquois: Vauquois, petit village du département de la Meuse, est entré dans l'histoire par sa butte. Lorsque la guerre éclate, l'endroit présente un intérêt stratégique évident car il constitue un excellent poste d'observation pour les Français comme pour les Allemands. À la mi-mars 1915, le front s'est stabilisé, la guerre de position s'est installée et Vauquois, détruit, est coupé en deux. Les deux adversaires s'enterrent et creusent des kilomètres de galeries et de casernements souterrains: 17km côté allemand et 5km côté français. La butte se transforme en termitière où fait rage la guerre des mines, placées de plus en plus profond. 14.000 soldats des deux camps sont morts ici. Aujourd'hui le site est parsemé d'entonnoirs géants. Plus d'infos sur www.butte-vauquois.fr.

– Montfaucon d'Argonne: Point culminant de la région, le village de Montfaucon s'enorgueillit d'un monument peu commun: une colonne de 57m de haut, surmontée d'une reproduction de la Statue de la Liberté. Le sommet du monument est accessible par un escalier de 235 marches (bon courage!). On y jouit de vues intéressantes sur le champ de bataille au nord-ouest de Verdun: butte de Vauquois, Cote 304 et, plus loin vers le sud-est, fort de Douaumont. Ouvert tous les jours de mai à septembre, entre 9h et 21h. Le reste de l'année, uniquement les week-ends et jours fériés. Entrée gratuite.

– Le cimetière américain de Romagne-sous-Montfaucon: Un gigantesque cimetière militaire US, plus que parfaitement entretenu et, pour tout dire, superbe. Les États-Unis n'ont jamais oublié les «boys» tués dans l'Argonne et consacrent un budget important à l'entretien du site. Les lieux sont aménagés de façon typiquement américaine et ses concepteurs ont vu grand, très grand. Vraiment impressionnant, ce petit morceau d'Amérique! Le cimetière est d'ailleurs territoire américain.

– Beaumont-en-Verdunois: Entre Ville-devant-Chaumont et Vacherauville, sur la D905, pile-poil sur notre itinéraire, une petite piste carrossable, même avec une moto de route, donne accès au village détruit de Beaumont-en-Verdunois: ne pas rater le panneau!

– La Tranchées des Baïonnettes: Ici, histoire et légende s'entremêlent et il faut distinguer le vrai du faux. Il est exact qu'on y a retrouvé, après la guerre, des fusils enterrés dont les baïonnettes émergeaient du sol. Mais le reste est une invention de la presse française de l'époque qui créa la légende de combattants héroïques, ensevelis vivants, alors qu'ils s'apprêtaient à partir à l'attaque. Cela dit, le monument, offert par les États-Unis, mérite quand même une halte rapide.

– Ossuaire de Douaumont: Surmonté de la Tour des Morts, cet imposant monument de 137m de long abrite les restes non identifiés de quelque 130.000 soldats, français et allemands, morts au cours de la bataille de Verdun. Devant l'Ossuaire, le Cimetière National est un lieu majestueux et poignant, avec ses 15.000 tombes… L'Ossuaire est ouvert tous les jours, d'avril à septembre, entre 9h et 18h. Entrée: 6€. www.verdun-douamont.com

– La Brasserie Charmoy, à Charmois: Cette brasserie artisanale, installée dans de superbes bâtiments du XVIIe siècle, a vu le jour voici une dizaine d'années et brasse une bière de fermentation haute qui se décline en deux variétés: blonde et ambrée. La brasserie produit aussi une bière de mars et une bière de Noël. Tout cela n'est diffusé que dans un rayon de 50km (et notamment à l'Hôtel du Saumon à Buzancy!), la brasserie Charmoy ayant opté pour une approche résolument locale. À noter que la Charmoy blonde se déguste au fût, en exclusivité mondiale (!) à l'estaminet du Musée de la Bière, à Stenay. La brasserie peut se visiter en groupe (10 à 25 personnes) le week-end (d'avril à octobre) et uniquement sur réservation (3€/personne).

Brasserie Charmoy, Haut Château de Charmois, 55700 Mouzay. Contacts: 00/33/(0)6.09. 90.05.00 ou www.bierecharmoy.com.

– Le Musée de la Bière, à Stenay: Installé dans une ancienne malterie, il retrace l'histoire de l'art brassicole sur plus de 2.500m2, à travers 50.000 objets. Le musée est ouvert tous les jours, de mars à novembre, entre 10h et 12h30 et de 13h30 à 18h. Entrée: 5€. Infos sur www.museedelabiere.com.

 

Arrêts gourmands

– L’Hôtel du Saumon, à Buzancy, c'est le petit hôtel de charme à taille humaine, comme on les aime. Ici tout est fait «maison»: Damien, aux fourneaux, y veille jalousement. Et pour vous accueillir, Julie ne vous demandera pas votre numéro de carte de crédit mais plutôt si vous avez fait bonne route et si vous avez soif… Bref, la tradition dans ce qu'elle a de meilleur. Ces deux-là, quoique jeunes encore, ont tout compris! Et ça marche, puisque l'hôtel fait partie des mieux notés en Champagne-Ardenne sur TripAdvisor. Bref, une adresse qu'on a plaisir à faire connaître et qui regorge d'atouts, à commencer par une cuisine goûteuse, relevée d'une pointe de raffinement mais à des prix très doux. Les chambres, toutes différentes, sont absolument nickel et proposées à des prix eux aussi plus que compétitifs! Avec le charme en plus: vieux meubles, planchers qui craquent… on adore! L'hôtel dispose d'un garage gratuit réservé aux motos (oui, oui!) mais qui n'est pas énorme (3-4 machines maxi).

Hôtel du Saumon, Julie et Damien, place du Général Chanzy, 4 à 08240 Buzancy. Contacts: 00/33(0)3.24.71.79.86, [email protected] ou www.hotel-buzancy.fr.

– En ville ou à la campagne, les Français sont encore nombreux à aimer déjeuner au restaurant le midi. Partout dans l'Hexagone, de petits restaus proposent des menus «du jour» ou «ouvriers» simples et bons à des prix inconcevables chez nous. L'Auberge du Lac, à Doulcon, en constitue un bon exemple: cuisine familiale, portions généreuses et prix d'ami (menu du jour 3 services à 12,50€). Que demander de plus? Rien! On vous le recommande chaleureusement, c'est tout. Ouvert du lundi au dimanche midi de 6h30 à 13h15 (après, la cuisine est fermée!) et de 17h à 20h15.

Auberge du Lac, rue du Chemin de Fer, 1 à 55110 Doulcon. Contacts: 00/33(0)3.29.80.99.69 ou www.restaurantaubergedulacdoulcon55.com.