150 bornes de Marche-en-Famenne à Rochefort

Balades à moto Tourisme P.Bonamis J.Berghmans
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De temps en temps, ça fait du bien de revenir aux valeurs sûres et aux grands classiques. Pour nous, amateurs de moto, l’Ardenne en fait partie. Voici une BBB qui sent bon le feu de bois, les champignons et ce jambon fumé que le monde entier nous envie…

De Marche-en-Famenne, porte d’entrée de la province de Luxembourg («Merveilleuse terre de vacances»…) à Rochefort, il y a bien 30 kilomètres. Nous vous proposons d’en parcourir 120 de plus, pour le simple plaisir de (bien) rouler, même si certains tronçons – nous sommes en Belgique – se trouvent dans un état déplorable. Mais ce n’est, heureusement, pas le cas partout, loin de là, et vous découvrirez de beaux angles, promis, juré! Reste que nous rencontrons quelques difficultés à quitter Marche… Le fautif n’étant autre que Tché, notre bien-aimé photographe. «Eh quoi, Tché, quand faut y aller, faut y aller!». Réponse de l’intéressé: «Z’avez vu le brouillard, les gars? Qu’est-ce que vous voulez que je f… dans des conditions pareilles?». Aussi patientons-nous encore un bon quart d’heure avant de prendre la route. Et c’est vrai que le plafond est assez bas, comme disent les aviateurs.

Cela dit, l’ambiance est authentiquement ardennaise sur cette route agréablement sinueuse (mais au revêtement de qualité inégale…) qui nous conduit à La Roche. Au loin, une cheminée fume doucement tandis que la brume noue des cravates grises à la cime des sapins. Bucolique mais la vigilance est de mise: certaines courbes sont du genre vicieux et les traces de terre laissées par les tracteurs et engins de débardage sont légion. On traverse La Roche en vitesse. Trop touristique à notre goût, même si le café «À l’amitié» (avec Diekirch…) nous fait de l’œil. «On ne va pas prendre l’apéro après 25 bornes tout de même?», demande le grand Jacques…

La Vallée des fées

À la sortie de La Roche, traversée en quelques coups de gaz à peine, nous longeons l’Ourthe en direction d’Houffalize. La route serpente agréablement le long de la rivière mais le revêtement est honteusement dégradé tandis que les campings défigurent cette belle vallée. Manifestement, il reste encore du boulot en Wallonie pour que ce type d’infrastructures soit correctement intégré à son environnement. Tel quel, ce n’est pas joli, joli… Heureusement, ce purgatoire ne dure pas. Après Maboge, la qualité du bitume s’améliore et nous augmentons gentiment la cadence, avant de marquer la pause sur un pont enjambant l’Ourthe, le temps d’une séance photos. À Nadrin, nous franchissons une charmante rivière au nom amusant: «La Belle Meuse». Rien à voir avec le puissant cours d’eau qui arrose Namur et Liège, ça serait plutôt un ruisseau à truites… La traversée de Wibrin est un ravissement pour les yeux, tant le village semble préservé, avec ses petites maisons blotties autour de l’église. Quelques kilomètres encore et on bifurque vers le sud-est, direction Achouffe, où est brassée la désormais célèbre Chouffe, la bière de la Vallée des fées, dont l’emblème est un espiègle nuton ardennais (voir encadré). À la sortie du village, l’horizon s’élargit. Nous arrivons en vue d’Houffalize, localité bien connue des amateurs de VTT puisqu’une manche de la coupe du monde de la spécialité y a longtemps été organisée. Ce n’est plus le cas depuis 2014 mais l’endroit reste connu des pratiquants de la discipline pour être la «Mecque» belge de ce sport. La ville mise du reste à fond sur le «Roc d’Ardenne», un gros week-end de compétitions organisé début mai.

Mais laissons-là ces petites cylindrées à huile de mollet et revenons-en à nos motocyclettes: la route qui relie Houffalize au barrage de Nisramont est toute bordée de vert sur la carte Michelin. Une bonne tranche de plaisir en perspective donc, du moins sur le papier. Parce que dans la réalité, ce n’est pas ça: la route se révèle tellement dég*** qu’on risque de se prendre un billet de parterre à 80 à l’heure en ligne droite, même avec une moto moderne! Une honte pour le MET. Un motard rencontré dans le coin, alors que nous étions arrêtés sur le bord de la route, nous a assuré que la route était laissée en l’état pour éviter que les motards ne viennent s’ébattre ici le week-end. Info ou intox? Nous n’avons pu vérifier avec certitude mais le fait est que d’autres moyens existent pour éviter les concentrations excessives de bécanes… au lieu de jouer avec la sécurité de ceux qui les utilisent! À tout prendre, on préférerait peut-être encore une solution «à l’allemande» avec interdiction de circuler pour les motos durant les week-ends et jours fériés, comme c’est par exemple le cas au Rursee, près de Monschau.

Les deux Ourthe

Je n’étais plus passé à Nisramont depuis, au moins, 40 ans! Dans mon souvenir d’enfant, le barrage était immense. Il s’avère, en réalité, tout petit. Rien à voir avec La Gileppe, notamment. Le site, auquel on accède par une petite route en cul-de-sac (vous devrez revenir sur vos pas pour reprendre le fil du road-book…) est situé à 2km en aval du confluent de l’Ourthe occidentale et de l’Ourthe orientale. Le barrage mesure 16m de haut et 116m de long. Il a été construit entre 1953 et 1958 pour alimenter en eau potable les localités de la région. Un sentier de randonnée de 14km fait le tour du lac de retenue.

Mais nous laissons ce plaisir pour une autre occasion et préférons reprendre les motos pour partir à la découverte de routes agréables qui font la part belle aux virages, moyens et petits. À l’approche d’Ortho, la vue porte loin. Le tracé devient ensuite plus sinueux et boisé du côté d’Erneuville, Wembay et Wyompont… L’heure est à la flânerie et nous profitons de l’exceptionnelle douceur de ce début de printemps. À Ortheuville, nous enjambons la N4 sur un petit pont qui nous évite d’emprunter ce grand axe aussi dangereux qu’ennuyeux. On suit le cours d’un affluent de l’Ourthe par Baconfoy et Lavacherie. On traverse ensuite une vaste forêt et le bitume se fait plus rectiligne… Saint-Hubert est en vue et, le croiriez-vous, il commence à faire chaud sous les casques. On s’arrête dans la cité du patron des chasseurs pour boire un coup et, surtout, «remplir les valises de salaisons et autres cochonnailles» (non, chef, on n’a pas dit cochonneries) que l’on dégustera bien tranquillement, à la casa.

Redu, village du livre

La N808 qui traverse le Val de Poix est un pur morceau de bonheur, avec ses courbes moyennes qui permettent de se faire plaisir sans pour autant enfreindre la loi (enfin, pas trop…). Les kilomètres qui suivent sont un peu moins intéressants et il faut surveiller son compteur dans la traversée de Libin, Villance et Maissin. Au sortir de ce dernier village, nous empruntons une sympathique route de campagne qui nous fait passer devant un cimetière militaire de 14-18 réunissant des tombes allemandes et françaises, chose peu courante. Encore plus rare: un calvaire a été reconstruit en ces lieux afin de rendre hommage aux nombreux Bretons tombés sur ce petit coin de terre ardennaise. Il s’agit d’un authentique calvaire du XVIe siècle provenant de la commune du Trëhou, dans le Finistère. Une descente vertigineuse nous tend à présent les bras et nous conduit dans le charmant village de Lesse. Ici, comme le disait Baudelaire dans «L’Invitation au voyage», «tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté». On se sent très loin de notre monde «connecté» où vitesse rime avec précipitation… Un bon et beau moment, surtout avec la lumière dorée de cette fin d’après-midi.

Quelques gentils coups de gaz plus loin et voici Redu. On aperçoit les paraboles de la station de l’ESA (Agence Spatiale Européenne ou European Space Agency) équipée pour manœuvrer et contrôler sur orbite des satellites de télécommunication et de télédiffusion. Mais Redu, c’est avant tout, depuis 1984, «le village du livre». Qu’il fait bon déambuler dans la quinzaine de bouquineries installées ici! Tché y dénichera même deux exemplaires d’un bouquin sur les motos belges, à l’état neuf, et vendus avec près de 40% de remise sur le prix normal! On enquille dans la foulée une croquignolette petite route, tortueuse à souhait, jusqu’à Daverdisse (nombreux restaurants réputés), avant de suivre le cours de la Lesse, dans un écrin forestier de toute beauté. Les derniers kilomètres de cette BBB seront – volontairement – plus roulants. Ça sent l’écurie… et Rochefort, avec ses terrasses accueillantes, n’est plus très loin: l’endroit idéal pour tirer ensemble le bilan de la journée et refaire le monde, devant un rafraichissement bienvenu. Bonne route et prudence, toujours!

Arrêts gourmands

Marche-en-Famenne: ça devient une tradition dans le cadre de nos BBB, nous aimons vous proposer un endroit sympa au départ de la balade, pour «attendre les copains en retard», selon la formule désormais consacrée. Le point de départ du road-book étant fixé au passage à niveau jouxtant la gare de Marche, nous avons cherché un troquet accueillant à proximité. Que dalle! Aussi, sur quelques centaines de mètres, avons-nous emprunté la rue du Luxembourg vers le centre-ville, jusqu’à ce qu’au croisement avec la rue de Nérette, nos yeux ébahis tombent sur le spectacle revigorant d’un snack ouvert à cette heure matinale. Baptisé Délice, l’endroit s’est révélé accueillant et chaleureux, le service fut diligent, et les croissants et le café étaient délectables… Le bon plan, surtout qu’une (petite) terrasse fleurit même lors des beaux jours et que l’on peut garer 3-4 bécanes à proximité.

Délice, rue du Luxembourg, 2 à 6900 Marche. Tél.: 084/32.21.00.

Achouffe: à proximité de la brasserie, la bien nommée «Taverne de la Brasserie» vous propose de roboratives spécialités à la bière (qui l’eût cru?). Cuisine soignée, portions généreuses et service souriant dans une belle salle au milieu de laquelle brûlait un bon feu de bois, en voilà une bonne adresse! Goûtez le civet de marcassin à la Chouffe (18€), les carbonades à la Chouffe et à la Liefmans (18€ également) ou encore la côte de porc à la Chouffe (14€).

Taverne et restaurant de la Brasserie, Achouffe, 9 à 6666 Achouffe. Tél.: 061/28.94.55.