Yamaha R1 2012, même plus peur!

Essais Motos Frederic Daveloose
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Si les changements sur la nouvelle R1 semblent mineurs à première vue, certainement en comparaison avec la précédente refonte totale datant de 2009, l’importance de la seule adjonction du fameux Traction Control est capitale.

Le TCS, acronyme choisi par Yamaha pour désigner son dispositif de contrôle du patinage de la roue arrière, est dans la lignée de ce qui est apparu récemment sur les motos de la concurrence, avec notamment Ducati, BMW, Aprilia et plus récemment Kawasaki. Quiconque ayant eu l’opportunité d’essayer dans de bonnes conditions une hypersport 1000cc récente, machine époustouflante d’environs 200ch, n’a probablement pu que faire preuve d’humilité face à une telle performance. Si les technologies de pneumatiques ont en effet évolué, l’énorme puissance transmise par la roue arrière et le couple impressionnant sont des facteurs impossibles à ignorer lors de l’accélération, a fortiori en sortie de courbe et donc sur l’angle.

Jusque dans une certaine mesure, il est possible de doser la quantité de gaz afin de ne pas surcharger le pneu. Mais dès que la performance ultime est recherchée, la marge se réduit et il s’agit de flirter avec une limite assez difficile à découvrir pour éviter la perte d’adhérence et la chute. Pour attaquer ce problème, les constructeurs ont d’abord développé des systèmes permettant une commande de gaz des plus précise, notamment au niveau des injections, pour éviter les à-coups qui pourraient involontairement délivrer une puissance supérieure à celle commandée par le pilote. Ensuite, dans le cas de Yamaha, le moteur révolutionnaire à l’architecture cross-plane (voir encadré) s’est inspiré du bon comportement de V4 (et des bicylindres à 90°) en terme de comportement moteur dans cette situation extrêmement délicate. Cette solution technique permet de rendre la commande à la poignée de gaz beaucoup plus proche de ce qui se déroule, en fin de transmission, sur la roue arrière.
 

Epauler le cross-plane

L’étape logique suivante, en l’état de la technologie actuelle et avec l’aide du développement réalisé en compétition, consistait à doter la Yamaha R1 du traction control, ou gestion du patinage de la roue arrière. Ce dispositif, le TCS, est le fruit de l’expérience accumulée en MotoGP et en Superbike. Il n’est pas neuf dans son concept, loin de là,  mais il nous arrive ici dans une forme très performante et aboutie. Pour se montrer utile sur une moto de près de 200ch, il faut évidemment que le système soit fiable et qu’il inspire de la confiance à ses utilisateurs sportifs, pour permettre à ceux-ci de repousser les limites de leur pilotage et d’engranger de meilleurs chronos. Il faut aussi qu’il soit suffisamment simple et transparent pour améliorer la sécurité du pilote lambda, dans une utilisation moins affutée de cette moto performante au quotidien.
 

Le TCS de la Yamaha R1 fonctionne globalement comme les systèmes de la concurrence: il compare la vitesse de rotation de la roue avant avec celle de la roue arrière et, s’il détecte une différence trop importante, agit immédiatement sur la production de puissance pour limiter le patinage. Les moyens pour réduire la puissance sont, premièrement, une modification de l’avance à l’allumage, deuxièmement, une coupure de l’injection sur un puis deux puis trois cylindres et troisièmement une action sur les papillons de l’injection, similaire à une coupure des gaz qui serait commandée manuellement par le pilote.

A cette fin, Yamaha exploite son système YCC-T (apparu en 2006 sur la R6) qui gère de façon électronique la relation entre la rotation de la poignée de gaz et l’ouverture des papillons d’injection. Ce dispositif joue un rôle actif lors de la détection et la gestion d’un patinage avec le Traction Control. Interrogé par Moto80 lors de la présentation de la nouvelle R1, l’ingénieur Nakagawa est resté volontairement très vague quant à la séquence d’actions utilisée par Yamaha pour limiter le glissement. Mais il est sûr que la commande robotisée d’ouverture des gaz YCC-T joue un rôle prépondérant dans le processus. L’intervalle auquel ce système mesure les paramètres est de l’ordre de quelques millisecondes. Mais là aussi, difficile d’en savoir davantage.
 

En termes de nouveautés, la R1 2012 ne change que peu hormis cette adjonction du Traction Control. Visuellement, la partie frontale du carénage est légèrement modifiée et les phares sont dotés de feux de position. Les nouveaux coloris de ce millésimes sont le gris mat et la magnifique combinaison (en édition limitée) rouge-blanc-noir qui rappelle les coloris historiques de Yamaha en course, cela pour célébrer les 50 ans de présence de la marque japonaise en Grand-Prix. Le té supérieur et les silencieux d’échappement ont été aussi redessinés et allégés.

 

Caractère et efficacité

C’est sur le circuit de Valencia en Espagne que la presse européenne a pu découvrir, et surtout essayer, cette évolution de la R1. Si toute l’attention était évidemment portée sur ce nouveau traction control, il n’en demeure pas moins que de piloter la moto la plus performante de la gamme Yamaha reste une expérience exaltante, surtout sur ce tracé mythique. Depuis 2009, le 4 cylindres en ligne cross-plane développe 182ch à 12.500 tr/min et un couple de 115,5Nm à 10.000 tr/min. La puissance est délivrée de façon très linéaire et prévisible, très différemment des 4 cylindres en ligne classiques. Le couple est omniprésent et accompagné par un bruit identique à celui d’un V4. Bien plus qu’une énième trouvaille marketing, cette architecture cross-plane convainc vraiment!

Sans changement en partie-cycle par rapport au modèle 2009, la Yamaha, qui semble pourtant imposante, surprend par son agilité: elle se place avec précision sur l’angle sans toutefois y tomber brutalement. Le changement d’assiette est très aisé malgré les imposants silencieux placés assez haut. Les étriers 6 pistons sont dosables et puissants, comme on peut l’espérer sur une moto offrant de telles performances. La position est adéquate pour les grands gabarits aussi. Les suspensions sont réglables à tous les niveaux et la précontrainte de l’amortisseur arrière est commandée par un système hydraulique d’une grande facilité d’utilisation.  Au chapitre des commandes, la YZF-R1 se voit toujours dotée de 3 modes de réponse à l’ouverture des gaz, régissant seulement la douceur ou la violence de la réponse de l’injection. Ce système ne limite toutefois en rien les performances et son utilité semble discutable.

 

Foi en la technologie

Essayer le TCS était donc le défi de cette présentation. Et un doute subsistait sur la possibilité de provoquer une machine de cette puissance pour tester son habilité à corriger un excès de la part du pilote. Une action qui, sans ce traction control, se solderait presque toujours par une chute. La présence d’un témoin lumineux au tableau de bord, indiquant quand le TCS entre effectivement en action, a permis d’expérimenter ce dispositif de façon très convaincante. Six modes disponibles permettent de choisir au guidon si l’on autorise beaucoup de patinage avant une réaction du système: du mode 1, très sportif, ou à l’inverse si on choisit de corriger toute amorce de glissement, au mode 6, assez conservateur. Nous avons entamé l’essai avec le mode 6, mode où l’on a pu constater que le TCS s’enclenchait assez fréquemment. Sans surprise, cela est arrivé à la réaccélération en sortie de courbe lente, là où la moto est toujours très penchée. Une situation typiquement périlleuse. Soulignons encore qu’il reste possible de provoquer ce patinage sans danger car on sent immédiatement que la puissance est modulée. Une «sucette» indéniable a quand même eu lieu, mais sans conséquence.
 

Avec la moto bien verticale, en accélération et en ligne droite, du patinage peut aussi être détecté. Cette perte de motricité, très peu décelable en temps normal car elle ne s’aggrave généralement pas, constitue pourtant une surprise lorsque clignote le témoin du TCS. Dès que l’on sélectionne un mode inférieur, on constate qu’il faut davantage provoquer la moto pour que le système reprenne la main et limite la puissance. Un exercice encore plus difficile lors des sessions d’essai de l’après-midi où la R1 était alors équipée de pneus beaucoup plus performants. Déclencher une amorce de glissade que ne tolèrent pas les modes 3, 2 ou à fortiori le plus sportif, le mode 1, constituait alors presqu’une mission impossible. Autre constatation intéressante, le TCS (en mode intermédiaire et pneus tendres) rentre en action en pleine charge dans la longue courbe précédant la ligne droite. Ceci ayant lieu à haute vitesse, il est peu probable que le patinage ne soit vraiment détectable sans le traction control mais il est très intéressant d’observer ce phénomène en toute sécurité.

 

Sécurisant, performant et éducatif!

Si le traction contrôle se généralise, on ne peut que s’en féliciter. Car outre la sécurité que procure ce système pour une utilisation quotidienne, il permet de repousser les limites du pilotage sportif sur circuit. Mais il a aussi la très grande qualité d’être hautement éducatif: le TCS permet d’apprendre en sécurité quelles sont les situations qui pourraient devenir dangereuses, de mieux explorer les limites de la moto et même de suivre l’évolution de l’état d’usure des pneumatiques lors d’une session sur circuit. N’imposant presqu’aucun surpoids, étant relativement peu couteux à manufacturer (les coûts résidant surtout dans le développement du système), le traction control ne présente en fait aucun désavantage. Il peut être totalement déconnecté si nécessaire mais il semble bien que cette technologie soit une évolution logique et évidente à l’accroissement de puissance des motos modernes: il est sécurisant, éducatif et performant à la fois. Quant à l’absence de l’ABS sur une concentré de technologie et  d’électronique comme la  YZF-R1, Yamaha avance un manque de maturité des systèmes disponibles actuellement. Ce qui est surprenant au vu de l’efficacité des modèles de la concurrence. Ne s’agirait-il pas plutôt de limiter le poids et le coût? Affaire à suivre!