Suzuki RM-Z450 – Une factory de série

Essais Motos Vincent Marique
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C’est du côté de chez Suzuki que l’on découvre la première nouveauté cross 2015, avec la RM-Z450. Si cette nouvelle mouture ne change pas en apparence, le constructeur japonais s'est penché sur certains détails plus subtils en s’inspirant notamment de la technologie utilisée en compétition.

Depuis l’arrivée de l’injection sur le modèle 2008 (la première à instaurer cette technologie en grande production), la Suzuki RM-Z450 n’aura pas connu bon nombre d’évolutions. Et si rien ne change d’un point de vue esthétique, Suzuki nous annonce cette fois des modifications internes plutôt intéressantes sur son millésime 2015. Commençons tout d’abord par la toute nouvelle fourche qui sera la première du genre sur une moto de production. On connaissait la Showa SFF à fonctions séparées (ressort d’un côté et système hydraulique de l’autre) qui équipe les Suzuki 250 et RM-Z450 actuelles. On connaissait également les fourches oléopneumatiques Kayaba que l’on retrouve sur les Honda 450 CRF et Kawasaki KXF… La Suzuki sera désormais équipée d’un élément mixant ces deux technologies: la Showa SFF Air. Une fourche que l’on peut remarquer depuis quelques années sur diverses motos officielles du championnat du monde MXGP. Concrètement, il s’agit d’une fourche plus légère (1.100g annoncés!), le ressort étant supprimé. Le diamètre augmente d’un millimètre (49 au lieu de 48) et la tige et le piston voient également leurs tailles revues à la hausse. Le cadre aluminium de la Suzuki RM-Z450 n’est pas remanié profondément mais ses pièces internes sont remodelées afin d’optimiser la rigidité du châssis. Suzuki annonce au passage une réduction de poids de 4% par rapport au modèle antérieur.

Autre nouveauté issue de la compétition, le S-HAC (comprenez Suzuki Holeshot Assist Control), un système d’antipatinage pour le départ. Après Kawasaki, Suzuki en équipe donc sa 450 cross à la différence que celui de la RM-Z dispose de trois modes de départ selon les conditions (souple, agressif et normal) sélectionnables au guidon. Si le démarreur électrique ne semble toujours pas d’actualité, Suzuki a néanmoins revu tout le mécanisme pour faciliter le démarrage au kick. Cela commence par un levier rallongé de 30mm ainsi qu’un ratio d’engrenage revu, un déplacement du pignon fou et l’ajout d’un pignon de recyclage. Le système de décompression a, quant à lui, été repensé pour plus d’efficacité. Suzuki s’est aussi penché sur le refroidissement de sa RM-Z450, avec notamment un carter de pompe à eau retravaillé et un raccord des durits de radiateur en Y, à la place du T, pour gagner en fluidité. Côté boîte de vitesses, le processus d’usinage des pignons a été revu ainsi que la came de sélection pour bénéficier de plus de précision et de souplesse.

Carmichael Academy

Pour introniser sa RM-Z, Suzuki profite du passage de la Ricky Carmichael Academy dans le Limbourg. Après l’annonce de cette avalanche de modifications sur la moto et une présence aussi renommée à Genk, les sentiments sont partagés. L’excitation d’essayer cette nouvelle monture côtoie la peur et l’angoisse de vouloir bien faire sous les regards avertis de tous ces ex-champions présents en bord de piste. Pas moins de 25 titres AMA et FIM parmi le casting des professeurs. Le genre d’expérience unique… Première impression purement technique, le démarrage s’avère facilité, le nouveau kick rallongé se fait immédiatement apprécier. Une fois en piste, les premiers tours de roue effectués sous les commandes de Ricky Carmichael en personne, et sur une portion très tournante du circuit, sont plus que positives. La nouvelle-née des jaunes se montre vivace, puissante mais pas trop et la traction à la roue arrière, menée par le nouveau Dunlop M52, est tout simplement bluffante. Mais plus encore que le caractère moteur, c’est surtout le châssis qui surprend par sa facilité déconcertante. Le gain de poids, la diminution du frein moteur et surtout la géométrie du nouveau cadre facilitent encore l’entrée en courbe. On a même la sensation que la moto est plus courte que le modèle précédent, tant sa maniabilité fait merveille autant dans les ornières que sur les virages à plat. Sensation encore amplifiée lorsque Ricky me suggère de venir m’asseoir encore un peu plus sur l’avant de la selle. L’équilibre et la symbiose de la RMZ sont juste parfaits! Côté moteur, la texture impeccable du jour gomme quelque peu les critères de sélectivité mais plus que la puissance pure, c’est surtout la sensation de couple qui prédomine. Virages en troisième (même serrés!), peu ou pas de relances à l’embrayage, bruit feutré, bref tous les critères que l’on retrouve actuellement sur les machines des «top teams» de Grand Prix. Petit bémol néanmoins, la nouvelle fourche SFF 49mm à air semble comme bloquée à mi-course et rend le train avant hyperrigide, voire même inconfortable. Un arrêt de moins de cinq minutes sous l’auvent officiel et un check-up pression par un technicien Showa auront vite fait de solutionner le problème. Un point à surveiller de près quand même tant il influe sur le comportement général du châssis.

À la Everts

La seconde session du jour a lieu en compagnie de Jeff Emig et James Dobb pour une bonne demi-heure consacrée à du «start training». Profitant de la grille sur place et de nombreux autres pilotes présents, l’occasion de comparer la jaune face à la concurrence ne manque pas… Dès le premier départ, je m’empresse d’essayer immédiatement le nouveau gadget baptisé «Holeshot assist control». Résultat bluffant, la moto tracte… de trop! Le Fro (alias Jeff Emig) me suggère alors de charger encore avec les épaules au-dessus du guidon jusqu’à mi-ligne droite. Mais rien n’y fait, la «Z» tend à se lever! Même sensation partagée par d’autres collègues journalistes pour en déduire, d’un commun avis, qu’un crochet de départ dispo chez tous les bons concessionnaires, lui ferait le plus grand bien! C’est désormais sous l’égide de Jeff Stanton, le bucheron du Michigan, que la journée se poursuit sur un secteur truffé de sauts et de courbes rapides de type «vélodrome». Très rapidement, l’impression de légèreté et d’équilibre châssis ressentie lors de la première séance se confirme. Le pilote moyen pourra reprocher le caractère ferme des suspensions sur la seconde moitié de la course mais on le lui pardonnera lors de chaque réception un peu longue… L’afficionado des «scrubs», «whips» et autres figures de style trouvera également son bonheur tant cette machine s’avère aussi maniable en l’air que sur terre. Enfin, last but not least, Stefan Everts nous indique la position idéale à adopter dans les grandes courbes avec appuis… debout sur les cale-pieds (sans blague!). Lui qui a effectué toutes ses classes début des années 90 sur une petite RM 125 de la gamme Suz’ nous confirme que l’assise de cette nouvelle moto, avec un arrière relativement bas et une centre de gravité revu lui aussi à la baisse, incite et convient parfaitement à un pilotage «à la Everts». Bref ce fut une journée unique, une expérience unique, le tout sur une moto unique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la nouvelle monture de Suzuki a trusté un paquet de victoires cette semaine, du SX US au Grand Prix de Clément Desalle, avec de fortes probabilités de se voir couronnée du titre constructeur au terme de la saison MX1… La 450 de la gamme était déjà bien aboutie mais elle passe un palier en se rapprochant encore un peu plus des motos d’usine. Une moto factory à la portée de tous: que rêver de mieux?

Un essai signé Sébastien Hacking & Yves Devlaminck publié dans le Moto 80 n°766 de septembre 2014.