Susuki SV650, la niaque des débuts

Essais Motos William Pletinckx
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Il a suffi de la débarrasser de quelques kilos de surpoids, d’une esthétique surchargée et d’un nom difficile à porter pour que la SV650 retrouve ses fondamentaux. Non sans avoir le bon sens d’être plus conciliante en ville.

V-twin et caractère sportif sont rarement associés dans la gamme Suzuki. Surtout depuis la disparition des TL1000 et SV1000 au milieu des années 2000. Dans la classe du litre de cylindrée, le V2 n’est plus présent que sur la DL1000, le gros trail routier performant et plus polyvalent qu’exubérant. Le reste des gros cubes en V s’est dispersé sur des machines plus «poum-poum» – la bande des cruisers VS, VZ et VL – voire une routière carrément «plan-plan» (VX) aujourd’hui disparue. Bref, pour trouver quelque chose de démonstratif chez Suzuki, dans cette architecture moteur, il fallait jeter son dévolu sur la petite SV650, roadster sportif, ludique et gentillet tant en versions naked que semi-carénée, qui entre dans sa 17e année et dans la 4e génération du modèle. Ce ne serait pourtant que la 3e du nom si l’on suit ceux qui considèrent l’actuelle Gladius – alias SFV650 – comme un battement, un passage à vide dans la carrière de la SV650, une streetfighter qui n’a de guerrier que le nom, ne faisant que déliter l’ADN de la SV dont elle reprenait tout les organes en les parant d’éléments cosmétiques tarabiscotés. Réservoir pansu, échappement baroque, bloc-optique tombant en forme de noisette, caches en faux alu et en plastique véritable… Suzuki s’était même fendu de proposer, au dernier changement de millésime de la Gladius, le cadre-treillis en rouge! Le genre de fantaisie qui ne va bien qu’aux italiennes ou, quand c’est peint en orange, qu’à l’autrichien KTM. Le problème des japonais lorsqu’ils sont en manque d’inspiration (et de budget), c’est de forcer le mimétisme d’un modèle au point de vouloir le faire ressembler à tout, au risque de friser le n’importe quoi! Cette chirurgie déconstructive s’était accompagnée d’un alourdissement de la machine et d’un lissage du tempérament du V-twin, devenu plus rond en couple à bas régime au détriment du panache dans les rotations rapides. Fille de la crise de 2009, la Gladius a essayé de féminiser le public de la SV. Or, c’est connu, il suffit qu’un constructeur annonce qu’il a développé un modèle en pensant aux femmes pour que tout le monde s’en détourne, à commencer par les dernières citées!

 

À nouveau unisex!

À vouloir paraître aussi branchée que ses rivales moins exclusivement masculines, la SFV avait vendu l’âme de la SV qui doit rester, de tous les twins basiques de moyenne cylindrée, la low budget qui apprend le plus aux néophytes tout en continuant à intéresser les motards expérimentés. On pourrait dire qu’elle a, pour les rudiments de conduite qu’elle dispense, tout d’une grande, excepté bien sûr les performances qui projettent de toute façon la majorité d’entre nous au-dessus de nos limites. La SV n’a que faire d’une puissance de feu et d’un freinage de ouf… Elle se veut une moto accomplie sans jamais nous pousser hors de notre plage de maîtrise. Dynamique et néanmoins tempérante pour des modestes qui en veulent. L’épisode Gladius est clos ; la SV revient au phare rond et perd 8kg (équipée de l’ABS). Elle renoue avec un dépouillement de bon aloi s’agissant d’une machine qu’on prend plus plaisir à piloter qu’à montrer. L’élimination de ce surpoids vient d’une ligne d’échappement 2 en 1 allégée de 3,5kg (notamment par la suppression de la marmite primaire, rendue possible par le passage à la norme de dépollution Euro 4 et le montage du catalyseur directement à la jonction des collecteurs), du kilo éliminé sur le système ABS dont la centrale plus compacte gagne à elle seule 830g, sans oublier les 3,5kg grappillés, ça et là, sur les carters latéraux du moteur, ré-usinés, sur certaines pièces mobiles ou sur le nouveau combiné à instruments full digital qui ne pèse que 275g! Bref, la machine repasse sous la barre fatidique des 200kg.

En se mettant aux normes Euro 4, le V-twin voit ses caractéristiques de puissance et de couple se modifier quelque peu. Sur ce saut générationnel, il a gagné 4ch pour en développer désormais 76 à un régime augmenté de 100tr/min (pour atteindre désormais à 8.500tr/min). Le couple maximal reste de 64Nm, à la différence près que cette valeur est fournie 1.700tr/min plus haut (soit 8.100 tr/min au lieu de 6.400 sur la Gladius). Le bicylindre en V de la SV 650 n’est pas plus pointu pour autant, ni moins souple à bas régime mais plus «plein» sur une plage de rotation étendue. Ce premier essai est venu nous rassurer sur le sujet. Le «six et demi» a avalé rondement les 200km de parcours très sinueux que nous avions à effectuer sur la Costa Brava et l’arrière-pays catalan. Toujours consistante, la réponse à l’accélérateur nous a fait préférer les pneus d’origine à température sur le sec que sur une chaussée brusquement refroidie et détrempée par une averse hivernale. Une météo capricieuse ne s’est pas privée de nous infliger la comparaison pendant tout l’essai.

 

Viroleuse pour tous

Rien ne lui a pourtant résisté, à la SV, pas même les fameux 22km – de spéciale mythique du Rallye de Catalogne – de route côtière rythmés par 365 virages et, dès lors, presque dépourvus de lignes droites. Notre V-twin a enroulé tout ça sans presque solliciter d’autre rapport que le 3e! Du grand art! Le frein moteur étant un des avantages – de cette architecture mécanique, on n’en voudra pas aux disques avant de ne pas être plus mordants. Le reste de la partie-cycle nous paraît digne d’une plus grosse cylindrée. Pour ordinaires qu’elles soient, les suspensions font leur job bien mieux que correctement. En comportement mais aussi, plus étonnant, en confort. Même lorsque la moto est menée par un pilote un peu grand pour elle… Monté transversalement, le moteur en V favorise la stabilité directionnelle parce qu’une telle implantation dans le cadre détermine un empattement long (relativement aux plus compacts «2 et 4 pattes en ligne» de cylindrée équivalente montés tout aussi transversalement). On arrivera sur la corde (d’un virage) moins sur les freins, davantage en jonglant avec la rondeur du moteur et sur la plus grande progressivité du balancement de la machine.

Le cadre-treillis en acier achève de bien charpenter la SV 650. Bien sûr, ses parties visibles laissent supposer qu’il s’agit de celui de la Gladius, alors que la partie sous la selle qui se prolonge sur l’arrière-cadre a été receintrée. Le modèle ne s’est, du reste, pas seulement affiné au niveau du réservoir (qui conserve sa capacité) mais de la selle, plus fine et plus creusée sous le séant du pilote. La SV 650 se destine plus que jamais aux petites à moyennes statures (165-175cm) et aux débutants. Pas seulement parce qu’elle est la plus basse de sa classe de cylindrée – de 2cm à la selle (culminant à 785mm) – mais aussi par une posture fort calée sur l’avant qui, elle, fatigue vite les grands échalas (≥ 185cm) parce qu’elle les empêche de se reculer un peu, histoire de profiter de la longueur de la selle et de la machine, ne serait-ce que pour changer de position en se calant les fesses contre le rebord arrière de la zone conducteur – qui, du coup, ne sert à rien. La chasse aux kilos a également eu la peau des poignées de maintien passager, remplacées par une simple sangle transversale. La partie de selle réservée au passager est si courte et mince qu’on limitera le duo aux transports urbains ultracourts. Les repose-pieds conducteur et passager ne sont plus fixés sur la même longue et vilaine platine (Gladius) mais possèdent leur propre point d’ancrage au cadre. Soulignons par ailleurs que l’agrément du modèle marque des points sous l’angle de la facilité d’utilisation: le bouton du démarreur est séquentiel, si bien qu’il ne faut plus maintenir la pression dessus jusqu’à ce que le bloc s’ébroue. Ce dernier émet un ronflement rauque dans une sourdine sympathique et toujours maîtrisée. Appréciable en ville, lorsque les arrêts et redémarrages se multiplient, le «Low RPM Assist» accélère automatiquement le régime de ralenti quand on relâche l’embrayage en prise et ce, avant même d’avoir tourné la poignée des gaz. Ce système inédit – embrayage et accélérateur conservent un câble – intervient avec une finesse rare, si bien qu’il faut déployer beaucoup de mauvaise foi – ou de mauvaises grâce – pour parvenir à caler.

 

Conclusion

Cette subtile refonte redonne à la SV 650 son style intemporel. Les retouches de fond nous permettent par ailleurs d’affirmer que le fun au guidon retrouvait là sa moto-école préférée. Pour le grand bonheur de ses fans, cette moto passion à petit budget se relance dans son crédo de toujours. Ou comment se renouveler sans prendre une ride…