MV Agusta Brutale 800 RR & Dragster 800 RR – Deux styles, sinon rien!

Essais Motos Thierry Dricot
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Après les Brutale et Dragster 800, MV Agusta propose encore plus fort, plus performant et plus sportif avec les versions RR. Outre un équipement enrichi et orienté haut de gamme, ces nouvelles MV Agusta innovent aussi techniquement avec un moteur porté à 140ch et un «down shifter».

Au niveau de la «plastique», une MV est belle comme une italienne: une dualité entre des formes sensuelles et une agressivité générale donnée par ce côté de fauve prêt à bondir. Sur le papier, le fauve est bien là. Avec 140 chevaux disponibles à 13.100 tr/mn et 165 kilos sur la balance, on peut s’attendre à du «lourd». Empattement court et angle de chasse plutôt fermé, les MV Agusta Brutale et Dragster 800RR ont l’air prêtes à se lancer et à affronter n’importe qui dans la vallée du Néblon ou la descente de Houyet. Le travail de l’usine ne s’est pas borné aux seuls points précédents. Une nouvelle cartographie, un contrôle de traction réglable en 8 niveaux, un choix de 3 mappings (sport, normal et pluie), une poignée «ride-by-wire» affinée, un nouvel ABS Bosch 9+, un amortisseur de direction Sachs et enfin un «quick shifter» (accessoire qui permet de passer les rapports sans embrayer) fonctionnant pour monter les vitesses comme pour les descendre achève de donner le ton.

Air bestial

Si un air de famille rassemble ces deux machines, notamment grâce à la triple sortie d’échappement à droite, c’est bien la Dragster qui en jette le plus avec son style très futuriste et cet énorme vide à l’arrière qui donne l’impression qu’on vous a volé la selle passager. Un dessin sans concession que certains adorent et d’autres apprécient nettement moins. Avec, en outre, ses jantes à rayons au design particulièrement osé, on l’aura aisément compris, cette «Drag» ne passe pas inaperçue. La finition se révèle à la hauteur des ambitions de MV. Tout à l’air d’être «presque» fait main avec une qualité au rendez-vous pour les soudures, les accessoires et les assemblages. Du bel ouvrage. À côté de la Dragster, la Brutale à l’air presque sage, légèrement classique tant sa sœur dégage quelque chose de bestial. On verra sur la route si ce tempérament beaucoup plus rock ’n roll se confirme! S’assoir au guidon ne pose pas de soucis, même pour les plus petits gabarits (italienne oblige). Par contre, pour des gaillards de plus de 1,85m, cela passe tout juste. Ces machines sont ramassées et la selle très échancrée ne permet que peu de mouvements. Le guidon (réglable sur la Dragster) ainsi que l’ensemble des commandes tombent naturellement sous les mains. On a l’impression d’être assis sur la roue avant mais finalement, à l’usage, cette sensation disparait. Après un briefing conséquent (électronique oblige), nous pouvons enfin démarrer nos machines. Les trois cylindres laissent immédiatement échapper un son rauque et à la moindre rotation de la poignée de gaz, le compte-tours s’affole. Ça promet! Dès les premiers instants, les machines offrent un très bon équilibre et, malgré la position de conduite assez repliée et le rembourrage des selles aussi fin qu’une tranche de jambon d’Aoste, le confort est plus qu’acceptable. On confirmera (ou pas) dans 200 kilomètres.

Comme en GP

Les routes de Toscane sont apparemment idéales pour tester ce genre de machines mais il ne faut pas se fier aux apparences et les pièges se révèlent nombreux: gravillons et revêtements chaotiques obligent à la plus grande prudence. Je démarre cet essai au guidon de la Dragster. Posée sur son énorme pneu (200/50-ZR17), j’avais une certaine appréhension quant à la maniabilité de l’engin. Dès les premiers virages, ce sentiment se fait complètement oublier tant la machine brille par sa maniabilité. En courbe, elle passe d’ailleurs très facilement. Un exercice particulier dans lequel la Brutale s’en sort tout aussi bien. Les montées en régime sont franches et le bloc MV accélère très fort. Penchons-nous d’ailleurs sur ce quick shifter. Monter les rapports devient un jeu aussi bien pour les sensations que pour l’oreille. En perdant moins de 300tr/mn à chaque passage de vitesse, l’ambiance racing vous explose les neurones et la conduite devient vraiment un jeu vidéo. Première épingle, arrivée en 6e, vous tapez dans les freins et rentrez quatre rapports à la volée dans un bruit on ne peut plus «course»… Bam, bam, bam, bam, ça claque comme une bécane de GP. Absolument jouissif! Ce quick shifter est un super jouet. Il est parfait… tant que vous restez dans un rythme soutenu et un mode de conduite «pilotage». Car dès que vous baissez la cadence, cela devient moins évident et le système montre quelques failles. Après avoir roulé «fort» avec mes collègues, on décide donc de baisser d’un «cran» et là, par deux fois, je me suis retrouvé en pleine épingle sur un faux point mort. Tout de suite moins rigolo… Conclusion, à une cadence plus «balade», l’emploi de l’embrayage s’impose afin de ne pas se retrouver en difficulté. Au final, on peut retenir de cet accessoire qu’il est très performant à la montée comme à la descente, surtout dans les hauts régimes et sur les rapports supérieurs. Mais sur les deux ou trois premiers rapports, je vous conseille vivement d’utiliser l’embrayage, vous épargnerez des claquements désagréables en passant de 1re en 2e et, surtout, vous soulagerez votre boite de vitesses.

Visages différents

Le reste de la machine est évidemment dans le ton. Les freins ne souffrent d’aucune critique, les disques avant de 320mm pincés par des étriers radiaux Brembo répondent présent à chaque sollicitation avec un feeling parfait. Deux doigts suffisent à actionner l’ensemble. Les motos à l’essai présentaient des réglages de suspension variés, ce qui permettait de se rendre compte de l’efficacité de la fourche Marzocchi de 43mm de diamètre et du combiné arrière Sachs. Ces différences assez marquées montrent bien l’importance de ces réglages et, avec l’aide de votre concessionnaire, vous pourrez ajuster vos suspensions à votre style de conduite. On ne le dira jamais assez, une suspension bien réglée change toute la physionomie d’une moto. Si, lors de cet essai, certaines motos étaient agréables à piloter et proposaient des réactions saines, d’autres s’avéraient beaucoup plus «aléatoires». Au sommet de toutes ces sensations de conduite vient évidemment trôner le trois cylindres qui anime nos deux 800. Pour tout vous dire, je suis plutôt amateur de gros twins. L’architecture même d’un trois cylindres est un condensé de cette «patate» un peu brute d’un bicylindre et de la souplesse d’un quatre cylindres. Ça monte très vite en régime, avec un couple maximum à 10.100tr/mn, et ça continue à pousser jusqu’au rupteur. Mais malgré cette fougue, en sixième à 40 km/h, ce 800cc reprend sans broncher, avec souplesse. Ce moteur offre vraiment deux visages. Il vous permet d’évoluer à un rythme tranquille, nez au vent des senteurs de Toscane, ou, dans une simple rotation de la poignée, d’entrer dans un autre univers, plus bestial et sportif. Une vraie réussite.

L’heure du choix

Voilà déjà plus de 100 kilomètres parcourus et le rythme élevé fait doucement apparaître un peu d’inconfort. La selle sur laquelle on a peu d’espace, surtout sur la Dragster, oblige à un certain immobilisme du postérieur. Les jambes assez fléchies (pour ma taille) imposent un arrêt salvateur. Rien de bien grave, car ces deux machines offrent un réel plaisir de conduite. Bien sûr, il faut les laisser sur leurs terrains de jeu. Les petites routes sont leur territoire, c’est là qu’elles s’expriment au mieux. Sauter de virage en virage, profiter des excellents Pirelli Diablo pour, au final, s’arrêter à une terrasse accueillante où votre plaisir continuera en contemplant votre monture. Car c’est vrai qu’elles sont belles ces MV et les passants de tous âges tournent la tête sur ces machines sachant allier des lignes futuristes et un clin d’œil sur le passé prestigieux de la marque. Le choix du design est une chose, le choix des couleurs en est une autre. Là, chacun garde sa sensibilité. Si je reviens sur ce point, c’est pour souligner le choix discutable d’une des deux versions de la Dragster. Si la première finition principalement dans les tons noirs et rouges donnent un look agressif à souhait, on peut être plus dubitatif sur l’autre déclinaison avec les jantes blanches qui font un peu «tunning too much». En ayant parcouru plus de 200 kilomètres au guidon de ces deux machines, je porte mon choix sur la Dragster. Quitte à rouler sur une moto exclusive, qui sort de l’ordinaire, autant opter pour cette dernière qui impose un style tranché que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans la production motocycliste. La Brutale est loin d’être moins performante ou dotée d’une finition au rabais mais elle possède moins ce côté éclatant de la Dragster.

Conclusion

Avec une vitesse de pointe d’environ 245km/h difficilement supportable vu le manque de protection, ces deux «bomba» restent des machines d’exception dotées des dernières technologies en la matière. À leur guidon, par moments, vous pourrez vous prendre pour un pilote de course tant l’ambiance est jouissive. Et tantôt vous vous transformerez en touriste branché sur une machine au look exceptionnel. Ah oui, dernière condition pour accéder à ces guidons: débourser 13.980€ pour la Brutale et 16.290€ pour la Dragster. La dolce vita a un prix, certes, mais l’Italie reste un pays de plaisir. Ces RR revisitées sont donc tout sauf des versions assagies. Tout est fait pour «l’arsouille» et les montées en régime de folie. À tel point que certaines nakeds de 1000cc n’ont qu’à bien se tenir tant ça pousse. Bref, accrochez-vous!

Un essai signé Thierry Dricot et publié dans le Moto 80 n°769 de décembre 2014.