Comparatif: BMW GS310 – Honda CRF 250 – Kawasaki Versys X 300

Essais Motos Bruno Wouters
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Segment complètement tombé en désuétude depuis de nombreuses années, celui du trail de cylindrée modeste reprend des couleurs depuis peu pour notre plus grand bonheur!

Le trail est maintenant devenu la vitrine technologique des constructeurs, avec des monstres approchant les 300kg, dépassant les 160ch et réclamant un effort financier avoisinant les 25.000€! Nous sommes loin de l'idée de départ! Heureusement, dans le même temps, les marchés occidentaux s'essoufflent, le motard vieillit et les constructeurs, toujours à la recherche de croissance, s'intéressent aux marchés émergeants.

Difficile de fourguer beaucoup de GS Adventure à ceux-ci, il faudra bien redescendre les pieds sur terre et revenir aux fondamentaux en leur destinant des petites machines, simples et légères. Et, tant qu'à faire, pourquoi ne pas les proposer aussi sur nos marchés et tenter de motiver une nouvelle clientèle? Il ne faut pas chercher plus loin l'éclosion de ces petites cylindrées qui viennent enrichir, vers le bas, les gammes de la plupart des constructeurs.

Tout le monde s'y met, ou peu s'en faut, BMW ne fait pas exception à la règle. Le constructeur allemand a ainsi développé la G 310 R, produite en Inde, dont dérive un an plus tard, la G 310 GS, dont vous avez pu découvrir l'essai dans notre numéro d'octobre. Il nous tardait d'en reprendre le guidon et de la confronter à ses adversaires.

Un twin

Kawasaki lui oppose la Versys-X 300, qui se démarque par son bicylindre hérité de la Z300. Nous aurions aimé encore adjoindre à notre trio la Suzuki V-Strom 250, hélas indisponible au moment de notre essai, et il faudra encore attendre un peu avant de pouvoir aussi compter sur une probable KTM 390 Adventure.

Trois machines concurrentes mais jouant chacune un registre différent. La Versys mise à notre disposition est déclinée dans sa variante Adventure, héritant au passage de valises latérales, de protège-mains, d'une béquille centrale et de protections latérales tubulaires, pour un surcoût de 799€, auquel s'ajoutent encore 379€ pour les phares longue-portée. Restons dans le registre des accessoires avec l'opportunité d'opter pour une selle basse (-25mm, 179€) ou une selle haute. Des trois, la Kawasaki semble la plus statutaire, alors que son prix de base la rend la plus accessible financièrement.

La GS paraît la moins intimidante: plus compacte, plus basse et bien campée sur ses pneus de forte section. La Honda affiche clairement ses prétentions hors-piste, semblant tout droit échappée des plateaux andins, terrain de jeu du Paris-Dakar. Ses roues de 21" et de 18" chaussées de pneus à crampons, sa selle TT longue et plate, son museau expressif ne laissent planer aucun doute!

Petit tour du propriétaire. On devine, dès le premier regard, que la Kawa offrira la meilleure protection, avec son habillage enveloppant et sa bulle dressée. Derrière celle-ci, le tableau de bord le plus flatteur du lot, avec son beau compte-tours analogique encadré à gauche d'une kyrielle de témoins et complété à droite par un pavé numérique. Parmi les informations, nous relevons le rapport engagé, l'heure, l'odomètre et les deux trips, les consommations moyenne et instantanée, l'autonomie restante, la jauge à essence et la température moteur.

La place est prévue pour le montage d'accessoires, comme par exemple sur notre machine, l'interrupteur des deux phares complémentaires à LEDs qui viennent en renfort du phare principal et sa très conventionnelle ampoule H4. Hormis les phares montés en accessoire, aucun LED sur la «verte».

Encore quelques économies avec l'absence de leviers réglables et un bras oscillant basique, en tubes d'acier de section rectangulaire, mais warning et appel de phares sont bien présents. Les roues à rayons imposent la monte de chambres à air.

Rally Replica

Changement complet de ton avec la Honda. Son inspiration TT ne fait aucun doute et confère à la CRF un rendu qualitatif et flatteur: la filiation avec l'Africa Twin saute aux yeux. Dès le premier regard, la Rally fait immédiatement rêver et promet l'aventure dès le coin de la rue.

Ses roues aux dimensions habituelles des machines tout-terrain, ses pneus, les seuls de nos trois machines à pouvoir sérieusement s'évader du bitume, sa position de conduite, sa selle longue, plate et étroite, les débattements sans fin de ses suspensions, ses garde-boues relevés ne laissent planer aucun doute.

La Rally impressionne aussi avec son grand pare-brise qui encadre les deux optiques à LEDs dont Jon, notre photographe, se souvient encore: haut perché, le phare tapait directement dans ses rétroviseurs lorsque nous le suivions jusqu'au lieu du shooting! Bon, ça: on ne devrait plus avoir droit à l'inévitable «Oh! Excusez-moi, je ne vous avais pas vu!»

Derrière le pare-brise, un bloc instruments minimaliste qui ne s'encombre pas de superflu: compteur, compte-tours, jauge à essence, odomètre, deux trips, l'horloge… et basta cosi! Pour le rapport engagé, la température ou la conso, on repassera. Par contre, le combiné est idéalement placé, bien en hauteur, dans le regard du pilote; une attention qu'on retrouve sur d'autres modèles de la marque, comme l'Africa Twin ou le X-ADV. Un combiné également surmonté d'une barre idéalement placée pour le montage d'un GPS.

La CRF se démarque encore par son usage exclusif des LEDs, pour les phares mais aussi le feu arrière et les clignotants, dont les avant restent allumés en permanence. Nous relevons avec plaisir la présence de protège-mains et d'un warning, avec surprise l'absence d'appel de phare. Les leviers réglables, et c'est le cas pour nos trois machines, sont aux abonnés absents.

Pour lever toute ambiguïté sur ses aptitudes au tout-terrain, la Honda se pare de robustes et larges repose-pieds crantés, d'un levier de vitesse repliable et d'une pédale de frein solide et bien conçue. Les roues à rayons réclament des chambres à air, l'ABS est déconnectable à l'arrière via un bouton maladroitement intégré à droite du combiné instruments, un astucieux petit rangement contrebalance sur le flanc gauche l'échappement monté à droite, quatre ergots laissent entrevoir la possibilité d'arrimer un paquetage en extrémité de selle.

Pour tous

La BMW a pour elle un look bien sympa, apte à mettre en confiance les moins aguerris des motards. Visuellement plus menue que la Kawa, moins intimidante que la Honda, dont la hauteur de selle limite de facto les postulants, elle répond parfaitement à son cahier des charges.

BMW insiste en effet sur sa volonté de toucher la gent féminine, et d'amener de nouveaux adeptes à la pratique de la moto. Résultat, un poids plus contenu que la Versys, la hauteur de selle la plus accessible des trois, avec la possibilité d'opter pour une selle plus basse ou une autre, plus haute. Les pneus larges donnent une touche de modernité et mettent en confiance.

Revers de la médaille, cette silhouette plus menue et ajustée ne laisse pas augurer une protection maximale, un sentiment qui se confirmera bien vite à l'usage. Derrière le minuscule pare-brise se niche le bloc instruments hérité du roadster. Aussi basique d'aspect que celui de la Honda, il s'en démarque toutefois par quelques infos complémentaires, dont le rapport engagé, la température moteur, les consommations moyenne et instantanée, l'autonomie restante et la vitesse moyenne.

Remarque qui vaut pour nos trois protagonistes, le défilement des infos nécessite de lâcher le guidon pour actionner de peu ergonomiques boutons caoutchoutés sur les combinés. La G 310 déçoit par l'absence de warning: des économies de bout de chandelle pour une machine qui passera certainement du temps dans les embouteillages…

Les ambitions hors-piste, forcément limitées, s'illustrent par un bouton au commodo gauche permettant de court-circuiter l'ABS. Si la Honda se contente de quatre ergots à l'arrière de la selle, la Kawasaki et la BMW disposent chacune d'un porte-paquet apte à accueillir un top-case.

Il ne suffira que de quelques kilomètres pour mesurer la rondeur et l'agrément qu'apporte le bicylindre Kawasaki face à ses rivales. Beaucoup plus lisse et onctueux, il daigne reprendre à 30km/h ou 40km/h sur le dernier rapport quand les autres n'accepteront ce cas de figure qu'aux alentours de 60km/h. Fatalement, avec une zone rouge à 12.000tr/min, la Kawa dispose d'une belle plage de régime pour faire preuve de son élasticité.

Ceci dit, avec son couple haut perché (10.000tr/min) et plus modeste que celui de la BMW, inutile de préciser qu'il sera utile de jouer de la boîte pour obtenir quelques sensations. Ça tombe bien, son embrayage antidribble assisté témoigne d'une belle douceur. Nous attendions beaucoup du confort de la Kawasaki: position de conduite irréprochable, large protection de la carrosserie, du pare-brise et des protège-mains compris dans le pack Adventure, selle large, tout se présentait bien!

Oui, sauf que cette foutue selle a dû être taillée dans un bout de bois, et que les débattements de suspension plus courts de deux ou trois centimètres face à la BMW la handicapent.

Pour tous les goûts

Largement plus exposé au vent, le pilote de la BMW se réjouit à tout instant du moelleux de la selle et des suspensions. La perfection n'est pas de ce monde, il déplorera que le cale-rein ne lui laisse aucune latitude de mouvement. Moins puissante, la BMW fait malgré tout bonne figure. Plus rugueux que le twin, le mono vit plus dans les mi-régimes que le twin, plus creux.

Attention toutefois, bas dans les tours, pas de salut, et il faudra s'en souvenir en démarrant la G 310: on cale facilement si on n'accompagne pas avec suffisamment de gaz. Le comportement routier de la BMW se révèle un peu plus joueur que celui de la Kawa qui témoigne dans le ressenti d'une certaine lourdeur sur l'avant, plus chargé que celui de la BMW.

La Kawa marque des points avec le freinage. Non qu'il soit exceptionnel mais la BMW pèche par une pédale de frein peu accessible et un manque de mordant du disque avant peu rassurant, alors que la puissance de freinage ne peut être mise en cause. Un choix de plaquettes à l'attaque plus franche, comme celles dont nous disposions sur les 310 R de présérie que nous avions prise en main à Munich en septembre 2016 eût mieux convenu.

Et la Honda? Une toute autre musique, à son guidon! L'ergonomie typée tout-terrain, au demeurant plaisante, ne la rend pas accessible au plus grand nombre même si sa selle, qui culmine à 895mm du sol, s'abaisse bien un peu avec l'affaissement des suspensions. Parlons-en, des suspensions!

Quand la Kawa se contente de 130mm à 148mm de débattement, la Honda affiche 250mm, voire 265mm pour l'arrière! Avec les pneus à tétines et la roue avant de 21", les impressions de conduite ne sont guère comparables et dérouteront ceux qui n'ont jamais goûté à ce genre de machine.

Mais facile et rassurante, la Honda donnera envie à tous de tâter de l'off-road. Cette Honda, c'est un peu comme un Land Rover Defender, rien qu'à le regarder, on a envie de découvrir le monde! Très agréable en ville par sa position de conduite, sa finesse, sa légèreté et son guidon qui passe au-dessus des rétros de bagnoles, la CRF Rally fait mieux que se débrouiller sur la route, une fois assimilé le relatif manque de précision généré par les pneus et les débattements de suspension.

Moins protectrice que la Kawa, plus que la BMW, elle permet d'envisager de belles randonnées, sous réserve de s'adapter à sa selle, étroite et très modérément moelleuse. Ses capacités en tout-terrain sont évidentes, sous réserve de ne pas en attendre les prestations d'une machine de cross ou d'enduro.

Son monocylindre, plein de bonne volonté, avoue fatalement ses limites avec ses modestes 25 chevaux. La Rally doit, avec le même moteur que la CRF250L, composer avec 11kg de plus. Le petit bloc ne démérite pourtant pas si l'on garde en mémoire qu'avec de telles cylindrées il est plus que nécessaire de jouer du sélecteur. On n'arrête pas le progrès: ces petites machines pèsent plus que les trails 600cc des années 80 ou 90…

 

Conclusion

Vous l'avez compris, la Honda joue dans une autre cour. À l'heure du choix, elle fera valoir sa réelle polyvalence, sa facilité et son tempérament de baroudeuse. Le parfum subjectif d'aventure qu'elle dégage constitue un argument de plus: qui n'a pas envie de rêver, ne fût-ce qu'un instant, d'évasion et d'horizons lointains au moment de se rendre au taf? Après, il faudra fatalement composer avec sa hauteur de selle.

Son comportement typé, on s'y habitue très vite, et sa relative légèreté autorise toutes les improvisations. Même son prix, le plus élevé des trois, paraît acceptable au vu de sa finition soignée et du caractère «pro» qu'elle dégage. Les deux autres se tirent un peu plus dans les pattes, chacune jouant sur ses arguments propres.

La Kawasaki semble une bonne affaire: elle en donne beaucoup, pour le prix le plus attractif. Son propriétaire goûtera au jour le jour à la rondeur de son bicylindre, à la protection de son habillage. Il appréciera le tableau de bord le plus flatteur et le plus complet mais aussi l'efficacité du garde-boue arrière et du lèche-roue, se félicitera de la douceur de la commande d'embrayage et du mordant bien balancé du freinage. Sa Kawasaki s'illustrera comme la meilleure routière des trois.

La BMW lui opposera une sensation de légèreté, un tempérament plus joueur, plus agile, sans céder en rigueur de comportement. À son guidon, on se réjouira du réel confort prodigué par cette petite allemande à l'emblème prestigieux.

Mon coup de cœur ira toutefois à la Honda: la part de rêve, sans doute, et les souvenirs de nombreux kilomètres parcourus par le passé au guidon de ce genre de machines…
 

BMW G 310 GS – 5.950€ – 3,85l/100km

Honda CRF250 Rally – 6.499€ – 3,63l/100km

Kawasaki Versys-X 300 – 5.799€ – 4,36l/100km