BMW C 600 Sport / C 650 GT – Süße Leben*

Essais Scooters Laurent Blairon
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(*Dolce Vita, traduction littérale)

En matière de maxiscooter, il y aura un avant et un après 2012, année du grand lancement de BMW dans le segment maxiscooter. L’ambiance relax et Dolce Vita à l’allemande est désormais possible et le spécialiste germanique met les petits plats dans les grands. Le ciel s’assombrit-il pour la concurrence?

 

Quand on a les moyens de ses ambitions, la vie parait plus facile. Chez BMW, ce n’est pas en 2012 que la tendance risque de s’inverser. Avec deux maxiscooters, le C 600 Sport et le C 650 GT aux personnalités bien distinctes, autant dire que BMW ratisse large et qu’il s’agira, principalement, de rabattre de nouveaux clients vers les concessions. Clients des TMax (rappelons que Yamaha en en vendu plus de 180.000), bien sûr mais aussi du Burgman 650 ou du Honda SW-T600. Sans oublier tous les autres, roulant aujourd’hui sur tel ou tel 250-300cc, japonais ou italien et qui, tentés de monter en grade, pourraient tout à fait envisager un BMW. Rien n’est écrit mais pas besoin d’une boule de cristal pour prédire le succès aux nouveaux Teutons. L’objectif de 10.000 ventes annuelles semble en tout cas réaliste.

Nuances identitaires

L’opposition identitaire des deux maxiscooters BMW saute aux yeux. Le C 600 Sport parvient à se créer un look unique, très techno-technique digne de l’univers d’un film de science-fiction. Son arrière émincé et son pot court procurent la note sportive. Le 650 GT sent le déjà-vu en interne (la filiation avec la R 1200 RT frappe) mais flanque un sacré coup de vieux aux concurrents nippons de par son allure tout en classe et en luxe, avec ses éléments de carrosserie flottants. Dans les deux cas, les caches en plastique noir (ou gris) ne sont pas irréprochables et semblent sensibles. Détail : nous essayions des exemplaires de pré-production, on nous promet des versions plus soignées pour la série.

Dans le détail, cela implique aussi une position de conduite différente. En jouant sur le triangle guidon-selle-pieds, le 600 Sport met tout de suite au parfum: sportif, on se sent sur le scooter, les fesses à 810mm, ce qui pose problème aux petites jambes. Bien que de respectable gabarit, le Sport reste compact, tout le contraire du 650 GT qui vous invite dans une ambiance plus Pullman. Sa selle est plus basse (780mm), plus moelleuse et dotée d’un dosseret réglable en hauteur. Déjà sympathiques sur le Sport, les marchepieds du GT sont royaux, offrant réellement beaucoup d’espace même pour les «45 fillette». Après, les nuances se dégagent au niveau de l’équipement. C 600 Sport dispose d’un pare-brise à réglage mécanique (façon GS) tandis que le 650 profite d’une assistance électrique (façon 1200 RT) ; les clignos du Sport sont intégrés au carénage, ceux du GT s’abritent dans les rétroviseurs. Nos modèles d’essai étaient équipés des feux diurnes optionnels, positionnées latéralement par rapport aux deux optiques principales dans le cas du Sport, et en position centrale (trois guides lumineux verticaux) dans celui du GT. Les soutes des BMW disposent d’un éclairage à LED (d’origine). Enfin, le nuancier BMW propose le bleu cosmique, le gris métallisé et le noir saphir pour le sport tandis que le GT, plus «classy», se pare de bronze platine, de noir saphir et du rouge vermillon de la 1200 RT.

Equipement pléthorique

Au guidon, on apprécie tout d’abord le soin porté à l’ergonomie, caractérisée par une «boutonnerie» et une iconographie typiquement BMW (mais en plus compact). Mais il n’y en a pas de trop, ainsi la selle et la trappe à carburant s’ouvrent au contacteur. Le tableau de bord, sensiblement différent de l’un à l’autre, ne casse rien, BMW laisse l’exclusivité d’un écran TFT à son vaisseau amiral K 1600 GT/GTL. C’est plus que complet, des témoins abondent mais tout reste ordonné, du plus traditionnel (totalisateurs, consommation moyenne, etc.) au plus recherché, comme le témoin de déficit d’huile moteur (pas de jauge accessible pour vérifier soi-même !) le niveau de chaleur des poignées et selle chauffantes ou encore la pression de gonflage des pneus. Mais attention, vous jouirez de ces derniers éléments en option, dans un pack unique et quasiment indispensable (voir encadré). Pour le reste, l’habillage de la zone habitable n’est pas exceptionnel, les plastiques sont de bonne qualité mais sans plus. Outre les deux grands vide-poches agencés dans le tablier –dont un sécurisé et doté d’une prise 12V – le rangement se fera sous la selle. Là, le C 600 Sport glane tous les suffrages: son système Flex Case est d’une cinglante ingéniosité.  Un bouton et hop, le fond du coffre tombe sur la roue pour accueillir vos effets. Deux casques rentrent. Pas de panique, le soufflet d’aisance, renforcé au Kevlar, serait inviolable. Un contacteur empêche de démarrer le scooter s’il n’est pas correctement replacé. Bravo! Le 650 GT, plus traditionnel, ne propose pas moins d’espace.

Volume gérable

Pour paraphraser une chanson du grand Aznavour, les embouteillages sont moins pénibles au soleil. C’est donc par le trafic madrilène que débute notre prise en main des deux BMW. Si le thermomètre grimpera plus tard, il fait frisquet ce matin-là. Heureusement, poignées et selles (oui, les deux, séparément) chauffantes raviront les navetteurs. Sur le GT, la bulle électrique d’origine (qui monte et descend sur 10cm) ainsi que les flancs imposants vous protègent de façon grandiose. Deux malins déflecteurs amovibles permettent de décider si, oui ou non, vous désirez laisser passer un flux d’air (ce sera appréciable en été). Cela dit, à vitesse soutenue, des turbulences secouent encore la tête. Le C 600 Sport est moins bien loti mais loin d’être ridicule. Relevée au maximum, sa bulle diminue le force du froid contre le buste.  Immédiatement leur long empattement commun de 1.591mm et le choix de roues de 15’’ rassurent sur la stabilité, primordiale entre les voitures, surtout au guidon de deux mastodontes de 249 (Sport) et 261kg (GT) en ordre de marche. Mais comme les engins sont bien équilibrés, la masse s’évapore une fois en mouvement. Si le 650 GT donne l’impression d’être nettement plus volumineux, il n’est que 4cm plus large (aux rétros) que le 600 Sport. Bref, ça passe plus ou moins partout, certainement pour remonter les files mais pas question de tricoter entre les pare-chocs comme on le ferait en Honda Vision.

Puissance sobre

Commun aux deux engins, le 647cc de 60ch est absolument doux, de quoi gérer la ville sans souci. Il transmet sa puissance à la roue arrière via une chaîne complètement encapsulée dans un (vilain) carter. Moins vif qu’escompté, il ne bondit pas mais s’élance gentiment avant de laisser parler la poudre. Empruntant l’autoroute vers des coins plus verts nous longeons le circuit de Jarama, que nous percevons comme le signal de mettre les watts! Rapides, les BMW le sont. Le GPS présent sur nos montures indique des vitesses de pointe réelles de 177 km/h pour le Sport et 174 pour le GT. Ils dévorent l’autoroute avec aisance, les relances sont toujours franches et pas une côte n’arrive à atteindre son souffle. De nouveau la stabilité impressionne, ni l’un ni l’autre ne bougent lancés à pleine vitesse dans des courbes rapides.  Un bémol, les rétros du 650 GT, trop sujet aux tremblements, à remédier d’urgence! Le soir, autour de quelques tapas, notre interlocuteur, le Dr. Georg Unterweger, nous explique que l’architecture (twin parallèle) est bien sûr inspirée de la concurrence. A nos questions plus insistantes, il apparaît clairement que ce moteur est imaginé et développé par BMW, à Munich. Et comme le reste des scooters, qui possèdent leur propre ligne à l’usine de Berlin, tout est assemblé en Allemagne. Cela dit, les pièces qui composent le bicylindre proviennent en partie de Taiwan (Kymco) mais Georg Unterweger de préciser que de nombreuses pièces sont également issues de la banque d’organes de moteurs existants (moto). Notre ami dérive vite sur d’autres sujets, comme la sonorité: «Grâce au calage à 90° des manetons du vilebrequin, nous sommes parvenus à conférer un bruit de twin, comme une Ducati, à notre moteur.» Nous lui laissons le courage de ses propos mais franchement, la sonorité, rugueuse et peu noble, n’est pas le point fort des BMW. Nous nous attendions simplement à quelque chose de plus feutré. A notre question concernant la non-présence de quelconque mode séquentiel, notre interlocuteur est direct: «Ce sont des gadgets coûteux et dont les gens n’ont pas réellement envie. Un scooter doit rester un scooter. Facile et efficace.» Au terme d’un essai mené couteau entre les dents, l’ordinateur de bord indique une consommation de 5,2-5,5l/100km. Très prometteur.

Rigueur absolue

Sur les routes sinueuses du nord de Madrid, le C 600 Sport impose son dynamisme. Le simple fait de positionner le guidon plus bas et son poids moindre rendent le train avant du Sport plus incisif que le C 650 GT qui, victime d’un surplus pondéral plus haut perché, élargit davantage les trajectoires. Cela dit, même s’il apprécie moins le rythme sportif, il reste capable de coller aux basques du 600 Sport et nous avons été saisis par la garde au sol particulièrement généreuse. En somme, le châssis commun, de type périmétrique en tubes d’acier, associé à des suspensions conventionnelles mais de qualité (fourche inversée de 40mm, monoamortisseur latéral) est irréprochable. Très honnêtement – et nous n’avons pas boudé notre plaisir – pas un seul «saucissonnage» ou perte de maîtrise à signaler; rigoureux, les BMW font montre d’un réel agrément. Et ce sans sacrifier le confort qui se hisse à un très bon niveau, le GT au-dessus du Sport en raison du moelleux de sa selle. Côté freinage, BMW nous étonne par l’absence de freinage combiné, ce que d’aucuns apprécieront. Trois disques de 270mm au total, tous pincés par un étrier à deux pistons et le tout sous la bienveillance d’un ABS Bosch 9M de dernière génération. A l’avant, des durites métalliques entretiennent l’endurance et le mordant et si l’antiblocage déclenche plutôt facilement, nous sommes très satisfaits du niveau, à condition de tirer les deux leviers simultanément.  

Voie royale

La grande expérience moto de BMW transpire dans les maxiscooters BMW qui ne chassent pas sur les mêmes terres. D’un côté le C 600 Sport qui, à l’instar de la S 1000 RR vis-à-vis des hypersportives japonaises, défie la concurrence directe en optant pour la stratégie du «mimétisme amélioré». Certes, son allonge étonnante et ses attentions bienvenues (bulle réglable, selle chauffante, Flex Case) jouent en sa faveur mais au fond, il n’invente rien. Si l’on sent la volonté de BMW de faire mieux que la cible, tout n’est pas à son avantage, comme son bruit et sa finition moins raffinés que le très sophistiqué TMax. Mais ses performances et son look, sans oublier la force de l’image et du réseau BMW joueront très fort en sa faveur.

De l’autre, le C 650 GT est, selon nous, la vraie nouveauté. Véritable 1200 RT du scooter, en esprit comme en look, le GT devrait par contre ratisser large auprès des navetteurs amateurs de gros maxiscooters luxueux qui n’ont plus que le brave mais vieillissant Burgman 650 et la SW-T 600 à se mettre sous la dent. Arriver au bureau en scooter BMW GT, ça va le faire. Nous dirions même plus: ce béhème pourrait faire de l’œil à certains motards réceptifs aux atouts des scooters, voire provoquer du cannibalisme car s’il est cher (voir encadré), cela reste nettement plus accessible qu’une 1200 RT. A peine moins dynamique et plus confortable que le C 600 Sport, le 650 GT n’a plus qu’à emprunter la voie royale qui l’attend. 

Un essai signé Laurent Blairon et publié dans le Moto 80 n°737.