Aprilia Tuono V4 1100 RR: démoniaque

Essais Motos Vincent Marique
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Aprilia a revu sa Tuono en augmentant la cylindrée et la puissance du moteur, en ajoutant quelques aides à la conduite et en améliorant son confort. Verdict… après un court galop.

L’essai de la RSV4 se termine à peine, et nous voilà déjà reparti sur les routes ensoleillées de Toscane au guidon du nouveau roadster Tuono. Avec son look racé et viril, il attire directement les regards. Comme d’habitude, les Italiens ont fait très fort esthétiquement. Un évident compromis entre la route et la piste, surtout que le moteur de la bête est issu de la RSV4 RR. Il a cependant été bien corrigé. D’abord au niveau de la course et de l’alésage, qui passent à 81mm x 52,3mm contre 78mm x 58,8mm), pour obtenir une cylindrée de 1.077cc. Cette transformation a imposé une nouvelle fonderie et des carters supérieurs allégés mais renforcés. Comme sur la RSV4RR, la Tuono dispose de pistons et axes de bielles plus légers qui amènent des montées en régimes plus dynamiques. Ce moteur affiche aujourd’hui 170ch, soit quelque 20 bourrins de plus que la version précédente. Une puissance qui va nous poser quelques problèmes en raison de l’état des routes empruntées.

Mauvaises routes

En effet, il n’y a pas qu’en Belgique que les chaussées sont défoncées. Le staff d’Aprilia nous avait réservé des revêtements pas vraiment adéquats pour les qualités et la puissance de leur nouveau roadster. Dommage, et plus d’un journaliste regretta de ne pouvoir l’essayer dans de meilleures conditions, voire sur la piste de Misano qui était pourtant disponible après les passages en RSV4. Il a donc fallu faire preuve d'une extrême prudence et la glissade de l’avant d’un collègue après 2 virages, heureusement sans conséquence car sauvé par l’électronique embarquée, me calmait d’emblée. Le rythme adapté et l’impossibilité d’ouvrir vraiment les gaz ont eu une influence directe sur le confort. Sur cette Tuono, la position de conduite est fort sur l’avant, en appui sur les poignets. Habituellement, en roulant à bonne allure, la force du vent sur la poitrine soulage ceux-ci, ce qui ne fut malheureusement pas le cas lors de mon test. Surtout que la bulle du saute-vent se révèle vraiment microscopique. Contrairement à la RSV4, mon grand gabarit se trouve néanmoins plus à l’aise sur cette machine, surtout au niveau des jambes. La selle, redessinée et rabaissée de 15mm par rapport à l’ancienne version, est aussi plus confortable. Et le guidon, plus étroit que jadis, tombe bien en main.

Onctuosité et linéarité

Un coup de démarreur et les bons souvenirs de la veille  reviennent à la surface. Bruit  rauque et enivrant de l’échappement, un coup de gaz et le moteur s’envole sans hésitation vers la zone rouge. Une montée en régime très linéaire, constante. On sent les 175ch bien présents et prêts à procurer du plaisir. Mais cette puissance  n’a aucune  influence négative sur le couple car le moulin offre une onctuosité toujours aussi étonnante, n’obligeant pas à jongler avec la boîte de vitesses. Même dans les épingles, je peux repartir en sixième sans le faire cogner. La boîte dispose du quick-shifter d’origine pour monter les rapports. Six vitesses faciles à enclencher, bien étagées et dont la sélection n’engendre aucun problème. Si les routes empruntées ne permettent pas de juger pleinement les qualités de cette nouvelle bécane, par contre, elles mettent directement en évidence celles des suspensions confiées à Sachs. Le juste milieu entre confort et efficacité pouvant s’ajuster dans tous les sens en fonction des désidératas du pilote.

Sécurité avant tout

Côté frein, la sécurité est à l’ordre du jour. Le double disque 320mm et les étriers radiaux Brembo à 4 pistons y sont pour quelque chose, bien aidés par un ABS à triple choix (Track, Sport et Road) et qui se fait complètement oublier. Puisque je parle d’aides à la conduite, la Tuono est naturellement pourvue de l’APRC propre à la marque qui permet de sélectionner trois modes de contrôle de traction avec un sous-menu qui permet d’affiner l'antipatinage de 0 à +8. On y trouve aussi un anti-wheeling à trois niveaux et je peux vous affirmer que celui-ci se révèle efficace car malgré mes multiples efforts, je ne suis pas parvenu à circuler la roue avant en l’air. Tous ces choix électroniques s’affichent sur l’écran digital du tableau de bord. Les indications sont lisibles et claires, il faut simplement s’habituer à la sélection via un joystick placé sur le commodo gauche. Une sélection simple pour les choix de bases mais un peu plus complexe lorsqu’il s'agit d'envisager des ajustements pointus. Car dans ce cas, il faut aussi jouer avec une commande placée sur le bouton du démarreur.

En conclusion

Manifestement, malgré la modification de l’inclinaison de la colonne de direction (24,7° au lieu de 25,1°), cette Tuono est taillée pour les routes aux longues courbes.  Si l’Aprilia négocie mieux les enchaînements de direction que la version précédente, elle est encore loin de l’agilité que peut offrir, par exemple, une KTM Super Duke dans les ronds-points ou les pif-paf plus techniques. Le châssis, un double poutres en aluminium, reste rigide et encaisse bien les multiples bosses que j’ai dû affronter. À vitesse élevée, ce châssis est plutôt énergique. Sincèrement, au vu des conditions de cette prise de contact et du faible kilométrage couvert, donner un avis objectif quant au réel potentiel de l’Aprilia Tuono V4 1100 RR se révèle compliqué. Mais ce qui est certain, c'est que cette moto, belle, attrayante, bourrée de chevaux, n'est sans doute pas à mettre entre n’importe quelles mains. La Tuono exige clairement de son pilote une pratique certaine de la puissance. Expérience requise donc. Mais les premières impressions laissent entrevoir un évident potentiel capable de rivaliser avec ses concurrentes directes.

 


Deux versions

En plus de la version de base testée, Aprilia propose une série «Factory» encore plus élaborée. On y retrouve une suspension Öhlins en lieu et place du montage Sachs et des coloris spécifiques mariant très joliment le noir, le gris et le rouge alors que la «Standard» est livrable en bleu (la plus belle à mon goût) ou en gris. La différence de prix reste toutefois minime puisque la version de base sera à vous dès à présent pour 15.125€, contre 16.950€ pour la Factory.

Un essai signé Fred Pelletier publié dans le Moto 80 n°775 de juin 2015.