Yamaha XJR1300 – Le passé a de l’avenir

Classic Arnaud Brochier
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La nouvelle XJR1300 est proposée dans une version très proche de son concept originel. Mais Yamaha nous gratifie surtout d’une version «racer» qui devrait ravir les amateurs de motos au look plus méchant et dans la tendance des fameux «café-racer» de la grande époque britannique des années 60.

Alors que la majorité des modèles de production moderne ont tendance à cultiver le «toujours plus», il est aussi un monde parallèle en pleine expansion qui aime se souvenir du passé. La nostalgie du beau et du simple, le souvenir de motos faciles et exploitables en toutes circonstances… Dans ce contexte, et chiffres à l’appui, les motos néorétro ont le vent en poupe et c’est de manière de plus en plus régulière que nous nous extasions devant des préparations «vintage» sur base de vieilles et de moins vieilles motos dont les performances ne sont absolument plus la priorité! Bien au contraire! Il est clair le prix des motos modernes et la répression routière nous amènent de plus en plus à nous poser les bonnes questions relatives à la base de notre passion: le plaisir de conduite!

Caractère customisé

Yamaha y voit clair dans ce marché en redevenir mais les ingénieurs ont eu la lucidité de ne pas vouloir développer le design du futur modèle. Les tendances stylistiques japonaises ne sont pas toujours bien accueillies sur le Vieux Continent et pour éviter les erreurs de goût «maison», Yamaha a eu l’excellente idée de proposer à plusieurs préparateurs de réinterpréter la XJR à leur façon. Les heureux sélectionnés sont d’origines très diverses (Europe, États-Unis, Australie, Japon…) et chacun a bénéficié d’une carte blanche pour modeler la XJR à son bon vouloir! C'est d’ailleurs chez l’un d’eux (Deus Ex Machina, à Sydney) que nous avons eu droit à la présentation de la XJR1300 2015 et de sa version «racer». Toutes les préparations, dont la majorité étaient présentes, ont été à la source du développement du design qui est tout aussi vintage qu’auparavant mais dont une foule de petites pièces lui donnent un caractère customisé du meilleur effet. Le détail est partout et même si le modèle a fortement changé, son identité visuelle reste intacte! Curieusement pour un constructeur, l’accent est donné sur l’énorme potentiel de customisation du modèle. Si tout un catalogue de pièces «aftermarket» est à votre disposition, le project manager de la XJR insiste sur les aspects pratiques qui rendent la customisation aisée! On est chez Deus Ex Machina…. Sortez les disqueuses et le papier de verre… Plus rien n’étonne!

Globalement et pour résumer les modifications de style, la boucle arrière a été fortement raccourcie tout en préservant l’espace nécessaire pour placer une selle biplace confortable pour le conducteur et pour le passager. La selle a été dessinée pour ressembler à un élément monoplace mais il n’en est rien. Bonne nouvelle pour le look, le réservoir d’essence est totalement revu avec un léger allongement doublé d’un affinement et d’un abaissement pour que l’ensemble selle/bidon soit plus linéaire. Mauvaise nouvelle pour l’autonomie, ce dernier contient 14,5 litres de carburant… contre 21 pour le modèle précédent! Les 2 combinés Öhlins arrière participent grandement au look inimitable de cette moto mythique et la fourche reçoit un traitement carbone des tubes intérieurs pour un meilleur agrément de conduite. Gros avantage par rapport au modèle précédent, les éléments de suspensions sont réglables dans «tous les sens» et ce n’est pas un luxe pour une moto confortable qu’on souhaiterait toutefois un peu plus rigoureuse lors de certaines sorties à caractère «arsouille entre potes».

Pour une poignée de cc

La XJR première du nom date de 1995 (20 ans!). Elle cubait précisément 1.188cc et, en 1998, on lui rajouta 63cc (1.251cc en tout) pour lui donner l’appellation XJR1300! C'est encore et toujours un moteur refroidi par air qui a évolué par étapes avec les normes antipollution. L’arrivée progressive de l’injection, puis de l’échappement catalytique, ont réussi à préserver le moteur refroidi par air qui développe actuellement 98ch à 8.000tr/min pour un couple de 108,40Nm disponible dès 6.000 tours! Les caractéristiques du moteur (zone rouge à 9.500 tours) ont permis aux ingénieurs de développer une ligne d’échappement relativement peu castratrice au niveau dB. La sonorité du 4 cylindres avec son échappement d’origine est assez flatteuse. Maître Akrapovic veille au grain si vous désirez agrémenter le tout (avec un système homologué) mais c’est principalement en termes de look que le bénéfice sera supérieur.

Au niveau électronique, on retrouve l’accastillage de circonstance pour une moto de cette trempe avec l’ABS racing, le traction control, le quick-shifter, le contrôle de weeling et les 18 modes de puissance disponibles! Vous venez de vous étrangler? C’est normal…. C’était de l’humour! Fidèle au concept néorétro, l’électronique est inexistante! Même pas d’ABS et c’est tant mieux! Pas le moindre petit voyant lumineux pour vous distraire, pas la moindre assistance…. Vintage on vous dit! La qualité des pneus modernes et de l’amortissement proposée ne justifie pas de tels moyens alors que cette moto abattait quasiment les mêmes performances il y a 20 ans. À l’époque, les suspensions étaient de singuliers ressorts à peine freinés et les pneus étaient en bois sec! Certes, un ABS se révèle toujours un gage de sécurité pour les freinages d’urgence mais nous ferons sans! 

Vieille copine

Huit heures du matin en cette fraîche matinée à Sydney et c’est sur une route légèrement humide que nous prenons la direction du «bush», afin d’évaluer les aptitudes dynamiques de la belle. Les motos sont attribuées au hasard et je reçois une version normale, avec bidon gris anthracite mat qui me plait bien. La version bleue a un air légèrement plus vintage mais la grise possède un côté «bad boy» qui me sied à merveille. Je m’installe à son guidon et, sans surprise, j’ai l'impression de retrouver une vieille copine avec qui j’aurais fait le tour du monde. L’ergonomie est parfaite, nul besoin d’essayer de comprendre les commodos qui n’ont aucune influence sur les réglages de la moto. On est sur une machine «comme avant». J’enclenche la première et je suis mon petit groupe tout en moulinant de la boite pour évaluer la souplesse irréprochable du bloc. Le moteur est jouissif avec une disponibilité et une élasticité que seuls les gros 4 cylindres à course longue peuvent procurer. Une main de fer dans un gant de velours, la force tranquille de 100 chevaux qui galopent dans une pelouse grasse et verdoyante! Ces gros moteurs peu puissants sont des havres de sensations et de bonheur au quotidien. Mais je m’égare…

À la pause de midi, un collègue me regarde, livide, et me fait des propositions indécentes à condition d’échanger nos montures! Le pauvre est encore plus petit que moi et vient de passer la matinée sur le modèle «racer» muni de guidons bracelets, d’une tête de fourche en carbone et d’un couvre-selle carbone très vintage. Si la moto a un charme indéniable dans cette version, il est évident que la position de conduite est nettement plus sportive. Avec mon grand cœur, tout en déclinant ses propositions, je prendrai le guidon de cette fameuse «racer» qui m’enchantera pendant une trentaine de kilomètres. Au-delà, mes dorsaux commenceront à me réclamer quelques étirements tout en rappelant à ma nuque que l’hyperextension n’est pas sa position favorite. Clairement, les guidons bracelets sont positionnés loin et ce modèle s’adresse à de grands gabarits, pour profiter au mieux du concept café-racer.

Conclusion

La XJR1300 reste fidèle à son concept de base. C’est un roadster qu’on pourrait qualifier de GT pour ses aptitudes à la balade et au confort de roulage ; une moto attachante qui donne envie d’être chevauchée au quotidien en ayant pour seule contrainte de tourner la clef et d’appuyer sur le démarreur pour s’en aller à son guidon et profiter d’un moteur dont la générosité est proportionnelle à sa cylindrée. Une sorte de dinosaure en voie d’expansion…

Un essai signé Arnaud Brochier et publié dans le Moto 80 n°773 d'avril 2015.