La côte d’Opale, l’autre côte

Evasion Tourisme Moto80
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Notre pays est tout petit, la frontière n’est jamais loin. Pour s’offrir un dépaysement complet et se donner l’impression de grandes vacances sans pour autant manger des kilomètres d’autoroutes, Moto 80 Évasion vous propose des itinéraires à un saut de puce de chez vous. Cap vers la mer.

Nous commencerons par la Côte d’Opale. Pourquoi là plutôt qu’ailleurs? Parce qu’à plus ou moins deux cent cinquante kilomètres de Bruxelles, se trouve une superbe côte où quelques patelins n’ont pas été bouffés par les buildings, où les dunes sont site protégé et où les longues plages propres ne sont pas bordées de fritkots, magasins de cuistax ou autres brols attrape-touristes. Vous voyez de quoi je veux parler. Ce tableau vaudrait déjà le déplacement mais cerise sur le gâteau, la départementale qui longe cette côte est un régal pour les motards et la suite, dans les terres, sera tout aussi plaisante.

Un pic, un cap, une péninsule

Départ directement au cap Blanc-Nez. On pourrait croire qu’il ne s’agit que d’un point de vue marqué d’un grand obélisque, symbole phallique honorant un quelconque quidam. Ce serait une grossière erreur car le site est littéralement époustouflant. D’un côté, toutes les terres d’alentour s’offrent au regard, et de l’autre, les falaises et la mer réclament la contemplation. Par beau temps, on aperçoit les côtes anglaises. Et si la météo est maussade, la nature se présente alors tourmentée et belle, le ciel et la mer s’assombrissent et le vent crie sa colère; un véritable poème de Verhaeren. Après ce départ parfait, il faut, à tout le moins, conjuguer la suite au plus-que-parfait. C’est le cas avec cette magnifique et virevoltante petite route qui vous emmène vers le Cap Gris-Nez. La jolie départementale dépasse Wissant et pousse plus d’une fois vos féminines machines à tortiller du cul dans des virages pas piqués des hannetons. La route est superbe. Le ruban gris traverse un paysage champêtre aux nombreux dénivelés. Les blés blonds attendent d’être fauchés. Des taches fuchsia, rouges, jaunes de groupes floraux colorent le vert et le blond des prés et des champs. La route joue les gentilles montagnes russes et s’il est impératif de faire preuve d’attention, le plaisir de la conduite se mêle au sentiment qu’évoque un tel environnement. Ayez la main prête à faire signe, beaucoup de motards connaissent déjà le coin.

Motard et culture

Chemin faisant, vous croiserez deux musées relatifs à la Seconde Guerre mondiale. Tous deux sont privés et si le premier est impressionnant et visible de loin puisqu’il s’agit d’un gigantesque bunker, c’est le second qu’il me semble le plus opportun de vous conseiller. Le musée 39-45 d’Ambleteuse est en effet le seul à retracer toute l’histoire de la guerre 40, depuis la campagne de Pologne jusqu’à la bombe d’Hiroshima. La collection de costumes couvre un panel complet des belligérants du conflit. La boutique de souvenirs, en plus des sempiternels attrape-gogos, propose également des objets anciens ou des reproductions qui raviront les collectionneurs.

Évidemment, le fleuron culturel de la côte d’Opale, c’est Nausicaà. Créé en 1991, ce musée-aquarium est aujourd’hui encore l’un des plus grands d’Europe. Loin de se servir de la faune marine pour attirer un chaland avide d’anthropomorphisme ichtyologique, Nausicaá sert la planète en sensibilisant ses visiteurs tant à la beauté qu’à la fragilité de la mer. Les points forts d’une visite qui durera entre deux et quatre heures sont les requins et, en fin de parcours, les caïmans, la présentation des lions de mer (pas un spectacle mais bien une présentation pédagogique où l’animal est respecté), le bassin tactile où il est possible de caresser des raies, la simulation d’une tempête sur le pont de commandement d’un bateau océanographique et la plage des manchots. Cependant, il ne faudrait pas réduire Nausicaá à ces quelques attractions. Le site procure un émerveillement renouvelé à chaque changement de salle et réussit à plonger chacun tantôt dans un lagon, tantôt au bar d’une île tropicale, tantôt encore sur une plage grise et froide de la mer du Nord. Bref, passer à Boulogne sans s’arrêter à Nausicaá, ce serait comme rouler juste pour brûler de l’essence.

En quittant Boulogne, vous passerez devant l’église Saint-Nicolas, puis devant les remparts de la vieille ville (fortification du XIIIes). Ils abritent la basilique Notre-Dame (XIXes, reconstruction à l’emplacement d’une ancienne cathédrale détruite à la révolution) dont le dôme est visible depuis le guidon de la machine, le château comtal et son éclectique musée, le beffroi, un ancien couvent et deux ou trois choses que d’aucuns trouveraient intéressantes. Il est à noter que la basilique repose sur une immense crypte remontant à l’époque romaine de la cité. Tout cela est bel et beau mais il ne faudrait pas se donner mal au crâne avant d’emprunter la route qui quitte la côte pour nous conduire jusque Montreuil.

Vers Montreuil

Alors que vous abandonnez le littoral, vous ressentez toujours le ressac. Comment cela se fait-il? Tout simplement parce que la route a décidé de jouer la mer déchainée. Elle monte et descend en pentes et côtes parfois raides. Les vagues sont agréables. De villages en villages, la moyenne horaire souffre un peu des limitations de vitesse mais cela permet de reprendre son souffle car lorsque la voie est libre, ça sent l’arsouille et même parfois l’adrénaline. Le bitume est joueur par ici et nécessite une très grande attention. En France, le respect des limitations de vitesse n’est pas dû qu’à la peur des argousins, elle est aussi fréquemment nécessaire au vu des surprises qui jalonnent les petites départementales: virage à la fin d’une grande descente, courbe resserrée cachée par une demeure ancienne, rétrécissement de la chaussée, j’en passe et des plus inattendues. Bref, si l’on vous met des panneaux, respectez-les, cela fera du bien, sinon à votre portefeuille, du moins à votre santé.

Parfois, le long de la chaussée, un petit filet d’eau s’écoule. Ses reflets adamantins irisent les bas-côtés. Le parcours traverse des villages qui rivalisent de jeux floraux. L’avancée vers Montreuil est champêtre, agreste ou même pastorale, à vous de choisir. Enfin, après avoir entraperçu la Canche dont vous longeâtes le cours, voici Montreuil et ses remparts. La cité médiévale s’est fait appeler la Carcassonne du Nord. Pour qui connaît Carcassonne, cela peut paraître un chouia prétentieux et pourtant… Depuis qu’Hugo a choisi Montreuil pour une rencontre entre Fantine, le méchant Javert et le bon Jean Valjean, la cité s’est drapée derrière ses remparts pour rester dans la tenue que lui avait connu le célèbre écrivain. Montreuil sera peut-être aussi votre halte si vous avez opté pour les visites proposées. Tant mieux car plusieurs établissements pourront vous y accueillir. Le must, c’est Les Hauts de Montreuil. Pas parce que c’est un trois étoiles (m’enfin, si, un peu) mais parce qu’il y a la possibilité de rentrer la moto.

Retour vers Calais

Si, par contre, vous êtes venu céans pour manger des kilomètres, repartez directement à l’assaut du bitume en longeant, pour un moment, la vallée de la Canche. Le cours d’eau vous accompagnera jusque Hesdin. Vous passez sur la place. De l’autre côté, à votre gauche, trône l’Hôtel de Ville. Il est de style renaissance et on lui a adjoint un portique baroque (une bretèche, pour les férus de culture). Le tout donne un ensemble architectural des plus intéressants. L’église, au sortir de la place, est du même acabit. Engoncée dans une rue étroite, elle n’offre malheureusement pas assez de recul pour que l’on puisse profiter de son architecture. Vous passez au-dessus de la Canche par un petit pont et vous remontez vers Calais. Il faut boucler la boucle. Les courbes légères tracent dans la campagne vallonnée jusque Licques. À votre gauche: une église romane assez impressionnante. Inutile de la visiter, les murs blancs et les quelques statues trop récentes servent de seule décoration.

La suite de la départementale a été agrémentée de quelques virolos en épingle à cheveux. En haut, c’est le plateau. Sentiment de liberté, plaisir du pilotage, étendue vide de toute présence humaine… Ce sera comme ça quasi jusque Calais avec, point d’orgue, retour face au cap Blanc-Nez depuis les hauteurs. Calais: tours et détours dans la ville vous feront passer devant une grande église, une vieille tour, les statues du général De Gaulle et de son épouse pour arriver au terminus, l’hôtel de ville et son très beau beffroi. Veuillez dès lors béquiller et vous rendre dans le petit parc devant l’hôtel de ville. La statue centrale est celle des Bourgeois de Calais. C’est la seule statue que l’illustre Rodin a pu voir exposée en extérieur de son vivant. Voilà, c’est tout pour cette fois. Bon amusement!