L’Ouest en Harley-Davidson – L’art du cruising

Evasion Tourisme Laurent Cortvrindt
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C’est le voyage dont tout motard rêve. Celui de la grande évasion, du dépaysement absolu, de la découverte de ces villes pharaoniques et de ces espaces immenses qui nous fascinent depuis notre enfance via la télévision ou le cinéma. «A trip of a lifetime», comme ils disent là-bas…

Si vous questionnez cent motards voyageurs sur leur fantasme ultime d’évasion à moto, la traversée – ou du moins la découverte d’une partie – des États-Unis reviendra sans aucun doute en première position. Et très largement, même. Et tant qu’à envisager ce «voyage de toute une vie», autant le faire en chevauchant le symbole par excellence de l’évasion: une Harley-Davidson, en lieu et place d’un mustang. Car nous, les chevaux, on les préfère «vapeur»! On peut aimer ou détester la marque de Milwaukee, on ne peut lui ôter ce lien formidable qui l’unit à son pays et à sa population. Harley-Davidson fait la fierté du peuple américain. Sur un parking, devant un restaurant, à votre arrivée à l’hôtel, partout, ces machines naviguant tous chromes dehors émerveillent les locaux… comme les touristes. «J’ai la même en version 2010», «Que faites-vous comme parcours?», «J’ai changé ci et ça sur mon Electra»… Pour faire connaissance, il n’y a pas plus efficace!

À moto, on peut voyager à la dure, avec le strict nécessaire. Pour notre boucle de quelque 2.000km avalés en 5 étapes, nous avons préféré jouer la carte du confort. Et puis, il fallait caser le matériel du photographe… Nous nous sommes donc tournés vers la gamme Touring de Harley-Davidson, avec comme choix le best-seller Electra Glide, la mystique Road Glide et l’iconique Street Glide. Des motos particulièrement confortables, avec selle moelleuse et bulle sur la tête de fourche, et une prédisposition naturelle au tourisme. Un réservoir de 22,7 litres, ça permet de voir venir. Un bicylindre de 1.690cc, 86ch à 5.010tr/min et quelque 138Nm de couple, c’est plus qu’il n’en faut pour avoir encore le temps d’apprécier le paysage. Et cerise sur le gâteau, deux valises de 32 litres pour la Road et la Street et un top-case complémentaire de 68 litres pour l’Electra, ça permet d’embarquer aussi un petit ordinateur et une paire de chaussures pour le soir!

Géants vus du ciel

Avant d’arriver à Zaventem, pensez à surveiller le poids de votre valise. Avec du matériel moto, on arrive vite à 23kg pour peu que votre sac ne pèse déjà quelques kilos à vide. Les compagnies ne manquent pas pour rejoindre le sol ricain. Et pour atteindre Vegas, les possibilités de connexions sont nombreuses, notamment via Philadelphie ou Washington dans notre cas. Neuf heures de vol jusqu’à la capitale US avant… 5 longues heures d’attente pour un nouveau vol de 5 heures vers Las Vegas. Les secondes s’égrainent lentement. Nous sommes chez l’Oncle Sam, la tension, et surtout l’excitation, commencent à monter. Les nombreux contrôles, avec parfois des officiers peu commodes qui ont l’art de vous interroger comme le dernier des criminels – «aident» à faire passer un peu le temps. Nous voilà finalement en phase d’approche de Sin City. Une image à ne pas rater depuis l’avion si vous arrivez de nuit: Vegas brille de mille lumières et, en son cœur, une avenue de «géants» qui se dressent vers nous. Même à 1.000m d’altitude et à des kilomètres de distance, les casinos de Las Vegas boulevard impressionnent déjà! Premier contact avec l’immensité: pour récupérer les bagages, on prend une espèce de métro et on traverse plusieurs halls gigantesques. Heureusement, ici, on n’aime pas trop l’effort, vive les tapis roulants! Las Vegas est une ville très cosmopolite. Notre taxiwoman est donc… bulgare! 23h, heure locale. Soit 8h du matin heure belge. Après 24h de voyage, ne cédons pas immédiatement aux tentations et allons nous reposer pour, et c’est essentiel quand on roule à moto, nous «rephaser» au plus vite.

Un voyage aux États-Unis en Harley-Davidson, ça se prépare aux petits oignons… ou on se laisse guider par l’un des tours opérateurs officiels de la marque de Milwaukee. Notons que la 2e solution peut très bien aller de pair avec une étude minutieuse du parcours en potassant les guides touristiques adéquats. Harley-Davidson Authorized Tours propose de nombreux circuits aux quatre coins des States. De l’est à l’ouest, du nord au sud, du week-end express au trip de 3.000km, il y en a vraiment pour tous les goûts. Nous avons opté pour le voyage «carte postale»: les parcs de l’Ouest américain. Ces lieux sauvages, presque désertiques, mis en scène pour l’éternité par les meilleurs réalisateurs d’Hollywood. Si vous décidez de découvrir ce genre de paysage à moto, comme dit plus haut, votre monture doit, elle aussi, être une légende. Et dans ce cas, une Harley-Davidson, forte des 110 ans d’histoire de la marque, s’impose tout naturellement. Si vous voulez rouler sur nos traces, le nom de notre circuit est «Soutwest short-cut». Mais pour les besoins de notre reportage et, surtout, pour offrir de bonnes conditions de travail à notre photographe, soulignons que nous avons légèrement customisé le parcours.

Let’s go

Jour 1. Welcome to fabulous Las Vegas. Ce samedi sera une journée tampon, histoire de partir à l’aventure en pleine forme, relaxés, reposés et acclimatés à notre nouvel environnement. Après une première rencontre du 3e type – lisez notre premier déjeuner ricain – il est temps de faire connaissance avec nos montures qui nous attendent au sud du Las Vegas boulevard, à un jet de pierre de l’enseigne la plus photographiée du coin: celle qui souhaite la bienvenue dans cette fabuleuse ville. Nous faisons face à l’immense façade de la concession Harley-Davidson de Vegas. Comme le reste, pour nous Européens matraqués par les slogans d’économie et de downsizing à tout va, ici, tout parait démesuré. Nous sommes certainement au paradis du Harleyman qui, ici, peut venir en famille. Pendant que les enfants mangent une glace devant un match de basket-ball universitaire retransmis sur écran géant et que madame fait un peu de shopping fringues, monsieur peut en effet déambuler tranquillement entre les rayons de pièces détachées ou admirer les dizaines de bécanes exposées. Nos bécanes nous attendent et après les formalités d’usage et quelques manœuvres d’entrainement sur le parking de la concession, direction, nous aussi vers «Welcome to fabulous Las Vegas» pour l’indispensable souvenir. Ensuite, descente du Strip en Harley. Ça le fait grave! Nous voici en plein dans le rêve américain, au milieu des immenses casinos. En parlant de rêve, un petit tour «by night» dans la féérique Fremont Street et, ensuite, au dodo pour se rebooster. Demain, 450km nous attendent… pour mieux faire connaissance avec l’Ouest américain et, surtout, nos montures!

Jour 2. Las Vegas – Grand Canyon National Park. Cap sur la Route 66 historique et sur le Grand Canyon. Sortir de Las Vegas par le quartier Eastern permet de se rendre compte que Sin City ne se résume pas au Strip, à ses attractions et à ses touristes. Près de 3 millions d’habitants vivent dans le grand LV qui accueille plus de 35 millions de touristes par an, un chiffre en croissance ces dernières années. Oui, vous avez bien lu. Pour caser tout ce monde, les casinos sont aussi de gigantesques hôtels. Jugez plutôt, rien qu’au MGM Grand, on compte déjà 10.000 chambres. Mais cette démesure est déjà dans notre dos. Place à un autre style d’immensités: celles de l’Ouest américain. Cap vers l’est et Flagstaff par d’interminables lignes droites, assez bien balayées par les vents, pour rejoindre la route mythique que chaque motard rêve d’emprunter au moins une fois dans sa vie: la 66, construite pour relier Chicago à Santa Monica, soit l’Est à l’Ouest. Sur la portion entre Kingman et Seligman, nous croisons nos premiers frères motards. Grands V en Harley sur la 66. Ça aussi, ça le fait grave! Nous profitons au maximum de ces quelques miles pour respirer l’histoire et nous imprégner du mythe qui vivote encore ici grâce aux derniers établissements encore debout et ouverts. Seligman, entre boutiques de souvenirs et bâtiments abandonnés, illustre à merveille le contraste entre passé glorieux et avenir incertain. Au fur et à mesure que les autoroutes ont poussé, la 66 s’est en effet éteinte, peu à peu. De retour dans le présent, nous poussons à présent plein nord sur la 64 pour arriver au Grand Canyon, par sa face sud. Somptueuse immensité. Les vues sont à couper le souffle. C’est dans ce genre d’endroit que l’on perçoit réellement que nous ne sommes que poussière sur Terre et que la transmettre dans un bon état à nos enfants et petits-enfants est vraiment la moindre des choses. Petit conseil: essayez d’arriver suffisamment tôt pour profiter du spectacle magnifique que représente un coucher de soleil sur le Grand Canyon. L’entrée dans parc national nécessite de s’acquitter d’un droit d’entrée. À moto, le prix est de 12$ pour une période  de 1 à 7 jours. Et si vous logez à Grand Canyon Village, attention, après le coucher du soleil, le retour se fera dans le noir et de nombreux restaurants ferment à 21h. Vérifiez les ouvertures de la cuisine de votre hôtel en back-up…

De nouveaux colosses

Jour 3. Grand Canyon National Park – Monument Valley Navajo Tribal Park. Moins de kilomètres, 175 miles pour être précis, mais une grosse journée quand même. Rouler dans les pinèdes du Grand Canyon constitue un nouveau moment magique. Et en plus, ici, ça tourne un peu! La route, au milieu des bois, longe le Grand Canyon. Ce qui permet de bénéficier de nombreux points de vue, tous plus surprenants les uns que les autres mais bien plus tranquilles que celui situé la veille près du Visitor Center. Le Grand Canyon, cela s’apprécie à sa juste valeur dans un silence religieux! Une fois Grand Canyon National Park dans notre dos, nous faisons face aux infinies plaines de l’Arizona. On retrouve de la ligne droite interminable, la terre devient rouge et on se prend, au choix selon ses préférences, pour Charles Bronson, Clint Eastwood ou Lucky Luke. Les tableaux de bord de nos H-D indiquent que le mercure remonte mais nous voilà à présent surtout bien balayés par de fortes rafales et un maximum de poussière. On se croirait, par moments, sur la Trans Tunisia. Assez usant à la fin et l’arrivée sur le territoire Navajo sent bon la finale de notre étape du jour. Dans ces réserves indiennes assez pauvres, le contraste avec nos Harley-Davidson luxueuses est saisissant. Cette fois, nous apprécions notre condition d’Européens privilégiés. Après 2h d’effort passés à lutter contre les éléments, se dessinent au loin de nouveaux colosses: ceux de Monument Valley. Un autre moment à vous donner la chair de poule. La ville de Kayenta, par contre, ne restera pas dans les annales pour sa gastronomie ou la qualité de son accueil. Mais face à ces rochers qui défient le temps, on oublie tout et on comprend surtout pourquoi l’endroit est si prisé par Hollywood pour ses prises de vue.

Jour 4. Monument Valley Navajo Tribal Park – Bryce Canyon National Park. Pour rejoindre Bryce, souvent cité comme le plus beau parc de la région par les touristes, nous devons revenir sur nos pas et traverser à nouveau l’Arizona pour atteindre l’Utah via le Lake Powell. En route, nous apprenons que le mois d’avril est le mois le plus venteux. Et en effet, Éole et    va continuer à nous fouetter gaiment le visage. La terre rouge fait place à un peu plus de contraste et la verdure fait enfin son apparition, peu à peu, tout comme les virages. Enfin! Attention, dans cette zone, prenez soin de faire le plein dès que vous descendez plus bas qu’un demi-réservoir car les stations ne sont vraiment pas légion. La route vers Page est assez agréable et nous arrivons au Lake Powell où cette étendue d’eau bleue fait office d’oasis dans ce paysage aride. Idem, les motos referont le plein en sortant de Page sous peine de ne pas arriver jusqu’à la prochaine ville, Kanab, une petite cité touristique très sympa non loin des parcs de Zion et Bryce. Les photos s’enchainent à rythme soutenu et, inévitablement, le temps passe. Pas le temps donc de flâner à Kanab et on pousse directement sur Bryce. La route va grimper sans cesse, le relief devient plus encaissé, plus sinueux et avec le soleil qui décline,  on prend un énorme pied sur cette portion magnifique de l’Utah. Sans jeu de mots foireux, Red Canyon, à quelques miles de Bryce, annonce déjà la couleur. On repasse au rouge! Par contre, les températures chutent sérieusement et un bon thermique ou un coupe-vent ne sont pas de trop. Des 20°C qui nous ont accompagnés toute la journée, au coucher du soleil, il n’en reste plus que 6° à notre arrivée à l’hôtel. Bryce est en effet situé à plus de 2.500m d’altitude et en cette saison, ça se paye cash sur le thermomètre. Si vous arrivez en fin de journée, jetez un œil sur les clairières et champs qui longent la route. Peut-être (sans doute), aurez-vous l’occasion d’admirer quelques mammifères locaux.

USA on ice

Jour 5. Bryce Canyon National Park. Une petite journée de pause au milieu du séjour peut faire du bien. Sans équipement adéquat, difficile de «hiker» dans les parcs nationaux américains. Néanmoins, ne pas goûter du tout à cette atmosphère si particulière qui y règne serait vraiment dommage. Bryce Canyon, de par sa taille humaine, propose une bonne alternative. Le parc est également facilement accessible grâce à des navettes circulant de mai à septembre et on peut s’y aventurer pour 1 heure ou pour une randonnée plus longue avec de simples baskets. Mais avec son altitude culminant à quelque 8.300 pieds, Bryce peut jouer les trouble-fêtes. Cette nuit, il a neigé et 5cm de poudreuse recouvrent nos motos. Quel contraste avec le ciel bleu qui ne nous a pas quittés depuis Las Vegas! Inutile de risquer la gamelle, nous ne prendrons pas nos motos aujourd’hui pour visiter le parc.

Jour 6. Bryce Canyon National Park – Zion National Park. Sans conteste la partie la plus «scénique» du voyage grâce aux plus belles routes de l’Utah. Pour rattraper le temps perdu la veille, nous partons de bonne heure. Il gèle toujours à pierre fendre mais le soleil est de retour et la journée sera belle. La beauté naturelle de Bryce est appréciée de tous les touristes. Les points de vue permettent de dominer le parc et ses hoodoos (cheminées de fées), de grandes colonnes naturelles faites de roches friables, le plus souvent sédimentaires, et dont le sommet est constitué d'une roche plus résistante aux effets de l'érosion. À nouveau, on resterait des heures à contempler ces merveilles de la nature. Surtout que par beau temps, comme aujourd’hui, on peut voir jusqu’à plus de 130km à la ronde! Ouvrez également l’œil dans le parc et roulez lentement, un animal n’est jamais loin. Peut-être aurez-vous l’occasion d’observer un pronghorn, une antilope américaine… Il est à présent temps de quitter ce coin de paradis pour dégringoler vers Zion National Park, très apprécié des alpinistes et des bikers. À Zion, on peut en effet rouler «dans» le parc, entre de gigantesques falaises. Un décor à peine réel duquel on craint à chaque instant de voir surgir un dinosaure réveillé par nos twins! L’écrasante puissance de Zion n’a d’égal que le plaisir que nous prenons au guidon de nos Harley-Davidson. Chaque seconde est appréciée à sa juste valeur, ces quelques miles dans Zion constituent à nouveau un des sommets de notre séjour. Ici aussi, veillez à arriver assez tôt pour profiter du soleil couchant sur le parc. Attention toutefois, à ce stade de la journée, la circulation peut vite être compliquée. En outre, le cœur du parc, l’endroit d’où partent la plupart des sentiers de balade, est uniquement accessible aux bus écologiques de Zion ou aux véhicules disposant d’un laisser-passer, notamment pour accéder aux logements au sein de Zion. Ici aussi, ouvrez l’œil, un mouflon d’Amérique du Nord ou un dindon sauvage n’est jamais loin.

Derniers instants

Jour 7. Zion National Park – Las Vegas. Quitter Zion se fait en douceur, accompagné pendant de nombreux kilomètres par un dernier superbe défilé au milieu des montagnes. Encore une petite dose de virolos, ce n’est jamais de refus au pays de la ligne droite! Si l’on choisit de boucler la boucle par l’autoroute 15, on aura encore droit à un décor digne des meilleurs films, au fond d’un canyon écrasé par de vertigineuses falaises. Ce passage marquera de façon abrupte la fin des espaces sauvages… et l’entrée dans le désert du Nevada. Changement radical d’environnement. Désormais, tout est aride, plat et à nouveau plus venteux. Des conditions nettement moins plaisantes pour avaler du bitume et nous nous calons soigneusement derrière nos bulles – vive l’Electra Glide – pour débouler sur Vegas et avaler ces miles à l’intérêt très limité. Heureusement, la ville de tous les vices se profile déjà à l’horizon et nous apercevons à nouveau ses géants. Le Strip nous fait déjà du pied alors que nous avons encore plus de 20 miles à parcourir pour le rejoindre. C’est un peu comme si, depuis la E411, à hauteur de Wavre, on pouvait apercevoir l’Atomium! Difficile d’imaginer la taille de ces constructions délirantes. Il faut vraiment le voir pour le croire. Dernier conseil, ne suivez pas votre GPS qui vous fera sans doute sortir trop tôt de l’autoroute pour traverser toute la ville et ses interminables feux rouges. Visez plutôt le contournement sud ou nord, selon votre lieu de résidence, vous gagnerez un temps précieux. Reste à présent à rendre nos fidèles compagnes au Harley-Davidson Las Vegas. Le rêve prend fin. Mais un autre commence déjà, celui de se payer une Harley ou, à tout le moins, de faire un autre voyage aux States sur ces bécanes si particulières.