Déscente à Dakar – L’aventure existe encore!

Evasion Tourisme Thierry Dricot
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Dakar: une ville qui résonne comme une des aventures ultimes pour les motards. Rallier la capitale sénégalaise est et reste encore une expérience hors du commun. Quelques milliers de kilomètres, des rencontres surréalistes et des paysages à couper le souffle. Deux bécanes, une voiture, trois potes, une légère préparation et c’est parti pour 5 semaines d’aventures!

Si la situation politico-religieuse de ces derniers temps porte à réfléchir, ce n'est pas pour autant que tout devient impossible ni interdit. Descendre à Dakar par la route et quelques pistes oblige à passer respectivement par la France, l'Espagne, le Maroc, le Sahara occidental (c’est le Maroc aussi…), la Mauritanie et, enfin, le Sénégal. Ces trois derniers pays sont majoritairement musulmans mais pour autant «impraticables» pour des touristes. Un peu plus de 7.000km nous séparent de notre destination finale. D'un point de vue pratique, nous optons pour une descente par la route jusque Barcelone où nous prendrons le bateau qui nous débarquera à Nador, au Maroc. De là, direction le sud marocain par la route et quelques pistes dont la mythique Merzouga –  Taouz – Zagora longeant la frontière algérienne et ayant été empruntée à plusieurs reprises lors des premiers rallyes Paris-Dakar. Il faut bien en parler un peu de cette épreuve qui révéla au grand jour ces régions peu visitées à l'époque. C'est bien le regretté Thierry Sabine qui porta le nom de Dakar tout en haut du panthéon de l'aventure. Rouler plus ou moins dans ses traces nous donne l'impression de faire un peu partie de cette épopée.

Pour cette virée, nous disposons de deux BMW F 800 GS neuves et d'un pick-up qui transportera nos bagages, le matériel photo et un jeux de roues montées en pneus off-road pour les parties pistes. Les puristes crieront au scandale mais nous devons ramener des images et puis, il faut bien l'avouer, c'est un peu plus confortable de rouler léger. Entreprendre ce voyage uniquement par la route est envisageable avec une bécane et ses bagages mais les pistes ensablées du grand Sud ne peuvent pas se faire avec des motos chargées jusqu'à la gueule. Au niveau administratif, il faut se munir d'un carnet de passage en douane pour chaque véhicule. Un document délivré par le RACB (Royal Automobile Club de Belgique). Il faut également demander ses visas pour la Mauritanie auprès de l'ambassade de Bruxelles, être en possession de passeports en ordre de validité 6 mois après la date de retour et avoir contracté une bonne assurance rapatriement viendra parfaire votre trousse de documents.

Notre rallye

Si la descente jusque Barcelone ne pose guère de soucis, dès l'embarquement le ton est donné et le dépaysement commence. L'arrivée au Maroc et le passage en douane ne prend que quelques minutes et, enfin, la route de l'Afrique s'ouvre à nous. Nous ne perdons pas trop de temps dans la partie nord du pays pour rejoindre assez vite Marrakech. Nous sommes aux portes de l'Atlas. De là, descente vers Merzouga pour attaquer cette piste reliant Taouz à Zagora. Un peu plus de 200km alternant sable et passages plus rocailleux. Notre première étape a lieu en plein désert, dans une «auberge» située «pile» sur la frontière. Sommes-nous au Maroc? En Algérie? On ne sait pas très bien… mais on espère vraiment être au Maroc. Cette étape, qui peut paraître désuète aujourd'hui, a permis d'écrire de belle passes d'armes lors des premiers Dakar. La refaire trois décennies plus tard constituait un peu notre «rallye» à nous. On a tous ses faiblesses… En route maintenant vers la côte et la longue, très longue descente par la seule route possible qui nous fait traverser le Sahara Occidental. Des centaines de kilomètres de lignes droites seulement entrecoupés de quelques villes telles Dakhla «la blanche». Un endroit improbable où une communauté de surfeurs s'est établie. On est loin de tout, il n'y a pas grand-chose et le sable crisse continuellement sous les dents. Mais on s'en fout, c'est quand même très beau et, surtout, tellement loin de notre quotidien.

La frontière mauritanienne approche. Mais d'abord, il faut sortir du Maroc. Cette formalité ne nous retient pas longtemps mais le «bonne chance pour la suite» du douanier nous fait un drôle d'effet. Avant la Mauritanie, nous devons en effet traverser un «no man's land» d'environ 5km où il est interdit de s'arrêter et de filmer. On peut à peine contourner les épaves calcinées des bagnoles jonchant la piste… L'arrivée à la frontière mauritanienne se révèle franchement moins drôle. Contrairement à la température, l'accueil est glacial. Une seule règle compte ici: ne pas compter le temps! Nos papiers sont en ordre mais ce passage peut prendre 1 heure ou 10 heures… À voir! Quelques pauvres bougres offrent leurs services pour accélérer les choses mais cela ne sert à rien. Il faut laisser le temps au temps, bavarder sous le cagnard avec le douanier, partager un verre de thé avec lui, et puis, à un moment donné, vous vous retrouvez avec vos documents en ordre. Il n'y a plus qu'à tirer jusque Nouakchott, la capitale, pour essayer de trouver un logement. En quelques kilomètres, nous avons changé de planète. À peine parti, je dépasse une Renault 12 sans fenêtres ni portes, sans sièges et dont les 4 roues tanguent dangereusement. À bord, 4 lascars, chech sur la tête, assis chacun sur un tabouret en bois, nous regardent les dépasser sans lever le moindre sourcil. Une autre planète je vous dis!

Retour à la couleur

La traversée de ce pays se fera uniquement sur la voie côtière. La situation un poil tendue pour le moment ne nous autorise pas à nous écarter de cette route. Pour le moment tout va bien, nous n'avons rencontré que des mains tendues, des sourires et de la gentillesse. De temps à autre un contrôle de police nous permet d'arrondir un peu les fins de mois difficile des forces de l'ordre. Nous sommes toujours bel et bien dans une ambiance d'Afrique du Nord, mais peu à peu le physique des gens rencontrés change. Le teint se fonce, les traits deviennent plus négroïdes, la frontière avec le Sénégal approche. Cette démarcation administrative et géographique est également physique puisqu'il faut franchir le fleuve Sénégal pour passer la frontière. On a certainement tous en tête les images de ce bac servant à faire passer hommes et véhicules lors des «Dakar». Il est toujours là, et il faut toujours entrer dans l'eau jusqu'aux cuisses pour monter à bord. Quelques minutes plus tard, nous foulons le sol sénégalais, et là quel choc! D'un seul coup, on retrouve de la couleur, des vêtements chamarrés, des chants, des sons de tam-tam. Nous sommes entrés en Afrique noire en l'espace de quelques mètres. Fini la couleur sable, place aux pistes rouges de latérite. Oublions vite le calvaire du passage de la douane où tout est bon pour vous faire cracher vos dollars… jusqu'au moment où tout s’arrange après vous être risqué à pousser une bonne gueulante.

C'est dans cette ambiance colorée donc que nous poursuivons notre descente vers Dakar. Lors d'un moment de repos dans un petit village, on nous accoste pour nous demander de conduire une femme au dispensaire avec notre 4×4. Nous acceptons, évidemment. Cette dame arrive péniblement jusqu'à la voiture. Elle est enceinte jusqu'aux yeux! Elle prend place à côté du pilote et à peine sommes nous sortis du village, sur la première bosse, elle pose ses pieds sur le tableau de bord, pousse un grand coup… et expulse le bébé qui atterrit sur le tapis de sol dans un bruit spongieux. La maman laissera l'enfant à terre jusqu'au dispensaire et les infirmières lui couperont le cordon ombilical dans la voiture! Bienvenue en Afrique! Nous voici enfin à Dakar, au lac rose qui, effectivement, est bien de cette couleur. Une aventure, une vraie, à propos de laquelle je pourrais parler encore de nombreuses pages, en vous en racontant encore et encore. Mais à quoi bon, finalement. Je préfère vous souhaiter de la vivre à votre tour, sur des routes sans fin, au milieu de paysages envoûtants, en nouant des amitiés furtives mais sincères.

10 conseils pour rejoindre Dakar

1. Veillez à avoir tous vos documents en ordre: passeport – permis de conduire – documents originaux de la moto – assurance – assurance voyage – carte bancaire – carnet de passage en douane. Scannez ces documents et envoyez-les vous par mail ou stockez-les dans un «Cloud».

2. Chargez et testez votre moto quelques jours avant le départ. Adaptez vos suspensions en conséquence.

3. Adaptez votre conduite aux conditions et aux habitudes locales. En Afrique, vous partagerez la route avec les hommes, les enfants, les chiens, les ânes, les poules, les dromadaires et tous, je dis bien tous, traversent la route sans regarder. Méfiance dans les villages. Les plus gros sont les plus forts, gaffe aux camions!

4. Surtout, ne jamais rouler de nuit!

5. Soyez patient en toutes circonstances. La notion du temps telle que nous la connaissons est à oublier dès votre départ. Votre calme et votre sourire sont en général vos meilleures armes.

6. Les passages de frontières sont souvent très longs. Discutez, buvez du thé… mettez-vous à l'ombre. Méfiez-vous des passeurs et ayez toujours un œil sur l'endroit où se trouvent vos documents.

7. Un minimum de 350km d'autonomie est à prévoir. Si votre réservoir n'est pas suffisant, équipez-vous d'un bidon supplémentaire.

8. Prévoyez de l'eau en suffisance, buvez beaucoup et arrêtez-vous souvent.

9. Si vous voyagez aidé d'un GPS, cela ne suffit pas. Ayez toujours une carte papier des régions traversées. Ne comptez pas en général sur les autochtones pour vous guider. Vous aurez simplement droit à «c'est par là» ou «c'est à trois heures»…

10. Ne distribuez pas de friandises, d'argent ou autres bricoles. En général, demandez avant de photographier. N'exhibez pas vos richesses…