Kawasaki Versys 650 ABS & 1000 ABS – Cap vers l’aventure!

Essais Motos Laurent Cortvrindt
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Dévoilées à Intermot, les nouvelles Versys ont évolué physiquement et technologiquement. Et si leur nouvelle «bouille» saute immédiatement aux yeux, sur papier, Kawasaki annonce que les développements techniques apportés les orientent davantage vers une utilisation sportive et touristique. Vérification.

Que l’on ne s’y trompe pas. Si pour son image Kawasaki compte toujours autant sur ses Ninja, afin d’assurer son succès commercial, le constructeur japonais n’a jamais autant croisé les doigts pour que sa Z800 et ses nouvelles Versys plaisent au public. D’ailleurs, de l’aveu même des responsables de la marque rencontrés dans les couloirs de notre hôtel lors de la présentation internationale, ce lancement constituait l’événement le plus important de l’année. Ni plus ni moins. Et quand on sait que Kawasaki a présenté huit nouvelles motos à Cologne et Milan, on comprend à quel point il était souhaitable de ne pas se louper avec les Versys. Pour pour que les choses soient limpides, Kawasaki a avancé les chiffres du marché européen 2014 dominé royalement (38%) par le segment sportif (attention, en incluant donc les roadsters) devant… les 19% des «dual purpose», ces motos qui peuvent vous emmener en voyage (parfois vite) et s’il le faut (vraiment) sur un sentier. Plus loin derrière, on retrouve le segment des cruisers (11%), les motos non-immatriculées pour la route (4%), un mix restant (2%) et les maxiscooters (26%). Avec un marché dual purpose en hausse de 19% et une demande croissante pour des motos à sensations (1000cc-1250cc, +14% en 2014), Kawasaki a flairé la bonne affaire et a donc décidé de réagir en orientant ses Versys 2015 en ce sens.

Esthétiquement, Kawasaki n’y est pas allé avec le dos du scalpel. Et c’était nécessaire, pourrions-nous même ajouter! Les Versys ont donc eu droit à un lifting hollywoodien. La tête de fourche, toujous avec double optique, se divise désormais à l’horizontale pour une identification immédiate à la famille Kawa. Un petit spoiler apparait sous les phares et les clignotants sont déplacés vers les flancs. Si les deux Versys se ressemblent très fort, l’œil averti parviendra néanmoins à distinguer rapidement 650 et 1000. Principalement en regardant le bas moteur, pour y compter les cylindres naturellement, mais aussi en observant l’échappement, sous la moto ou du côté droit ; le bas carénage, en plastique noir ou peint avec un discret petit 1000 ; l’amortisseur arrière, peint ou caché ; les écopes sous les phares avant, ténues ou plus proéminentes ou, enfin, le phare arrière, plutôt genre lemniscate ou ovale. Les Versys bénéficient désormais d’un look beaucoup plus aguicheur.

Premier choix

Premier jour de la présentation, première rencontre. C’est une 650 mais avec ses 216kg sur la balance, la «petite» Versys en impose. Le nouveau look de la tête de fourche n’est d’ailleurs pas étranger à cette prise de poids. On ne peut pas tout avoir… La selle se révèle relativement haute et dommage qu’aucun système pour abaisser ses 840mm n’ait été prévu… Heureusement, dès les premiers tours de roues, on respire grâce à une position très confortable. Avec un guidon plat et large, les bras trouvent naturellement leur position. Idem pour les genoux qui se logent le long du réservoir plus volumineux (2ll, +2l). La selle est moelleuse et confortable, les jambes ne sont pas trop pliées, les pieds sont positionnés plus bas (15mm) et plus en avant (20mm) et, agréable surprise, la bulle de série, même en position basse (elle est réglable sur 60mm), joue à merveille son rôle pour un pilote d’1m80. Elle a d’ailleurs grandi de quelque 70%. Niveau confort, merci également au long débattement de la fourche inversée 41mm et du monoamortisseur. Par contre, il ne nous faut que quelques mètres en ville pour nous rendre compte que l’indicateur de rapport engagé dont nos motos étaient équipées «rame» sévèrement. Dès que l’on joue de l’embrayage à basse vitesse ou quand on rétrograde trop vite, le pauvre perd son latin. Une option qui, en définitive, apporte plus de confusion que de clarté dans ces situations. On regrette aussi que le sélectionneur des poignées chauffantes (6 positions) et le bouton des antibrouillards nécessitent de lâcher la poignée gauche pour être actionnés.

Avec ses valises et son top-case, la 650 grossit un peu et cette moyenne cylindrée nécessite quand même que l’on garde l’œil ouvert avant d’essayer de se jeter dans un trou de souris. Même s’il a pris 5ch et 3Nm au passage, sous 3.000 tours, le bicylindre manque de vivacité. On attend… en espérant sentir la cavalerie arriver d’un coup mais en définitive, le bloc se contente de pousser gentiment et, heureusement très longuement. Quasi jusqu’à la zone rouge, sans s’essouffler. En 6e à 2.000 tours de la zone rouge, il vous emmène tout de même à plus de 170km/h. Pas un foudre de guerre ou un superjoueur, certes, mais la réserve proposée est largement suffisante, pas de panique. Rayon freinage, rien à redire. C’est mordant et progressif devant et efficace derrière (le disque gagne d’ailleurs 30mm), peut-être même un peu trop avec un ABS qui n’hésite pas à entrer en action si l’on appuie avec enthousiasme du pied droit. Entre 5.500 et 7.000 tours, par contre, des vibrations se font ressentir dans la selle malgré l’arrivée de silent blocs pour les supports moteur. C’est vraiment le seul point noir car de tout le reste, on s’accommode aisément. Tarifée à 7.699€, la Versys 650 est avant tout une voyageuse particulièrement accessible. Car à son guidon, on a vite compris que même si elle est capable de tenir un rythme intéressant, c’est sur un filet de gaz qu’elle est la plus agréable à piloter. À une vitesse qui vous permet de regarder la route mais aussi le paysage. Pour ce budget, avec une telle capacité de chargement (210kg, +30kg de charge utile grâce au renforcement de la boucle arrière et des roues), la Versys 650 fait office de premier choix. Ajoutez une consommation moyenne mesurée à 5,00l après 190km de découverte et vous saurez qu’elle ne va pas vous ruiner. Les propriétaires d’un ancien modèle regretteront peut-être la perte de son caractère démonstratif. C’est vrai que la version 2015 est beaucoup plus «bourgeoise», plus aseptisée au niveau des sensations pures de conduite… Mais elle est plus confortable, avec des suspensions incroyablement souples qui permettent d’attaquer sereinement toutes nos routes. Ici aussi, sans doute, on ne peut pas tout avoir…

Toujours rageuse

Vingt-quatre heures après avoir découvert la 650, Kawasaki nous présente la grande sœur de la famille dual purpose: la nouvelle Versys 1000. Point de vue gabarit, on joue naturellement dans une autre division. Plus longue de 8cm, plus large de 5cm et plus lourde de 34kg, la 1000 se manie avec précaution. Le guidon surélevé de 20mm n’est pas de refus pour obtenir un meilleur contrôle. Par contre, avec un empattement plus long, son 4 cylindres de 120ch basé sur celui de la Z1000 et une hauteur identique et une garde au sol plus basse de 20mm que sur la 650, on sait que cette fois les sensations vont être au rendez-vous. Les récents 4 pattes de Kawasaki m’ont toujours énormément séduit. Et c’est encore une fois le cas. Quel plaisir que de pouvoir reprendre à moins de 2.000 tours sans se soucier du rapport engagé car même en 6e, on sait qu’on ne risque rien. Et en même temps, quel plaisir que de le sentir s’exciter rageusement, avec son feulement rauque, dès que l’on passe les mi-régimes. Docile quand on le veut, puissant quand il le faut. Bémol, comme sur la 650, des vibrations sont toujours présentes dans la selle. Mais par rapport à l’ancienne Versys, qui vous gratouillait copieusement les fesses entre 6.000 et 7.000 tours peu importe le rapport engagé, cette fois, ces vibrations ont quasi disparu. En 2e et en 3e, tout au plus note-t-on un léger chatouillis entre 5.000 et 7.000 tours. Et en 4e et en 5e, on ne sent vraiment quasi plus rien. Cette fois, les nouveaux supports moteurs supérieurs sur silent blocs font effet. C’est de toute façon beaucoup moins embêtant qu’avant car la plage d’utilisation principale du 4 cylindres se trouve désormais un peu plus bas dans les tours. Sauf si vous passez votre temps à «bomber», naturellement… Soulignons aussi une réaction parfois un peu brusque à la remise des gaz. À l’image du bloc moteur, le frein avant fait toujours preuve de caractère. Quant à l’arrière, et contrairement à la 650, il conviendra d’appuyer fermement sur la pédale de frein pour que celui-ci se mette utilement en action. Par contre, l’arrivée d’un embrayage antidribble assisté soulagera votre main gauche à la fin de la journée.

Niveau confort, c’est vraiment bon, comme sur la 650. Seule la bulle génère de manière très surprenante bien plus de turbulences sur le casque, et donc de bruit. Et en position haute, pas d’amélioration. Sa plage de réglage de 75mm a pourtant été élargie de 4cm… L’effet global du design de la face avant, sans doute. Bulle haute à prévoir en option si vous mesurez 1m80! En duo, un bon 15cm séparent pilote et passager. De quoi voyager très relax. Par contre, pour monter et descendre sur la selle arrière, avec les valises, une bonne souplesse des jambes sera requise. Pour le conducteur, toujours pas de de selle modulable. Mais avec 840mm (-5mm), on culmine heureusement à la même hauteur que sur la 650. Si la petite sœur proposait un tableau de bord à deux étages, compte-tours au-dessus et écran digital en dessous, sur la 1000, on retrouve tout ce qu’il faut, avec une présentation plus classique. À gauche, le compte-tours à aiguille et à droite, un écran digital avec jauge essence, vitesse, indicateurs du mapping et du contrôle de traction, ainsi qu’un témoin de conduite économique. Un premier bouton permet, en outre, d’afficher soit la température de l’air, soit la température moteur et un second vous fait voyager entre l’horloge, l’odomètre, deux trips, la conso instantanée, la conso moyenne et l’autonomie restante. Tant qu’à parler d’autonomie, la 1000 s’est contentée de 5,50l sur un parcours beaucoup plus roulant que la veille. Vu qu’elle dispose du même réservoir de 21l, l’autonomie reste très intéressante. Avec un top-case de 47l et des valises de 28l chacune, vous serez parés pour aller loin. Très loin. Surtout que la Versys 1000, si elle peut se conduire dans les tours avec le cœur comme on le fait sur un roadster, joue quand même prioritairement la carte du confort avec un amortissement plus souple et de nouveaux réglages de ressorts additionnels. Le train avant reste précis mais la remontée d’information n’est pas aussi nette que sur, par exemple, une Z800 ou une Z1000. Si la fourche pompe en courbe suite à une compression ou si l’on serre les freins trop tard en entrée de virage, le feeling se dilue un peu. Par contre, on roule en permanence dans du beurre. Au final, un excellent compromis pour un tourisme suffisamment sportif. Enfin, pour acquérir la Versys 1000, votre portefeuille devra s’alléger de près 5.000€ supplémentaires. 12.599€, c’est son prix. Cela reste concurrentiel dans son segment mais le tarif est beaucoup moins serré que celui de la 650.

Conclusion

Si certains acheteurs potentiels avaient pu être reboutés par le look plutôt discutable des premières Versys, désormais, les dual purpose de Kawasaki n’ont, esthétiquement parlant, plus grand-chose à envier aux plus belles aventurières. Les nouvelles faces avant sont vraiment très réussies et l’ensemble moto/accessoires se révèle à présent parfaitement intégré. Rayon sportivité, on reste par contre un peu sur sa faim. Surtout vu le discours marketing tonitruant et, plus spécifiquement, pour la 650 dont le moteur ne semble jamais réellement prêt à décoller. La 1000, elle, se révèle toujours aussi performante quand on enroule du câble. Mais les gains en puissance et en couple sont, en pratique, imperceptibles. C’est donc du côté tourisme que les Versys ont le plus progressé. Et ce de façon vraiment manifeste. Elles sont confortables, souples, maniables, spacieuses pour deux, économiques et pratiques. Idéal donc pour partir en week-end à proximité… ou plus longtemps et plus loin si l’envie vous en dit, avec de beaux et spacieux top-case et valises!

Un essai signé Laurent Cortvrindt et publié dans le Moto 80 n°770 de janvier 2015.