Comparatif BMW F 800 GS – Triumph Tiger 800 XC

Essais Motos Christophe Jardon
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Attendue depuis longtemps, la «petite» Triumph Tiger a rapidement répondu aux attentes dont elle faisait l’objet. Comme toutes les créations récentes d’Hinckley, c’est une grande réussite. Mais que vaut-elle face à celle dont elle s’inspire, la BMW F 800 GS?

Avant de s’attaquer à la reine des trails (la BMW R 1200 GS) avec une nouvelle Tiger de plus de 1000cc (attendue prochainement), Triumph s’est mis en tête de déstabiliser la famille royale allemande en opposant sa «baby Tiger» à la princesse GS, la F 800. Un choix stratégique dans un secteur qui risque de se développer dans un futur proche, avec l’arrivée probable d’une Husqvarna inédite, mais aussi d’une nouvelle Suzuki DL voire d’une Honda Transalp remise à neuf. C’est en tout cas un marché porteur tant ces motos se montrent agréables dans (quasi) toutes les situations. Faciles à prendre en main, de dimensions pas trop intimidantes, maniables à souhait, assez confortables, souples, peu gourmandes en carburant, abordables financièrement… On ne leur trouverait presque que des qualités, au point d’en faire des machines quasi idéales. Mais à l’heure du choix, laquelle retenir…

 

Technique

C’est clair dès le premier coup d’œil: pour sa petite Tiger, Triumph n’a pas hésité à s’inspirer de la BMW. Pour le look, pour certaines solutions techniques, mais aussi pour la cylindrée. A la base, le trois cylindres qui équipe l’Anglaise est le 675cc des Daytona et Street Triple. Pour animer la Tiger, il ne s’est pas contenté d’augmenter sa capacité pour la porter à 799cc. Bien au contraire, puisque 85% du bloc ont été modifiés, pour un coût de développement qui avoisinerait les 4 millions d’euros. Voilà qui en dit long sur les ambitions de la firme britannique. Il fut notamment décidé d’accroître la course plutôt que le diamètre des pistons, et ceci afin de favoriser le couple et la motricité. Le tricylindre de 800cc est suspendu dans un tout nouveau cadre en acier arborant l’architecture du double treillis tubulaire familier dans la gamme d’Hinckley. Le bras oscillant est en aluminium et accueille une jante à rayon de 17 pouces pour la version XC de notre comparatif, qui se distingue également par sa fourche de plus gros diamètre et de plus grand débattement que la version « non XC ». La Tiger est disponible en version ABS, tout comme la BMW, qui permet en outre de le déconnecter.

 

La F 800 GS BMW n’a quasi pas évolué depuis sa sortie, en 2008, aux côtés de sa petite sœur la F 650 GS, qui n’a de 650 que le nom puisqu’elle bénéficie du même bicylindre parallèle de 798cc. Voici donc un autre point commun entre l’Allemande et la Britannique: elles sont chacune proposées en deux versions, une plus citadine et routière (F 650 GS – Tiger 800), l’autre plus typée «tout- terrain» et légèrement plus chère (F 800 GS – Tiger 800 XC). Le moteur de la BMW, c’est – à peu de choses près – celui qu’on retrouve dans la F 800 S, ST et R, un twin en ligne injecté à double arbre à cames en tête et quatre soupapes par cylindre. Il prend place dans un cadre tubulaire en acier accouplé à une fourche inversée de 45mm et à un bras oscillant en aluminium, comme sur la Tiger. Etriers de frein Nissin pour l’une (Triumph), Brembo pour l’autre, les différences techniques sont finalement peu nombreuses, mis à part ce qui sépare le trois cylindres Triumph du twin BMW.

 

Comportement moteur

Cette différence d’architecture induit naturellement une différence de comportement. Un «bi» et un «tri», ce n’est pas la même chose, mais ce n’est pas pour autant facile à départager, surtout quand ils sont bourrés de qualités comme ceux qui nous occupent. Ou s’ils vont jusqu’à imiter le comportement de leur aîné. C’est le cas du BMW. Par sa souplesse, sa rondeur et son élasticité, le 800cc parallèle BMW rappelle sans cesse le boxer de la R 1200 GS ! Etonnant. On a donc affaire à un moteur joyeux, d’une souplesse étonnante pour un bicylindre, vif et à la sonorité rauque. Sa plage de régime est moins étendue que celle de la Triumph, mais sa joie de vivre compense largement. Seul bémol, une poignée de gaz à la réponse très «on/off» qui ne facilite pas toujours les évolutions à basse vitesse.

 

Sur ce point, la Tiger est de son côté irréprochable. La gestion de l’injection électronique séquentielle est exemplaire. Que ce soit à l’ouverture des gaz, à leurs coupure ou à tout autre moment, ce moteur ne surprend jamais le pilote. Ses montées en régimes sont très linéaires, hyperprogressives et finalement un peu trop prévisibles. Le tempérament et la fougue tant appréciés sur les Daytona et Street Triple font ici quelque peu défaut. Cela dit, le trois pattes anglais reste un sacré moteur, avec une sonorité et un charme tout particuliers. Par rapport à ses cousins directs, il manque juste un peu de peps. On appréciera par contre sa grande douceur et sa souplesse sur les longs voyages et/ou au quotidien. Sans oublier qu’il se montre plus puissant que le bicylindre BMW: 95ch à 9.300 tours contre 85ch à 7.500tr/min pour la F800.

 

Des chiffres qui confirment les impressions ressenties au guidon: 10 chevaux de plus obtenus près de 2.000 tours plus hauts… Le bloc Tiger dispose d’une cavalerie plus importante, mais aussi d’une plage de régimes plus étendue pour les laisser s’exprimer. Il doit par contre s’avouer vaincu sur le terrain du couple: 79Nm à 7.850tr/min pour 83Nm à 5.750tr/min sur la BMW. Résumons: doté d’une belle souplesse, le twin BMW donne le meilleur de lui-même entre 5.000 et 7.500 tours. Plus placide tout en étant plus costaud, mais aussi plus souple (grâce à son cylindre supplémentaire), le «tri» anglais sait y faire avec plus de constance (mais moins de caractère) des plus bas aux plus hauts régimes.

 

Comportement routier

Contrairement à ce que leurs lignes et leurs apparences laissent penser, la Tiger et la F 800 ont des mensurations assez différentes. La BMW est plus longue, plus haute d’assise et plus légère : 207kg (tous pleins faits) contre 217 pour la Triumph. En selle, cette différence de poids est immédiatement perceptible, mais on note également une belle opposition de style en termes d’ergonomie. La BMW est fine entre les jambes, fluide au niveau de la position de conduite. Le guidon tombe parfaitement en main. On se sent comme sur une vraie trail, avec une position proche d’une machine d’enduro. La Tiger est plus «tarabiscotée», à l’image des lignes de sa carrosserie. Le premier contact n’est pas aussi naturel que sur la BMW. Elle est plus large, plus pataude et un peu moins intuitive.

 

Pas facile de tenir tête à la GS sur ce point. La BMW se conduit comme un grand vélo. Sa légèreté, sa maniabilité et son équilibre à basse vitesse la rendent aussi facile que rassurante pour tourner autour des ronds-points, improviser un demi-tour ou slalomer entre les files de voitures. Elle profite également de ses atouts en off-road, où ses capacités ont de quoi étonner. Il n’y a qu’à haute vitesse où elle perd un peu de sa superbe, avec un train avant un peu moins précis, notamment dans les courbes rapides ou dans les changements d’angle.

 

Face à la GS 100% trail dans l’âme et dans le comportement, la Tiger apparaît de plus en plus comme une routière haute sur pattes, avec même quelques accents de roadster, par exemple au niveau de la position de conduite (bras plus écartés). A allure modérée, la Triumph se conduit un peu moins «toute seule» que la BMW. Elle reste néanmoins d’une grande facilité, d’une maniabilité réjouissante et d’un remarquable équilibre général. Elle revient à la charge dans les portions rapides, où sa stabilité lui permet de devancer sa rivale germanique, dommage que son freinage manque d’un peu de mordant. Si la BMW rassure dans les villes ou dans les chemins, la Triumph le fait sur les belles routes qui tournent. Chacune sa spécialité.

 

Performances & confort

Dix chevaux de plus pour le trois cylindres anglais. Malgré son poids plus élevé, la Tiger conserve l’avantage que lui a offert son moteur en termes de performances pures. On précisera encore que la BMW n’est jamais très loin derrière, mais là n’est pas le plus important. On retiendra surtout qu’avec moins de 100ch, ces deux trails procurent des sensations dont on profite à chaque instant et dont on ne se lasse jamais. Leur rapport poids/puissance est plus que suffisant dans toutes les situations. Il n’y a qu’à deux où l’on voudrait – parfois – bénéficier d’un peu plus de coffre. Mais à deux, on attend surtout du confort. Sur ce point, BMW doit (pour une fois) s’avouer vaincu. La selle de la GS est trop ferme, sa protection aérodynamique moins efficace et ses suspensions gomment moins les petits chocs. Côté confort, la Tiger est donc plus aboutie, comme le prouvent sa selle en deux parties, ses larges poignées de maintien pour le passager ou encore ses protège-mains.

 

Finance et consommation

Un peu plus de 10.500€ pour la BMW, un peu moins de 10.000€ pour la Triumph, le tout sans option et sans ABS. Ce dernier est d’ailleurs un peu plus cher sur la GS, mais il présente l’avantage d’être déconnectable. Dans tous les cas de figure, la Tiger se positionne en dessous du prix de la F800. Question de stratégie commerciale. Elle ne peut par contre pas faire aussi bien que la BMW au niveau de la consommation. Rarement plus de 6l/100km pour l’Allemande, alors que l’Anglaise dépasse régulièrement la barre de 6,5l. Heureusement, son plus grand réservoir (19l contre 16l) permet à la Tiger de tenir la distance en termes d’autonomie.

 

Conclusion

Première chose à retenir: la BMW comme la Triumph, avec leur prix proche des 10.000€ et leur moteur de 800cc de moins de 100 chevaux, sont de vraies motos plaisir. A leur guidon, comme souvent avec les trails, on voudrait partir sans penser à s’arrêter. Leur facilité générale et leur joie de vivre mettent de bonne humeur. Et comme elles sont aussi performantes et confortables, on leur trouve finalement peu de défauts. Ce ne sont pas pour autant des sœurs jumelles. La F 800 GS est la plus trail des deux, la plus légère, la plus amusante, mais aussi la moins confortable. La Tiger XC est moins fidèle à l’esprit originel des trails. Elle est plus routière dans l’âme, plus stable, plus performante, mais aussi plus encombrante.