Essai Triumph Tiger Sport 800 : Un tigre sportif et docile

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Avec sa nouvelle Tiger Sport 800, Triumph répond à une demande. Trail routier taillé pour le tourisme sportif avec ses roues de 17 pouces, le félidé britannique rejoint une gamme aussi pléthorique que variée. Au creux de sa cage thoracique bat un cœur tout neuf de 798 cm3 crachant dans un feulement nécessairement félin pas moins de 115 chevaux. Alors, plutôt rugissement intimidant ou ronronnement chaleureux ?

Texte Vincent Marique – Photos Triumph

Même si les tigres sont des animaux a priori solitaires, chez Triumph, ils vivent en meute ! Aujourd’hui, la gamme Tiger qui constitue l’offre « Adventure » de Triumph est particulièrement fournie. Elle est ainsi composée de toutes les variantes de la Tiger 1200 (GT Pro, GT Explorer, Rally Pro et Rally Explorer), des déclinaisons de sa petite sœur la Tiger 900 (GT, Rally, GT Pro et Rally Pro), de la nouvelle Tiger Sport 660 arrivée très récemment, de la Tiger Sport 850 et donc de cette nouvelle Tiger Sport 800. La catégorisation des motos demeure un sujet passionnant qui fait débat. Chez Moto 80, c’est un sujet qui anime les discussions quasi en permanence.

Parmi ces félins anglais, nous avons pris l’habitude de considérer les Tiger 1200 et Tiger 900, dans leurs diverses versions, comme des trails d’aventure axés sur un usage mixte, privilégiant plus ou moins un type de terrain plutôt qu’un autre selon leurs équipements. Comme vous avez encore pu le voir dans le traditionnel Guide d‘achat annuel paru le mois dernier, nous avons rangé dans la case Sport-Tourisme – un segment qui ne cesse de se développer – les nouvelles Tiger Sport 660 et 800, mais aussi toujours la Tiger Sport 850. A priori, on pourrait croire que cette nouvelle Tiger Sport 800 vient remplacer la Tiger Sport 850. Il n’en est rien puisque celle-ci reste au catalogue. Il est vrai qu’avec sa roue avant de 19 pouces, la 850 tend davantage vers l’aventure que cette nouvelle Tiger Sport 800 montée en 17 pouces. D’ailleurs, entre cette Tiger 850 Sport et la nouvelle Tiger 800 Sport, les différences sont aussi nombreuses qu’entre la 660 et la 800 ! La vraie question ne serait-elle pas de savoir si cette nouvelle Tiger Sport 800 pourra enfin remplacer la Tiger Sport 1050, disparue du catalogue en 2021. Bon, avec tous ces chiffres et ces modèles, vous suivez encore ?

Le tigre ne craint pas l’eau

Les Michelin Road 5, en 120/70 à l’avant et 180/55 à l’arrière, équipant notre Tiger Sport 800 ‘Cosmic Yellow’ – on adore la couleur ! – frémissent d’impatience à l’idée de partir à l’assaut des routes d’Algarve sur lesquelles nous allons pouvoir goûter à cette nouvelle Tiger Sport 800. Mais la tempête Herminia veille au grain… Les nuages noirs laissant planer la menace au-dessus de la bande côtière ne vont pas tarder à céder la place à des rideaux d’eau qui vont nous permettre d’apprécier les routes de l’arrière-pays lusitanien par une météo typiquement belge. Ou plutôt ‘typically British’ pour faire honneur à nos amis anglais de Triumph Motorcycles, qui se demandent encore pourquoi ils n’avaient pas choisi le pays de Galles ou l’Écosse pour cette présentation européenne. Au moins, cette fois, nous allons pouvoir juger le mode Rain en conditions réelles.

Visuellement, la nouvelle Tiger Sport 800 est assez proche de sa petite sœur, la 660. On retrouve le même museau, le même design de réservoir (même si plus volumineux) et un double bras oscillant identique. Son joli minois se pare de feux diurnes (DRL) rejoignant l’éclairage Full LED, à l’avant comme à l’arrière. Afin de loger le nouveau moteur de 798 cm3, l’empattement a été légèrement allongé, passant de 1.418 à 1.422 mm, assurant à la 800 une silhouette légèrement plus effilée. De série, le nouveau sport-tourer de Triumph est livré en Graphite/Sapphire Black. Une livrée sobre, mais élégante. Moyennant 100 euros de supplément, vous pourrez opter pour le Caspian Blue/Phantom Black, le Sapphire Black ou, mieux encore, le Cosmic Yellow de notre exemplaire de test. Comme toujours chez Triumph, la finition apparaît assez exemplaire et toutes les commandes sont qualitatives.  

La première bonne nouvelle, et nous allons tout de suite nous en rendre compte sur les routes portugaises, c’est que ce mode Rain ne castre absolument pas le nouveau 3-cylindres. Les 115 chevaux proposés à 10.750 tr/min et les 84 Nm délivrés à 8.500 tr/min sont pleinement disponibles. Avec déjà 90 % de ce couple à disposition dès 3.000 tr/min. Sous la pluie, on peut profiter en pleine confiance de toute la souplesse de ce moteur. Même en roulant à très bas régime sur les rapports intermédiaires, à 2.000 tours, on apprécie pleinement l’absence totale de vibrations. Il n’y a pas à dire, sur ce plan, les 3-cylindres surclassent largement les traditionnels bicylindres équipant la majorité des trails routiers. Ce qui change dans ce mode Rain par rapport aux modes Road ou Sport, c’est évidemment la progressivité de l’accélérateur électronique et la réactivité de l’antipatinage, asservi à la centrale inertielle IMU à six axes. Le tout est parfaitement calibré et, pour une fois, nous n’avons pas la sensation de devoir nous priver du potentiel de la mécanique dès que l’on doit sélectionner le mode Rain.

Un bloc à deux visages

S’il partage une architecture commune avec le moteur de la 660, mais aussi celui de la Street Triple 765, ce nouveau 3-cylindres ne se contente pas de valeurs d’alésage ou de course accrues. Le vilebrequin, la culasse, les bielles, le chemisage, les soupapes ou les pistons sont tous repassés sur la planche à dessin des designers de Hinckley. Niveau admission, le corps de papillon unique a cédé la place à un exemplaire triple, ce qui explique aussi l’allongement de l’empattement. Tout profit aussi pour la courbe de couple. Côté bande sonore, à bas et moyens régimes, les piétons profitent en réalité davantage du feulement du 3-cylindres que le pilote. Triumph pourrait peut-être s’inspirer sur ce plan de Yamaha, qui a doté sa MT-09 d’écopes au niveau du réservoir permettant de « ramener » vers le pilote le son du bloc CP3. En accessoires, Triumph propose aussi un silencieux Akrapovic.

En fait, ce nouveau 3-cylindres, peut-être plus encore que ses cousins de la gamme, il affiche deux personnalités distinctes, à l’oreille comme dans son tempérament. Dès 6.000 tours et jusque bien au-delà des 10.000 tours, il déploie ses vocalises avec sans cesse plus d’entrain, bien aidé aussi par l’embrayage antidribble associé à la boîte 6 et à un Quickshifter Up/Down très réactif, même si le sélecteur aurait mérité d’être un peu plus grand. Ce bloc de 798 cm3, il développe 34 ch de plus que celui de la 660, mais aussi et surtout 30 ch de plus que le 888 cm3 de la 850 Sport. Sur ce plan, il faut d’ailleurs souligner que Triumph est l’un des rares constructeurs à travailler en permanence sur ses moteurs, proposant sans cesse de nouvelles évolutions et de nouvelles variantes. Les synergies et les économies d’échelle, le constructeur de Hinckley ne les situe pas à ce niveau.

Sur le plan de l’ergonomie, Triumph sait traditionnellement y faire. Relativement droite, avec une selle culminant quand même à 835 mm (une selle basse est proposée en option, réduisant la hauteur de 25 mm), la position de conduite est agréable avec un réservoir bien galbé sur lequel le haut des jambes vient se coller tout naturellement. La bulle est réglable en hauteur sur 7 crans, avec une commande manuelle aussi simple que pratique. D’une main, en saisissant la large poignée, il est parfaitement possible d’ajuster la hauteur en roulant. Comme souvent hélas pour les pilotes de plus de 1m80, même dans la position la plus haute, les turbulences sur le haut du casque sont relativement présentes dès que l’on dépasse les 100 km/h. Cette bulle offre toutefois une bonne protection sur le haut du corps. Ce qui manquait par contre sur notre exemplaire d’essai, ce sont les protège-mains faisant partie du pack GT ou disponibles moyennant 150 euros de supplément. Par temps de pluie, c’est un équipement indispensable que ne remplacent pas les poignées chauffantes, proposées en accessoires.

Suspensions Showa

Si la 850 Sport repose sur des suspensions Marzocchi avec à l’avant des tubes de 45 mm de diamètre, la nouvelle Tiger Sport 800 doit se « contenter » d’une fourche inversée Showa de 41 mm. Mais contrairement à celle équipant la 660, cette suspension avant est ici réglable, en compression et en détente, depuis le sommet des deux fourreaux. Assez souple dans sa configuration standard, la suspension s’est avérée idéale sous la pluie, renforçant encore la sensation de confiance au guidon. Lorsque les routes se sont asséchées dans l’après-midi, permettant de goûter d’ailleurs au mode Road et un peu aussi au mode Sport, l’amortissement nous a paru un poil trop souple, provoquant une plongée un peu excessive au freinage. Une question de goût, mais absolument rien de vraiment gênant. Et de toute manière, l’ajustement de la suspension est tellement simple qu’il serait dommage de ne pas l’adapter à ses préférences personnelles. Quant à la suspension arrière, elle est aussi fournie par Showa, avec une détente réglable. La précharge peut aussi être ajustée par voie hydraulique à l’aide d’une petite mollette logée près du repose-pied passager.

Repris de la 660, le tableau de bord décevra sans doute les adeptes des vastes dalles TFT ultramodernes et colorées, ou les vrais geeks. Plutôt compact, et logé assez bas, le plaçant un peu en dehors du champ de vision immédiat, ce tableau de bord est constitué de deux parties. Le petit écran TFT couleur est surmonté d’une section LCD reprenant l’essentiel des informations vraiment utiles, comme le régime moteur, la vitesse ou la jauge de carburant. La structure des menus est assez logique. Mais pour changer de mode de conduite par exemple, mieux vaut quand même être en ligne droite sans trop de circulation ou à l’arrêt car plusieurs manipulations au commodo gauche sont nécessaires : appuyer sur le bouton M, sélectionner le mode à l’aide des flèches et confirmer. On a déjà vu plus simple, pas mal de marques proposant aujourd’hui des changements de mode d’une simple pression, unique, sur un bouton. Par contre, ce qui est bien vu, c’est que dans chacun de ces trois modes (Rain, Road et Sport), il est possible de personnaliser les préférences du TCS (antipatinage) et de l’ABS. Et elles sont sauvegardées même lorsque le moteur est coupé. Pas besoin ainsi de mode User paramétrable.

Confiance

Au rayon freinage, on retrouve un double disque flottant de 310 mm. Par rapport à la 660, les étriers à montage radial, garnis ici du logo Triumph, passent de 2 à 4 pistons, de quoi garantir un dosage parfait du freinage, doublé d’une belle endurance. À l’arrière, on retrouve le même disque simple de 255 mm et un étrier Brembo à piston unique coulissant, un équipement ne souffrant aucune critique et mettant parfaitement à l’aise sur les revêtements glissants puisqu’il est combiné à un ABS « optimisé pour les virages ». Entendez par là qu’il prend en compte l’angle grâce aux infos fournies par la centrale inertielle afin d’adapter son seuil de tolérance et son niveau d’intervention. Comme le reste de l’électronique, cet ABS intelligent reste discret en toutes circonstances, sans jamais se montrer intrusif. Bien joué, là encore.

Avec le réservoir de 18,6 litres plein, cette Tiger Sport 800 n’affiche « que » 214 kilos sur la balance. Malgré le rythme soutenu de cette prise en main, du moins dans sa seconde partie, la consommation moyenne n’a guère excédé les 4,7 litres aux 100 kilomètres annoncés par le constructeur. L’autonomie devrait donc s’avérer généreuse. Son équipement l’est aussi, surtout vu son prix de base de 12.695€. De série, la Tiger Sport 800 dispose ainsi notamment du Quickshifter Up/Down, d’un éclairage Full LED, d’un régulateur de vitesse et aussi par exemple de la connectivité Bluetooth. Pour les poignées chauffantes, les clignotants à LED, le contrôle de la pression des pneus, la béquille centrale ou la prise d’alimentation auxiliaire, il faudra passer par les options. Idem pour le coloris Cosmic Yellow, même si ce n’est que 100 euros à ajouter.

Avec quelques options, on devra vite ajouter 1.000 ou 2.000 euros de plus à la facture finale. Mais c’est pareil par exemple pour une Yamaha Tracer 9, tarifée de base à 13.199€, ou la BMW F 900 XR (12.490€ sans aucune option). Il faudra vraiment cocher toutes les cases du bon de commande pour arriver au niveau d’une Africa Twin (15.549€) ou d’une KTM 890 SMT (15.599€). Bref, Triumph a parfaitement calibré son offre pour renforcer l’attrait de cette Tiger Sport 800, même si cela devait passer notamment par quelques économies, par exemple au niveau du tableau de bord.

Conclusion

Rares sont les essais au terme desquels on se dit que le modèle testé figurerait bien sur la courte liste des motos que l’on envisage de s’acheter pour un usage régulier et personnel. C’est le cas de cette Triumph Tiger Sport 800 ! Elle ne manque pas de qualités : une moto à taille humaine, un look séduisant, trois modes de conduite bien calibrés et bien distincts, une partie-cycle vraiment saine, une moto qui met en confiance dans toutes les circonstances, un moteur à la fois souple et (suffisamment) puissant, une électronique qui veille au grain sans être intrusive, un affichage qui ne donne pas l’impression d’être au guidon d’une soucoupe volante ou d’une Tesla à deux roues… Bref, sans avoir le sentiment de devoir se couper un bras – voire les deux – pour se l’offrir, même s’il faudra obligatoirement cocher quelques options, cette Tiger Sport 800 mérite peut-être bien l’attribut de maître achat. Reste qu’elle a de la concurrence. Et que celle-ci a aussi des arguments à faire valoir.

Les +
+ Souplesse du 3-cylindres
+ Modes de conduite bien pensés
+ Facile à prendre en main

Les –
– Politique d’options
– Protection pour les grands gabarits
– Écran un peu basique

Un essai complet paru dans le Moto 80 #892 de mars 2025